Le député souhaite sanctionner les hébergeurs qui transmettraient des données recueillies auprès d'entreprises françaises à des autorités étrangères.
À la demande du Premier ministre Édouard Philippe, le député LREM de Saône-et-Loire Raphaël Gauvin a rendu ce 26 juin un rapport visant à rétablir la souveraineté de la France en protégeant mieux les entreprises, qui ne disposent pas aujourd'hui des outils juridiques pour lutter contre les actions extraterritoriales judiciaires engagées à leur encontre. L'élu veut ainsi protéger la France du Cloud Act américain.
Le marché du cloud est dans sa grande majorité contrôlé par des sociétés américaines
Le texte, promulgué par Donald Trump aux États-Unis fin mars 2018, permet aux autorités américaines de collecter les données de certaines entreprises, et ce où qu'elles se trouvent dans le monde. En procédant ainsi, les USA s'affranchissent totalement des règles de la coopération judiciaire internationale et de la compétence territoriale, ce qui inquiète la France. Concrètement, le Cloud Act signifie que des sociétés comme Amazon Web Services ou Microsoft Azure peuvent être saisies de leurs données stockées en France si les USA le décident et en cas d'enquêtes pénales.Si seules les entreprises américaines sont naturellement concernées, la France reste frappée de plein fouet puisque le marché mondial du cloud est détenu à 65 % par Amazon, à 15 % par Microsoft et à 5 % par Google... Toutes des firmes de l'Oncle Sam.
Toutes les grandes entreprises du secteur du numérique concernées par le Cloud Act
Tout a commencé avec l'installation progressive de data centers appartenant à des sociétés américaines sur des sols qui ne l'étaient pas. Microsoft avait notamment refusé de communiquer aux autorités étasuniennes des données stockées au sein d'un data center situé en Irlande, réclamées dans le cadre d'une enquête relative à un trafic de stupéfiants. La firme à la fenêtre ne souhaitait pas transmettre les données d'un individu de nationalité irlandaise. La Cour d'appel de New-York, saisie par l'État américain, ayant donné raison à Microsoft le 14 juillet 2017, le gouvernement a fait adopter son Cloud Act l'année suivante, via un cavalier législatif qui n'a nécessité ni débats ni discussions.Depuis, chaque société américaine doit fournir aux autorités américaines les données (mails, contenus, documents électroniques, métadonnées) réclamées dès lors que le gouvernement invoque un soupçon de « serious crime ». Tous les GAFAM, les fournisseurs de services de communications électroniques et les prestataires de cloud sont concernés.
Une sanction de 4 % du chiffre d'affaires de la société qui transmet ses données préconisée par le rapport
« Il est urgent et de la plus haute importance de prendre des mesures permettant de protéger les données non personnelles des personnes morales françaises contre les conséquences potentiellement très graves d'un siphonnage de leurs données à des fins d'enquêtes pénales aux États-Unis qui ne respecteraient pas les règles de la coopération judiciaire internationale », indique le rapport.Le député Gauvain demande ainsi l'adoption d'une loi qui protégerait les sociétés françaises contre la transmission, par les hébergeurs, de leurs données numériques non personnelles aux autorités étrangères. Cette loi serait vue comme une sorte d'extension du RGPD à destination des personnes morales, qui permettrait de sanctionner les hébergeurs qui transmettraient les données non personnelles à des autorités étrangères, « en dehors des canaux de l'entraide administrative ou judiciaire ».
Le rapport relaie une proposition de sanction administrative qui se voudrait dissuasive, pouvant atteindre 4 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée. Une sanction similaire à celle prévue à l'article 83-5 du RPGD. Si l'ANSSI et la CNIL ont été écartées, c'est l'ARCEP qui pourrait être compétente pour mener cette mission.
Source : Dalloz