Le projet de loi relatif à la consommation est discuté depuis lundi à l'Assemblée Nationale. Le texte, particulièrement dense, couvre de très nombreux sujets. Il est marqué par quelques mesures phares, comme l'instauration de l'action de groupe en droit français. Ce texte est émaillé de dispositions qui, potentiellement, auront un impact sur le domaine du numérique et des nouvelles technologies.
L'action de groupe adoptée mercredi soir
La consécration de l'action de groupe en droit français constitue à coup sûr la mesure phare de ce projet de loi. Elle avait été promise par François Hollande lors de sa campagne présidentielle. Le texte a fait l'objet de nombreuses consultations avant d'arriver à sa version telle que présentée devant les députés.
Concrètement, le dispositif permet aux victimes potentielles de sociétés ayant abusé de pratiques illicites, frauduleuses ou anticoncurrentielles, de s'unir pour former une action en justice. L'action de groupe a été adoptée en première lecture mercredi soir. Pour le moment, le mécanisme est réservé aux litiges portant sur la consommation et la concurrence. Benoit Hamon explique ce choix pour des raisons de simplicité, étant donné que les victimes seront dédommagées individuellement. Sur les thèmes retenus, les réparations devraient donc être identiques pour les consommateurs. On imagine les applications concrètes dans le domaine du numérique ou des télécoms, notamment suite à la condamnation des opérateurs en 2005 pour entente, ou encore l'affaire Apple Plans plus récemment.
Le dispositif devrait à terme être élargi à la santé. Un amendement socialiste a inclus dans le texte la mise en oeuvre d'un rapport sur une extension de l'action à l'environnement, dont les conclusions seront remises au Parlement.
La place accordée aux associations de consommateurs a longuement fait débat. En effet, seules les associations agréées par l'État seront à même d'intenter les actions au nom des victimes. Il ne sera pas nécessaire d'y adhérer pour intégrer le groupe, précise le texte. Mais pour ses détracteurs, ce texte contrevient au libre choix de la représentation. Ils appelaient pour y remédier à renforcer le rôle des avocats dans la procédure.
L'IP Tracking aux oubliettes
Deux amendements sur l'IP Tracking ont été portés par des députés de l'UMP et de l'UDI. La pratique consiste pour les services de réservations en ligne à enregistrer les adresses IP des internautes pour faire varier à leur avantage les prix et susciter l'acte d'achat. Concrètement, il s'agirait de faire monter les prix d'une offre consultée plusieurs fois à partir d'une même adresse IP pour faire croire à la raréfaction du produit et des places disponibles.
Le 21 mai dernier, la CNIL avait lancé une enquête sur le sujet, en collaboration avec la DGCCRF. Le phénomène demeure cependant difficile à appréhender et à démontrer. L'autorité avait été saisie par l'eurodéputée socialiste Françoise Castex. En ce sens, il n'était dans le fond pas impossible que l'amendement soit retenu par la majorité. Contacté par nos soins, l'entourage de Valérie Pécresse, à l'origine du texte, fait part de « sa grande déception ». « Il s'agit d'une décision étonnante de la part de la gauche puisque le texte visait tout de même à protéger davantage le consommateur en sanctionnant une pratique illégale de 37 500 euros et de deux ans d'emprisonnement. Il n'y a même pas eu de débat sur le sujet ».
La vente liée ne sera pas dans le texte
Les amendements 710 et 711 portaient sur la réglementation de la vente liée en matière de logiciel informatique. Les textes, déposés par l'ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, visaient « à mettre fin à la pratique commerciale déloyale que constitue la vente forcée de logiciels intégrés au matériel informatique ». Les députés rappelaient que l'argument selon lequel l'installation de ces logiciels permet au matériel d'être opérationnel dès l'achat n'était pas pertinent, puisque de nombreuses déclinaisons libres et gratuites sont aujourd'hui disponibles.
Problème, pas un seul des députés à l'origine du texte n'était présent lors des discussions. Ce qui a eu le don d'énerver Laurent Seguin, président de l'AFUL. « C'est soit de l'amateurisme, soit une manoeuvre politique. C'est quand même impensable qu'aucun député GDR ne soit présent pour défendre leur amendement. À moins qu'on leur ait demandé de ne pas venir », s'agace-t-il. Et d'ajouter : « Ce texte constituait un point d'équilibre global pour tous les partis, un rejet éventuel aurait été difficile à justifier. Là, le texte n'a même pas été discuté ».
Obsolescence programmée : pas de reconnaissance formelle
La question de l'obsolescence programmée a également été débattue à l'Assemblée. Il s'agit d'« une stratégie industrielle visant à programmer la fin de vie d'un produit ou le rendre irréparable par sa conception », expliquait le sénateur Jean-Vincent Placé dans le cadre de la proposition de loi d'Europe Écologie Les Verts sur le sujet.
Les élus UMP contestent la manière dont le débat est appréhendé. Le député Lionel Tardy écrit ainsi sur son site internet que le concept « relève de l'idéologie », en considérant que l'élément essentiel d'un produit, c'est qu'il soit durable. « Pour moi, la qualité essentielle d'un produit, c'est qu'il rende de manière satisfaisante le service pour lequel il est conçu », s'est-il justifié.
Le projet de loi contient des dispositions qui pourraient en partie permettre de lutter contre le phénomène. En premier lieu, le texte prévoit d'allonger le délai de garantie légale de conformité de six mois à un an. Il s'agit du seuil en dessous duquel l'entreprise est présumée coupable de conception d'un produit défectueux. Les députés d'EELV avaient bien tenté de l'étendre à deux ans, comme cela figurait sur leur propre proposition de loi. Mais l'amendement numéro 898 a été rejeté.
Et ce n'est pas le seul, puisque la très large majorité des amendements qui visaient à reconnaître et à définir en droit français la notion ont été rejetés ou non soutenus. De même que ceux portant sur les sanctions de la pratique, les députés verts espérant des peines allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. Après la première lecture, le texte passera par le Sénat, avant de revenir à l'Assemblée. D'ici là, certains sujets pourraient donc bien revenir sur la table.