Pour leur dernière lecture de la proposition de loi, les sénateurs ont décidé de rétablir - et de voter - leur version initiale du texte. Une manœuvre qui pourrait se révéler inutile.
La fin du marathon, ou plutôt de la navette parlementaire, se rapproche chaque jour un peu plus pour la proposition de loi sur les contenus haineux. La loi Avia était discutée en dernière lecture au Sénat le mercredi 26 février. Ce fut l'occasion, pour les sages, de relâcher la pression autour du texte, qui était jusque-là considéré comme étant déséquilibré et pouvant aller à l'encontre de la liberté d'expression. Mais si les sénateurs ont marqué un retour en arrière, ce sont les députés qui auront le dernier. Voyons ce qu'il en est actuellement.
Le Sénat écarte le délit de non-retrait et fait du CSA le régulateur
Les députés et sénateurs n'ayant pas trouvé d'accord définitif autour de la loi sur les contenus haineux le 30 janvier dernier, le texte a prolongé un peu plus les discussions au sein des deux chambres, pour une ultime lecture. La proposition de loi est d'abord retournée du côté du Sénat, avec plusieurs enseignements à tirer à l'issue des discussions.Adoptée ce mercredi en fin de journée, la nouvelle version du texte n'en est pas une, puisque les sénateurs ont quelque peu rétabli leur propre version de ce dernier.
L'obligation de retirer les contenus « manifestement » illicites signalés en 24 heures maximum est bien conservée. En revanche, le délit de non-retrait, source de tous les débats autour de la loi, disparaît du texte voté par les sénateurs. Les élus du Palais du Luxembourg ont rappelé que la création d'un tel délit pourrait être la cause d'une recrudescence de la censure de la part des plateformes, des réseaux sociaux et des médias.
Plutôt que le risque d'une condamnation immédiate du site hôte du contenu haineux, le Sénat a choisi d'imposer aux réseaux sociaux une obligation de moyens dont le non-respect serait ensuite sanctionné par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui ferait office de régulateur.
« Il disposera de pouvoirs de contrôle plus étendus (la communication des algorithmes) et d'un pouvoir de sanction renforcé (une amende administrative jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel) », indique le Sénat à son sujet.
Loi sur la haine en ligne : les contenus pédophiles ou terroristes devront être retirés dans l'heure
Les réseaux sociaux pourront échanger des informations pour mieux aider les victimes
Les sénateurs ont également écarté les moteurs de recherche du champ d'application de la loi. Une petite victoire pour Qwant, qui réclamait justement cette semaine un équilibre au sein du texte déposé par la députée LREM Laetitia Avia.Ce n'est pas tout, puisque le Sénat a également exclu de la loi l'obligation pour les plateformes de retirer, en une heure seulement, les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique repérés par les autorités, une mesure qui fut introduite dans le texte par l'Assemblée nationale.
Enfin, les sages ont adopté un amendement à l'article 4 déposé par l'élue du groupe socialiste et républicain Marie-Pierre de la Gontrie, censé permettre de faire la passerelle entre les plateformes, qui pourraient coopérer et partager certaines informations, motivées par la lutte contre les contenus haineux et la protection des victimes.
Reste maintenant à voir ce qui décidera l'Assemblée nationale, d'une couleur politique majoritaire différente du Sénat. Les députés auront tout le loisir de modifier le texte et de le refaçonner à l'image de ce que souhaite le gouvernement, avant son adoption définitive.
Source : Sénat