Loi sur les contenus haineux : le Sénat fait marche arrière et supprime le délit de non-retrait

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 27 février 2020 à 09h11
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© senat.fr

Pour leur dernière lecture de la proposition de loi, les sénateurs ont décidé de rétablir - et de voter - leur version initiale du texte. Une manœuvre qui pourrait se révéler inutile.

La fin du marathon, ou plutôt de la navette parlementaire, se rapproche chaque jour un peu plus pour la proposition de loi sur les contenus haineux. La loi Avia était discutée en dernière lecture au Sénat le mercredi 26 février. Ce fut l'occasion, pour les sages, de relâcher la pression autour du texte, qui était jusque-là considéré comme étant déséquilibré et pouvant aller à l'encontre de la liberté d'expression. Mais si les sénateurs ont marqué un retour en arrière, ce sont les députés qui auront le dernier. Voyons ce qu'il en est actuellement.


Le Sénat écarte le délit de non-retrait et fait du CSA le régulateur

Les députés et sénateurs n'ayant pas trouvé d'accord définitif autour de la loi sur les contenus haineux le 30 janvier dernier, le texte a prolongé un peu plus les discussions au sein des deux chambres, pour une ultime lecture. La proposition de loi est d'abord retournée du côté du Sénat, avec plusieurs enseignements à tirer à l'issue des discussions.

Adoptée ce mercredi en fin de journée, la nouvelle version du texte n'en est pas une, puisque les sénateurs ont quelque peu rétabli leur propre version de ce dernier.

L'obligation de retirer les contenus « manifestement » illicites signalés en 24 heures maximum est bien conservée. En revanche, le délit de non-retrait, source de tous les débats autour de la loi, disparaît du texte voté par les sénateurs. Les élus du Palais du Luxembourg ont rappelé que la création d'un tel délit pourrait être la cause d'une recrudescence de la censure de la part des plateformes, des réseaux sociaux et des médias.

Plutôt que le risque d'une condamnation immédiate du site hôte du contenu haineux, le Sénat a choisi d'imposer aux réseaux sociaux une obligation de moyens dont le non-respect serait ensuite sanctionné par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui ferait office de régulateur.
« Il disposera de pouvoirs de contrôle plus étendus (la communication des algorithmes) et d'un pouvoir de sanction renforcé (une amende administrative jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel) », indique le Sénat à son sujet.


Les réseaux sociaux pourront échanger des informations pour mieux aider les victimes

Les sénateurs ont également écarté les moteurs de recherche du champ d'application de la loi. Une petite victoire pour Qwant, qui réclamait justement cette semaine un équilibre au sein du texte déposé par la députée LREM Laetitia Avia.

Ce n'est pas tout, puisque le Sénat a également exclu de la loi l'obligation pour les plateformes de retirer, en une heure seulement, les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique repérés par les autorités, une mesure qui fut introduite dans le texte par l'Assemblée nationale.

Enfin, les sages ont adopté un amendement à l'article 4 déposé par l'élue du groupe socialiste et républicain Marie-Pierre de la Gontrie, censé permettre de faire la passerelle entre les plateformes, qui pourraient coopérer et partager certaines informations, motivées par la lutte contre les contenus haineux et la protection des victimes.

Reste maintenant à voir ce qui décidera l'Assemblée nationale, d'une couleur politique majoritaire différente du Sénat. Les députés auront tout le loisir de modifier le texte et de le refaçonner à l'image de ce que souhaite le gouvernement, avant son adoption définitive.

Source : Sénat
Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic – Sensible à la cybersécurité, aux télécoms, à l'IA, à l'économie de la Tech, aux réseaux sociaux ou encore aux services en ligne. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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Commentaires (6)
Blues_Blanche

Encore un coup d’épée dans l’eau, une loi à moitier Jean Michel. Une loi de trop donc puisqu’elle ne va pas au fond des choses et ne résout rien…

carinae

oui mais en même temps c’est compliqué. Ou commence la censure et ou s’arrête la liberté d’expression ? Ça me fait penser à un vieux débat concernant cette fois l’intelligence artificielle et les voitures autonomes… la voiture est censée ne pas dépasser une ligne blanche … Ceci étant doit-elle le faire pour éviter un piéton ou un vélo et du coup se mettre en infraction voire provoquer un autre accident ?

nicgrover

Et hop 348 frocs de baissés…

Judah

Et Hadopi, c’est quand qu’ils arrêtent de jeter de l’argent public par millions là dedans ?.. Quelle bande de bras cassés quand même.

Blackalf

T’inquiètes, c’est pareil en Belgique ^^

Mais il y a un débat depuis quelque temps sur l’utilité réelle du sénat*, et de plus en plus de voix s’élèvent en faveur de sa suppression

  • pas étonnant, quand on pense qu’un ancien footballeur avait été élu sénateur par le collège électoral, autrement dit sans que le peuple ait eu quoi que ce soit à dire yeux
Blues_Blanche

Bien sûr que c’est compliqué, mais exiger de supprimer l’accès à des vidéos pédophiles indiquées par la police ça n’a rien à voir avec de la censure.

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