Xavier Niel a présenté et défendu ce 15 février devant l'ARCOM son projet SIX avec pour ambition de « créer une nouvelle chaîne » qui remplacerait M6 au jeu du renouvellement des fréquences.
Après avoir lancé en décembre 2022 un appel aux candidatures pour l'attribution de deux fréquences de la TNT pour les 10 prochaines années, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et du numérique (ARCOM) recevait ce matin les trois parties concernées : Métropole Télévision (M6), Télévision française 1 (TF1) et NJJ Project 5523 (SIX), sous la houlette du papa de l'opérateur Free, Xavier Niel. Ce dernier espère avoir convaincu l'assemblée de l'intérêt de son projet, auquel sont associés « des professionnels de la télé et des médias sociaux », selon ses dires.
Un Xavier Niel très offensif qui veut la peau la place de M6
Pour la première fois depuis 1987, année de sa création, M6 devait défendre devant le régulateur le bilan de sa chaîne et dévoiler ses plans pour continuer d'utiliser la fréquence de la TNT qu'elle occupe et qui appartient à l'État. Cette situation est doublement inédite, car la chaîne M6 est remise en cause par Xavier Niel et son projet « SIX ». Le milliardaire le présentait donc en début de matinée aux membres de l'autorité.
La situation est simple : deux autorisations arrivent à échéance le 5 mai prochain, celle du canal 1 de la TNT, occupé par TF1, et celle du canal 6 de la TNT, sur lequel est installé M6. Si le groupe TF1 est seul candidat à sa propre succession, le groupe M6 dirigé par Nicolas de Tavernost doit affronter la concurrence de NJJ Projet 5523 et de son projet SIX, mené par Xavier Niel.
« Mon inquiétude, c'est de ne plus avoir d'innovation et que la télévision, telle qu'on la connaît, disparaisse, et que pour nos jeunes, nos enfants, elle soit remplacée par les plateformes, les réseaux sociaux, contrôlés par des opérateurs aux États-Unis, et potentiellement en Chine. » Le patron du groupe Iliad a rapidement planté le décor, ajoutant que « ceux qui ont fait la télévision ne croient plus en la télévision », avec un petit tacle, vous l'aurez compris, adressé à M6.
S'érigeant en « derniers Gaulois » de la télévision, Xavier Niel et ses associés (dont Maxime Lombardini, ancien de Bouygues, TPS et TF1, et désormais vice-président du CA du groupe Iliad) ont vanté leurs exploits dans les secteurs des télécoms, des médias et du numérique. « Une chaîne ne peut plus se contenter de viser des cibles commerciales […]. Ce qu'on veut, c'est créer un nouveau grand média généraliste s'adressant à tous, faisant passer le téléspectateur avant tout le reste, avant l'annonceur, et qui n'enferme pas le téléspectateur. »
SIX essaie de séduire l'ARCOM avec des thématiques fortes comme l'information et la fiction
Derrière les grands mots, Xavier Niel a dévoilé les détails de son projet, évoquant la volonté de créer « une marque » présente sur tous les écrans. Celle-ci passera par une information renforcée, avec deux tranches d'info de 90 minutes quotidiennes, à 12 h et à 19 h. Il promet une indépendance des 200 journalistes qui seraient recrutés d'ici fin 2024, le retour de la musique et des concerts (délaissés par la télévision), et la fin des tunnels publicitaires (en référence aux programmes de prime time qui commencent à 21 h 15, contre 20 à 30 minutes de moins à une époque). Ces derniers profitent davantage aux plateformes de contenu qu'aux télévisions françaises. « En décalant le téléspectateur, la télévision l'a perdu. Et notre premier engagement fort, c'est que la première partie de soirée ne commencera jamais après 21 heures sur cette chaîne », a-t-il déclaré.
Faisant également référence à la guerre qui a opposé les fournisseurs d'accès à Internet aux chaînes de télévision (qui réclamaient une redevance pour que les opérateurs puissent les retransmettre), Xavier Niel promet de rendre gratuit le signal linéaire « à tous ceux qui souhaitent le distribuer. »
La création fait aussi partie de la stratégie de « SIX », avec davantage de création française originale en prime time, ce qui passe par l'investissement. « Aujourd'hui, dans la télé gratuite, les producteurs ont deux partenaires majeurs : TF1 et France Télévisions. Nous voulons que SIX soit ce troisième partenaire majeur. Nous ne sommes pas producteur, mais éditeur. Chacun sa place », a ajouté l'homme d'affaires. 12,5 % du chiffre d'affaires de cette potentielle chaîne devraient être consacrés aux fictions et documentaires français. Aujourd'hui, M6, chaîne la plus rentable d'Europe, plafonne à 11,5 %. SIX devrait néanmoins mettre plusieurs années à atteindre ce plafond.
Autre fait notable, Xavier Niel n'a jamais cité durant sa présentation la chaîne « M6. » Il a en revanche cité à plusieurs reprises, souvent de manière bienveillante, TF1. Il a dû se justifier en disant qu'il n'était pas habitué à dire du bien de la filiale du groupe Bouygues, qu'il n'a jamais véritablement porté dans son cœur (Free vient de faire lourdement condamner Bouygues Telecom pour ses offres groupées).
Relancé par le président de l'ARCOM, Roch-Olivier Maistre, sur son devenir à long terme (après l'échec du rachat de la chaîne M6 l'an dernier), Xavier Niel a tenu à rassurer en promettant de garder le contrôle de la chaîne pour 10 ans. L'attribution définitive des fréquences sera officialisée, elle, dans les prochaines semaines.
Source : ARCOM