Le mot « taxe » n'est pas officiellement prononcé mais c'est bien de cela dont il s'agit. Selon nos informations, le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, s'intéresse à une possibilité de mesurer le trafic sur la bande passante Internet. Derrière, s'ouvrirait la perspective de voir combien pèsent les acteurs du Web et, ainsi, d'envisager de les taxer. Dans le viseur de Bercy : Google, YouTube, Facebook ou les services de SVOD.
Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, s'en prendrait au sujet de la fiscalité - Crédit : DR.
Le sujet avait été remis sur la table en février dernier par Fleur Pellerin, ministre de la Culture. Une telle taxe serait un moyen, pour le gouvernement, de récupérer - d'une certaine façon - ce qu'il ne parvient pas à prélever à ces sociétés par l'impôt sur les bénéfices. Car la plupart des géants américains lui échappent.
L'idée de mettre à contribution les gros acteurs du Web n'est pas nouvelle. En 2010, le sénateur Philippe Marini avait proposé de taxer certains flux numériques en mettant à contribution les annonceurs publicitaires à hauteur de 1 % (sur les achats de publicité en ligne). Autre projet envisagé : celui de faire payer certains groupes américains Google, Amazon, Facebook et Apple, en fonction du volume de données personnelles collecté et détenu. Une idée réapparue en mars 2015 suite à la remise d'un rapport au gouvernement.
De la fiscalité aux infrastructures
Au débat sur l'évasion fiscale se superpose celui du financement des infrastructures. Une large part de la bande passante consommée l'est en effet par quelques géants américains, et en particulier par la vidéo. En 2012 déjà, le cabinet Idate mesurait que la vidéo captait 90 % du trafic Internet fixe en France, et 26 % sur mobile. Pour les fournisseurs d'accès, c'est trop. Ils réclament une aide pour faire face à cet afflux massif.Pour le PDG d'Orange, interrogé sur RTL en février, le calcul est simple. Il y a d'un côté les « GAFA » , avec une capitalisation boursière de 1 200 milliards de dollars (près de 1 500 en réalité) et une trésorerie de 250 milliards. Et de l'autre, les principaux opérateurs européens (soit Vodafone, Deutsche Telekom, Orange et Telefonica), avec une capitalisation de 250 milliards de dollars, et une dette de 150 milliards. À la lumière de ce rapport de force, Stéphane Richard soulignait que les opérateurs télécoms s'acquittaient de 85 % des « impôts du numérique » en France, contre seulement 1 % pour les plus grandes sociétés américaines.
Une première réponse cet été
L'équation semble d'autant plus injuste pour les FAI qu'ils sortent à peine de trois ans de guerre des prix dans la téléphonie mobile, qui a amoindri leurs marges. Et, disent-ils, leur capacité d'investissement. Alors que se profile la transition (plus rapide que prévue ?) vers la vidéo 4K, déjà proposée par YouTube ou bien Netflix, se trame également l'explosion des besoins en bande passante... Sans parler de l'Internet des objets.En attendant, le dossier commence par la faisabilité technique de la mesure de ce trafic. Plusieurs acteurs du Web, y compris des hébergeurs et des chaînes de télévision en France sont auditionnés par le régulateur des télécoms (Arcep), rapporte une source proche du dossier. Plus d'informations sont attendues pour le mois de juillet. Si beaucoup de pays plancheraient sur une telle taxe, la France serait bien pionnière en la matière.
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