Alors qu'il devrait profiter de la suppression de la Hadopi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel se sent pousser des ailes. Le régulateur, par la voix de son président Olivier Schramek, n'avait pas caché le mois dernier sa volonté de voir ses compétences élargies à l'Internet, comme préconisé par le rapport Lescure et appuyé par la ministre de la culture Aurélie Filippetti, relate Le Figaro.
Désormais, l'autorité voit encore plus loin puisqu'elle se verrait bien réguler également les magasins d'applications mobiles, un marché dominé aujourd'hui par Apple et Google, qui disposent de toute latitude pour accueillir des contenus sur leurs « stores », basés sur un modèle économique similaire (30% des revenus leur reviennent) et un écosystème propriétaire.
Dans le cadre du colloque NPA-Le Figaro, le président du CSA a ainsi estimé «qu'un fabricant de terminaux connectés ou un magasin d'applications mobiles joue dans l'accès aux contenus et aux services un rôle crucial auquel la régulation ne peut rester indifférente. Se concentrer sur les seuls opérateurs hertziens et satellitaires ou sur les fournisseurs d'accès Internet, c'est ne pas saisir l'ampleur et les potentialités du rôle de la distribution».
Régler les différends entre éditeurs et distributeurs
Pour justifier ces nouvelles attributions, Olivier Schramek revient sur la distribution « multi-canal » des contenus qui prédomine aujourd'hui, notamment grâce à la démocratisation du second écran. Aujourd'hui, nombre de contenus culturels et en particulier audiovisuels transitent en effet directement via les applications des éditeurs, échappant de facto à tout contrôle du CSA.
Une telle régulation de la part de l'autorité serait unique en son genre. Les rapports entretenus par Apple et Google avec les éditeurs sont en effet purement commerciaux, sur des plateformes qu'ils ont entièrement conçues. Cette régulation servirait notamment à éviter que des éditeurs ne se retrouvent évincés des magasins de façon arbitraire, en référence à l'affaire Appgratis, relève Le Figaro.
Rappelons qu'à l'époque, Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'innovation, aux PME et à l'économie numérique avait fait part de sa volonté de « réguler ces écosystèmes ». Mais aussi de prendre « la mesure de la manière dont ces grandes plateformes peuvent imposer unilatéralement des conditions de fonctionnement ou des conditions de marché qui ne sont pas compatibles avec l'éthique qu'on peut attendre de ces grandes entreprises ».
D'après le quotidien national, le CSA aurait donc parfaitement entendu la ministre et souhaiterait se voir confier une mission de règlement des différends entre éditeurs et distributeurs, sur le même principe que celle dont il dispose pour gérer les conflits entre chaînes thématiques et plateformes de distribution (bouquets satellites, etc).
Le 30 mai dernier, Olivier Schramek avait réagi aux propositions du rapport Lescure, qui envisageait le transfert de 14 compétences de la Hadopi vers le CSA, parmi lesquelles la reprise de la riposte graduée dans son intégralité. Le président s'y était déclaré tout à fait favorable, tout en refusant de « porter le képi » quant au pouvoir de sanction, qui devrait être ramené très prochainement à des amendes de 60 euros, supprimant ainsi l'éventuelle coupure de la connexion internet.