L'Organisation mondiale du commerce (OMC) met l'Union européenne (UE) face à ses responsabilités. En 1996, 70 pays dont les membres de l'Union européenne ont signé l'Accord sur les technologies de l'information (ATI), qui a mis en place les taxes à 0% sur une large gamme de produits électroniques. Aujourd'hui, l'OMC réclame la fin des barrières à l'entrée dans l'UE, conformément à l'accord.
Selon les industriels, la mise en place effective de l'ATI permettrait d'économiser 5 milliards de dollars annuels en taxes. « Les entreprises hi-tech américaines et leurs employés dépendent de l'ATI pour atteindre des marchés étrangers, » explique John Neuffer, vice-président du Conseil de l'industrie des technologies de l'information (CITI), basé à Washington.
Le commerce global sur les produits concernés par l'ATI ont atteint un volume de 4 billions de dollars en 2008, contre 1,2 billion en 1996. La dispute actuelle entre l'OMC et l'UE porte en fait sur la définition même des produits hi-tech. L'Union refuse de considérer comme hi-tech trois catégories de produits : les boîtiers numérique de télévision par câble qui délivrent également un accès à Internet, les écrans plats d'ordinateurs, et les imprimantes qui permettent également de numériser, copier ou faxer.
Pour l'Union européenne, ces produits sont des biens anciens sur le marché, et non des produits hi-tech à forte innovation. Selon la classification des taxes établie par l'UE, ces biens sont considérés comme des boîtiers pour le câble ordinaires, des écrans de télévision et des photocopieurs, sujets à une ponction entre 6% et 14%. Les importations totales ont été évaluées à 11 milliards de dollars dans l'Union en 2007, selon le CITI. Les Etats-Unis, le Japon et Taïwan ont fait du lobbying auprès de l'OMC pour réduire ces taxes à l'entrée. Principaux producteurs du monde, ils ont porté plainte devant l'OMC en 2008.
Il faut dire qu'ils sont mis sous pression par certaines de leurs multinationales. HP et Dell aux Etats-Unis, Canon au Japon ou plusieurs entreprises taïwanaises ont tout intérêt à voir ces taxes baisser. Pour un responsable du commerce américain, l'UE « manipule ses taxes pour décourager l'innovation technologique. » L'Union européenne, elle, a opposé une fin de non-recevoir à l'OMC.
Mais cette dernière n'en est pas restée là. Suite à la plainte des trois pays en 2008, elle a ouvert une enquête, et vient d'obliger l'Union à réagir. L'UE a 60 jours pour faire appel de la décision, qui estime qu'elle doit « apporter les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec ses obligations. » Le représentant du commerce américain, Ron Kirk, estime que la décision est « une victoire importante pour les fabricants de technologies et leurs employés. »
Si on ne sait pas encore quelle position va adopter l'Union européenne, on peut déjà noter que le bloc des 27 Etats-membres est divisé sur la question. Il n'est donc pas dit que l'UE fera appel. Si c'était le cas, cependant, l'OMC aurait trois mois pour statuer à nouveau. La Commission européenne a estimé dans un communiqué que « le rapport n'établit pas de principes généraux qui impliqueraient des conclusions générales quelconques. Aucune décision sur un appel possible à la décision de l'OMC n'a encore été prise. » Des officiels de l'Union ont néanmoins indiqué qu'ils souhaiteraient en réalité renégocier l'intégralité de l'ATI.
Si aucun accord n'est trouvé, et que l'UE ne respecte pas les règles de l'OMC, cela donnerait le droit aux Etats-Unis, au Japon et à Taïwan d'imposer des taxes sur l'importation de produits en provenance de l'Union européenne. Y compris sur des biens non-technologiques, comme les voitures, les produits pharmaceutiques et le fromage, évalués en terme de volume à un montant équivalent à celui sur les produits taxés illégalement par l'Union, selon l'OMC.