Alerté par de nouvelles propositions de la Commission européenne visant à faciliter l'obtention de « e-preuves » par les agences gouvernementales, le Suisse ProtonMail signe une lettre ouverte enjoignant les responsables à plus de mesures.
Bien que non concernée par les éventuels débouchés de ses propositions — car basée en Suisse —, la plateforme webmail soucieuse de la confidentialité de ses clients monte au créneau pour avertir sur les dangers de ces nouvelles mesures.
Qu'est-ce qui risque de changer ?
Partant du principe que l'interconnexion des individus via les services de messagerie et les applications facilite l'organisation criminelle, la Commission européenne propose de faciliter le travail des agences gouvernementales. Comment ? En allégeant les démarches judiciaires nécessaires pour que celles-ci puissent collecter des données sur les ressortissants européens ayant attiré leur attention.Autrement dit, explique ProtonMail, ces propositions pourraient permettre à des services de renseignement européens de forcer les entreprises localisées en Europe (notamment les FAI) à fournir les données de leurs clients. Et cela, sans qu'aucun juge ne passe en revue ni n'approuve la requête au préalable. Pour reprendre le cas spécifique des fournisseurs d'accès à Internet, ils sont pour l'heure régis par un cadre légal très strict en ce qui concerne la collaboration avec des services de renseignement étrangers. En réalité, ils n'ont l'autorisation de fournir les données de leurs clients qu'à des agences nationales et ne peuvent donc pas collaborer avec des gouvernements étrangers.
« De la même façon qu'il existe des lois régissant la manière dont les preuves physiques sont récoltées pour protéger la vie privée des citoyens, nous croyons qu'il devrait y avoir des lois similaires pour la collecte de preuves numériques », écrit ProtonMail sur son blog.
La crainte de l'escalade sécuritaire
Alors que l'Europe jouit encore de nombreuses barrières juridiques à l'obtention de données par les agences gouvernementales, ce n'est pas le cas des États-Unis. Or ces nouvelles propositions de la Commission tenteraient à nous rapprocher du modèle américain.Peu souhaitable, d'après la plateforme basée en Suisse, qui s'est ainsi alliée à Privacy Tech Europe — un groupement d'entreprises européennes concernées par la confidentialité des données — pour rédiger une lettre ouverte enjoignant aux membres du Comité parlementaire européen sur les libertés civiles, la justice et les affaires intérieures à soutenir les amendements proposés par la rapporteuse Birgit Sippel décrits ci-après.
Les amendements proposés par la démocrate allemande ont pour vocation de faciliter le travail des agences gouvernementales sans pour autant renier le droit à la vie privée des citoyens européens. Ses propositions ne transigent notamment pas sur le fait d'impliquer un juge local pour toute requête visant à récolter les données d'un citoyen. Pour Birgit Sippel, les utilisateurs des services et applications ciblées devraient aussi être informés clairement par celles-ci en cas de requête de collecte de données les concernant — si cela ne venait pas entraver une enquête.
Source : ProtonMail