La fusion entre TF1 et M6, qui pourrait être effective d'ici la fin de l'année 2022, fait face à une ferme opposition de Free. L'opérateur de Xavier Niel en appelle à la Commission européenne.
Le rapprochement entre TF1 et M6, entrés en négociations exclusives le 17 mai dernier, ne fait pas que des heureux, loin de là. Si Canal+ ne voit pas d'un bon œil cette fusion qui se dessine, c'est surtout Free, ou plutôt sa maison-mère Iliad, qui fait office d'opposant le plus virulent. L'opérateur télécom ne veut pas de cette union et estime que c'est désormais à l'Europe de s'en saisir.
Débouté devant le Conseil d'État, Free veut que la Commission européenne se saisisse du rachat
Free met aujourd'hui en doute la compétence des autorités administratives françaises à juger du rachat de M6 par TF1, et cela n'est pas dû au hasard. Capital nous apprend que le 27 octobre 2021, Free a déposé un recours en référé devant le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative française. Le but de l'entreprise : pousser l'Autorité de la concurrence à argumenter le fait qu'elle se soit déclarée compétente pour étudier et examiner le projet de fusion.
Le Conseil d'État ne l'a pas entendu de cette oreille et a purement et simplement refusé, le 5 novembre, le recours de la firme de Xavier Niel. Cette dernière a ainsi prévenu qu'elle ne s'arrêterait pas là, et qu'elle lancerait une nouvelle procédure, estimant toujours que le gendarme de la concurrence n'est pas compétent en la matière.
Free considère en effet que c'est à la Commission européenne que doit revenir l'examen de ce rachat, plus particulièrement à la direction de la concurrence de l'institution basée à Bruxelles. Bouygues, qui détient aujourd'hui 44 % de TF1, et bientôt 30 % du futur mastodonte des médias, réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires européen directement en France, ce qui justifie, en l'état, un examen de la fusion potentielle à Paris.
La crainte d'un monopole publicitaire qui écraserait tout l'écosystème
Le groupe Iliad n'en démord pas et affirme que la future entreprise sera à la fois contrôlée par Bouygues et par le groupe allemand Bertelsmann, aujourd'hui propriété de M6, qui détiendra au terme de la fusion autour de 16 % de la nouvelle entité, mais aussi la présidence de celle-ci – Nicolas de Taversnot (patron de M6), ayant été désigné pour en prendre la tête. Free évoque le fait qu'un contrôle conjoint du capital, à la fois par un acteur français et un acteur allemand, change tout, ce dernier ne réalisant pas plus de deux tiers de son chiffre d'affaires continental en France. Donc pour Free, c'est à Bruxelles que le rachat doit être examiné.
Maxime Lombardini, vice-président d'Iliad, avait au début de l'été dénoncé un « quasi monopole de la télévision privée », avec la chaîne la plus rentable (M6) et la première chaîne d'Europe (TF1), qui concentreront ensemble près de 60 % de parts de marché commerciales et 70 % du marché publicitaire.
Plus que l'audience, c'est ici l'argent qui est le nerf de la guerre. Réunis, les deux groupes disposeraient d'une part de marché publicitaire comprise entre 64 et 76 %, si l'on s'en tient aux chiffres net et brut de 2020. La future entité ferait ainsi la pluie et le beau temps face à ses annonceurs, et en profiterait pour faire monter les enchères, à n'en pas douter. Isabelle de Silva, qui n'a pas vu son mandat de présidente de l'Autorité de la concurrence être renouvelé, affirmait le mois dernier qu'avec une telle part de marché, une fusion TF1-M6 ne pouvait même pas, en théorie, être envisagée.
Et pour parvenir à leurs fins et franchir l'étape de l'examen des autorités compétentes, les futurs associés ont demandé à l'Autorité de la concurrence de ne plus se baser uniquement sur le marché de la publicité télévisée, mais de considérer un marché plus important, plus large, auquel on pourrait raccrocher la publicité sur Internet. Étendre le marché étudié est une suggestion osée, mais pour l'instant loin d'être irréalisable. La FNAC, qui a racheté Darty en 2016, et Toys'R'US, qui a avalé PicWic en 2019, peuvent en témoigner.
Pour séduire les autorités, TF1 et M6 poussent à inclure les revenus issus d'Internet dans le calcul des parts publicitaires
La publicité digitale est un cas à part, puisqu'elle ne respecte pas les mêmes codes que la publicité télévisée. Les annonces Internet se vendent bien à des tarifs beaucoup moins élevés et ne visent pas non plus les mêmes cibles. Selon Capital, TF1 voudrait davantage inclure la publicité digitale sous forme de spots vidéo, un marché qui pesait près d'un milliard d'euros en 2020 – milliard réparti entre les réseaux sociaux, les services TV de rattrapage ou le géant YouTube.
Inclure ces revenus-là au marché total de la publicité pris en compte par l'Autorité de la concurrence aiderait à réduire le poids du nouvel ensemble. Mais cela ne garantit pas un succès de l'opération, l'Autorité de la concurrence n'ayant, à ce jour, jamais inclus Internet dans le marché de la publicité télévisée. À ce stade, les deux marchés ne répondent pas aux mêmes objectifs.
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