La loi Hadopi, qui permet aux autorités d'avoir accès à l'adresse IP des internautes, est remise en cause devant la justice européenne qui pourrait, le mois prochain, la retoquer de façon définitive.
En 2019, La Quadrature du Net (LQDN) a entamé une procédure contre la loi Hadopi (née de la fusion des deux lois du même nom), avec d'autres associations et organismes, pour remettre en cause le texte devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). L'institution est appelée à se prononcer sur les pouvoirs de cette Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet qui a, début 2022, fusionné avec le CSA pour devenir l'ARCOM, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Deux visions s'affrontent : l'une protégeant les ayants droit, l'autre la vie privée des internautes
Deux visions s'affrontent : l'une, portée par les autorités, qui consiste à assurer le respect du droit d'auteur sur Internet, en se basant dans un premier temps sur la dissuasion pour lutter contre le piratage; et l'autre, défendue par les associations qui protègent la vie privée des consommateurs, qui voient en la Hadopi une surveillance massive d'Internet.
La procédure collective entamée par LQDN est prise très au sérieux par la Cour de justice de l'UE, qui en discutera en audience publique les 15 et 16 mai prochains. La preuve en est avec le choix d'une audience en assemblée plénière. Un arrêt, chapeauté par 27 juges (le maximum que peut contenir la Cour) sera rendu quelques semaines plus tard.
Pour rappel, la Hadopi protège les droits d'auteur et les droits voisins. Elle permet à des entreprises assermentées par l'État d'accéder à l'adresse IP des internautes qui partagent du contenu de façon illégale et d'obtenir, auprès des fournisseurs d'accès à Internet, les coordonnées des personnes qui seraient en infraction. Les « pirates » peuvent ainsi être avertis, dans un premier temps, jusqu'à ce que les autorités judiciaires prennent le relais, pour condamner l'infraction.
La Hadopi, quelle utilité ?
Jusqu'à maintenant, la Hadopi a plutôt brillé… par son inefficacité, comme nous le relevions déjà en 2020. N'importe qui peut aujourd'hui, pour presque rien, masquer son IP (grâce à l'essor des VPN notamment), et la Haute Autorité n'a été à l'origine que de très rares condamnations.
Si la CJUE allait dans le sens des associations de défense, cela mettrait fin à la Hadopi et provoquerait quelques remous avec et au sein de l'ARCOM, qui pourrait être poussée à entrer en conformité avec l'arrêt rendu par la juridiction européenne, qui ferait alors jurisprudence. Il lui deviendrait plus difficile de lutter contre le piratage. Le pouvoir donné à la loi Hadopi de créer un fichier regroupant toutes les adresses IP fournies par les ayants droit ainsi que les identités civiles livrées par les FAI, qui concerne l'un des décrets d'application de la loi Hadopi, est le point le plus contesté aujourd'hui. Il est celui qui pourrait faire pencher la balance du côté des associations.
Dans le cas inverse, il n'y aurait alors plus de discussion possible, et la loi pourrait être pleinement adoptée, faisant également acte de jurisprudence, mais au détriment cette fois de La Quadrature du Net et des autres organisations.