Depuis l'éclatement du scandale PRISM, au début du mois de juin, l'Allemagne se montre comme l'un des pays les plus engagés vis à vis des autorités américaines. En un peu plus de deux mois, la Chancelière Angela Merkel a demandé des comptes à deux reprises sur la portée des programmes d'espionnage américain. Elle réclamait à l'époque une « plus grande mesure » dans les moyens mis en oeuvre par la NSA.
Depuis, les révélations se sont succédé. Pour la chancelière, il est temps de « s'affranchir de la dépendance envers les technologies américaines et chinoises ». Dans une interview accordée au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, elle explique ainsi qu'« assurer un niveau allemand de protection des données est toujours plus difficile quand ces données sont transportées par des entreprises étrangères avec des technologies non européennes, tant dans le soft que dans le hardware. » En ce sens : « nous devons ensemble, les Européens, travailler pour surmonter notre dépendance face aux Américains et aux Chinois et proposer des technologies puissantes ».
Angela Merkel se dit aujourd'hui « préoccupée par la question des capacités dont nous disposons dans le domaine des technologies de l'information, en Allemagne et en Europe par rapport aux autres ». La chancelière y voit désormais la troisième priorité de son mandat, derrière l'emploi et le développement démographique.
Washington n'a pas convaincu
Début juin, les États-Unis lui avaient répondu en disant « entendre les inquiétudes » exprimées par la chancelière, avant de promettre d'aborder la question lors d'une rencontre prévue le 18 juin dernier. Ce jour-là justement, Barack Obama avait justifié les programmes de surveillance américains, assurant que les autorités « ne fouillaient pas dans les e-mail des citoyens américains et européens ». Une déclaration largement mise à mal aujourd'hui, notamment depuis les révélations concernant XKeyscore, capable, aux dires de la NSA, de surveiller « à peu près tout ce qu'un internaute fait sur le Web ».
Et d'évoquer par la suite un programme « limité et circonscrit », dédié à la lutte contre le terrorisme et le trafic d'armes. « Nous continuerons à discuter de la question de l'équilibre et de la proportionnalité et nous nous sommes entendus sur un échange d'informations plus poussé entre le ministère de l'Intérieur allemand et les autorités concernées aux Etats-Unis », avait à l'époque répondu la chancelière.
Quinze jours plus tard, nouveau scandale. Des révélations de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel ont fait état d'une surveillance de bureaux d'organismes de l'Union européenne. La NSA aurait déployé du matériel permettant l'écoute de représentants communautaires à Washington ainsi qu'aux Nations Unies. Ce qui aurait permis de connaître non seulement le contenu d'appels téléphoniques mais également d'e-mails et autres documents officiels.
Enfin, la presse indiquait qu'un immeuble hébergeant le Conseil européen à Bruxelles avait été surveillé. Difficile, dans ces conditions, de se justifier par l'indispensable lutte contre le terrorisme.