De passage à Paris pour une rencontre organisée avec 40 DSI de grands comptes pour discuter de la transformation des entreprises à l'heure du tout numérique, Jim Hagemann Snabe a accordé une heure à la presse pour un échange préalable sur le sujet. Dans la mesure où l'homme s'apprête à céder début 2014 la barre de SAP à son homologue américain Bill McDermott, la question du bilan personnel après près de quatre ans de co-direction ne pouvait manquer de se poser.
Pourquoi urge-t-il de parler de transformation ? Jim Snabe part du constat suivant : les dix dernières années ont vu l'explosion des grandes sociétés IT, dont la part dans les plus grandes capitalisations boursières de la planète a été multipliée par deux sur la période. Elles sont, pour lui, les premières à avoir su construire des modèles économiques sur la base de produits et de services qui visent à répondre à des besoins qui les dépassent largement.
« La prochaine étape, ce n'est plus la création de valeur pour les sociétés IT mais pour toutes les sociétés. Elles deviendront toutes, sous une forme ou sous une autre, des sociétés IT, parce que le logiciel jouera un rôle croissant dans leurs activités », explique Snabe. Pour qu'il y ait vraiment création de valeur, il convient toutefois que ce logiciel ne se contente pas d'exister comme une simple commodité destinée à fluidifier des processus ou accélérer certaines tâches.
« Les données et l'information sont devenues l'un des actifs clé de l'entreprise. Le DSI doit y voir une opportunité de jouer un nouveau rôle, qui va plus loin que la simple administration ou mise à disposition des technologies », commente encore le Danois.
La proposition n'est pas franchement originale (on la lit à longueur d'études et on l'entend sur tous les évènements des grands noms du secteur), mais n'en reste pas moins digne d'intérêt, surtout quand Snabe prend l'entreprise qu'il dirige comme cas d'école. « Avant, nous étions la compagnie de l'efficacité », sourit-il. « Maintenant, avec le développement du In Memory et de la mobilité, nous sommes aussi une société d'innovation ».
« Une innovation qu'il convient d'ailleurs de distinguer de la simple invention. L'innovation, c'est la beauté de l'idée, multipliée par la capacité à la faire monter en puissance et l'amener sur le marché », résume Jim Snabe avant de reprendre l'exemple d'Apple : le Newton, leur premier PDA, était une invention fascinante, mais ce n'est qu'avec l'iPhone que la société de Steve Jobs a su passer au stade de l'innovation.
Avec l'avènement concomitant du cloud, du mobile et des technologies de type Big Data, on bénéficierait en tous les cas d'un climat particulièrement propice, qu'il s'agisse d'innovations de ruptures comme celle qu'a connue la musique avec Internet ou de changements plus continus, comme la location d'automobile à l'usage, à la façon de ce que proposent les systèmes de type Autolib'... ou la mise à disposition de logiciels et d'infrastructures en tant que service, un « cloud » qui constitue désormais l'in de fers de lance de SAP - comme de ses concurrents.
La communication machine-to-machine (M2M) et l'avènement de l'Internet des objets participe de cette tendance. Il s'agit de numériser le monde physique. « Les ingénieurs de McLaren peuvent travailler sur des milliers de simulations à partir des données remontées par les capteurs intégrés à leur Formule 1 et changer la teneur d'une course en moins de 90 minutes », illustre Snabe, qui fait là référence à un partenariat récemment signé par SAP dans le but de promouvoir sa plateforme HANA.
Comment se mettre en ordre de marche pour appréhender les mutations en cours et en tirer le meilleur profit ? « Il faut apprendre à travailler sur des prototypes rapides plutôt que sur des spécifications, avec des méthodes agiles », répond le Danois, selon qui ces changements auraient été insufflés au sein du vénérable SAP. « Il faut mettre directement le client au coeur du projet. Aucun client n'a jamais dit qu'il voulait un iPhone : il fallait comprendre le client pour parvenir à le créer ».