Huawei et ZTE, liés au régime chinois ? La suspicion qui entoure les deux groupes a pris de l'ampleur, dimanche soir, avec la publication d'un rapport de la Commission du renseignement du Congrès américain. Selon ce document, dont l'AFP s'est procuré une copie, les deux équipementiers télécoms chinois ne fournissent par la garantie qu'ils sont indépendants du gouvernement de Pékin.
« Sur la base d'informations classifiées et non classifiées, Huawei et ZTE ne peuvent pas garantir leur indépendance par rapport à l'influence d'un État étranger et cela pose donc en conséquence une menace pour la sécurité des États-Unis et notre système », assomme ainsi la Commission, au terme d'un enquête qui aura duré un an. Accusées d'avoir embarqué des logiciels espions (portes dérobées) envoyant certaines informations sensibles vers des serveurs chinois, les deux sociétés ont démenti entretenir des liens avec le régime, précisant qu'elles font « des affaires et non de la politique ».
Pour le vice-président de Huwaei, William Plummer, « l'intégrité et l'indépendance de l'organisation et des pratiques d'affaires sont considérées comme dignes de confiance et respectées sur près de 150 marchés ». Un argument du nombre que n'entend par le Congrès, selon qui « la Chine a les moyens, l'occasion et les motivations pour utiliser les sociétés de télécoms à des fins malveillantes ». Ces préoccupations sont incarnées en France par le sénateur Jean-Marie Bockel, lequel veut interdire dans le pays, et en Europe, le déploiement de routeurs et équipements de cœur de réseau provenant de ces sociétés. Vendredi, lors des Assises de la sécurité à Monaco, il s'est toutefois dit disposé à entamer le dialogue avec les dirigeants de Huawei.
Ainsi, le Congrès américain a-t-il décidé de bloquer toute acquisition, prise de participation et fusion sur le sol américain, impliquant Huawei et ZTE. Cette décision intervient quelques jours seulement après que des informations ont fuité sur l'intention de Huawei de s'introduire en Bourse. Une opération censée justement prouver que la société joue la transparence sur ses décisions et sur ses comptes.
Mise à jour
Comme attendu, les autorités chinoises ont condamné la décision du Congrès américain, la qualifiant d'« infondée ». Ainsi, Shen Danyang, porte-parole du ministère du Commerce, a affirmé que « ce rapport est basé sur des suspicions subjectives » exprimant au passage « les graves préoccupations de la Chine » sur ce qu'elle juge être « une opposition forte ». L'homme a ajouté que ce rapport du Congrès « viole les règles de l'économie de marché » et menace la stabilité des relations commerciales entre les États-Unis et son pays.
Ces tensions interviennent à un moment crucial sur le plan politique, ce que le porte-parole n'a pas manqué de rappeler. Le 6 novembre, les Étars-Unis vont voter lors de l'élection présidentielle. Dans la foulée, le président chinois, Hu Jintao, devrait être remplacé par Xi Jinping d'ici mars 2013. Shen Danyang fait ainsi planer le risque de représailles de la Chine, dans ce contexte de changements et de « leadership de la Chine ».
Enfin, ce dernier a appelé à un « abandon de cette interdiction » ainsi que toute autre « discrimination envers les entreprises chinoises ». Une recommandation qui fait écho aux mésaventures de Google dans l'empire du milieu. En 2010, la firme de Mountain View avait répondu à la censure dont il était victime, en délocalisant son adresse à Hong Kong.
Dans le même temps, le Congrès américain a rendu public son rapport. Y est précisé que « ni Huawei, ni ZTE ont apporté les preuves suffisantes du rôle précis que joue le Parti communiste chinois dans ces sociétés ». Parmi les autres attentes non satisfaites, le rapport pointe du doigt le manque de clarté sur les objectifs des deux équipementiers télécoms aux États-Unis et le manque d'informations, dans le cas de Huawei, concernant son historique, son actionnariat, ses opérations, ses financements et sa gestion. Des griefs à laquelle la firme espère répondre en s'introduisant en Bourse, si les rumeurs se confirmaient.
Le document rappelle que Huawei avait sollicité une enquête en février 2011, démentant alors tout problème de sécurité sur ses produits. Il indique aussi que « Huawei croyait que sans une enquête complète sur ses activités, les États-Unis ne pourraient pas lui confier ses équipements et son réseau de télécommunication » et ajoute... « à juste titre ».
Article initialement publié le lundi 08 octobre 2012 à 10h40.