Edgard Baudin, bonjour. Comment se positionne Gamned sur le marché publicitaire, media desk ou prestataire technique ?
Google, Facebook, etc. de nombreux acteurs sont là, qui fournissent des solutions clé en main qui permettent aux agences d'acheter le trafic sur les Ad Exchange. À côté, on a bien sûr tous ceux qui se chargent d'accompagner agences et annonceurs. Nous, on se voit comme un peu plus qu'une agence. Bien sûr, nous avons des consultants qui savent faire ce travail en se reposant sur des technos extérieures, mais on y ajoute notre propre valeur via les briques qu'on développe nous-même. Notre objectif, c'est de parvenir à délivrer de la publicité vraiment personnalisée.
Aujourd'hui, on a encore l'habitude d'acheter des bannières comme on achetait de la publicité en TV ou en presse écrite : on prend un package, 10 ou 20 millions d'impressions, sur des sites dont on pense qu'ils vont nous permettre de toucher notre cible. Mais on peut faire mieux, grâce à notre capacité à collecter, utiliser et organiser de grands volumes de données sur le profil de l'internaute et le contexte dans lequel il se connecte. Partant de là, on peut prendre en compte toujours plus d'informations : les centres d'intérêt exprimés, les endroits où on l'a déjà croisé, etc.
Ensuite, on sait utiliser les données qui sont présentes chez l'annonceur, et que lui n'utilise pas forcément. On va étudier son catalogue, sa base clients, puis les données qu'on recueillera au cours des campagnes, pour l'aider à aller chercher de nouveaux clients. La techno nous offre des algorithmes qui permettent d'arriver à des campagnes bien plus pertinentes et bien plus ciblées que ce qu'on faisait avant, puisqu'on se retrouve à n'acheter que l'audience qui intéresse l'annonceur sur un support donné.
Gamned ajoute une autre brique qui manquait : la possibilité d'adapter le message à la cible, avec des modèles de publicité dynamiques. On peut à peu près tout faire : changer le prix en fonction de la personne, proposer une réduction au bout d'un certain nombre d'affichages, etc.
La data constitue donc le nerf de la guerre ?
C'est la techno qui nous est propre qui permet d'utiliser les données pour générer des publicités personnalisées, oui. Le socle consiste en ce que l'on appelle notre Data Management Platform, autour de laquelle on travaille pas mal avec le client en amont. On exploite ensuite les données qui nous sont propres : statistiques, indicateurs qualitatifs, temps d'exposition à la bannière, contexte de diffusion etc. C'est ça qui nous permet d'aller acheter des espaces comme un autre trading desk, mais on se différencie grâce à notre analyse et grâce à nos pubs personnalisées, qu'on résume par un autre acronyme : DCO, pour Dynamic Creative Optimization.
Ensuite, on travaille beaucoup sur le reporting, avec des tableaux de bords qui bien sûr affichent les informations classiques d'une campagne média, mais permettent aussi d'aller plus loin. On va par exemple proposer à l'annonceur de tester un produit ou un positionnement tarifaire donné sur une cible bien précise, en variant les visuels et les prix pour mesurer l'efficacité.
L'annonceur peut donc utiliser nos outils pour élaborer ses offres : parfois, on se trompe, mais à partir du moment où l'on rentre vraiment dans l'analyse des données, le modèle est tout de même intéressant, on en arrive à une véritable dimension de conseil. C'est une autre façon d'utiliser l'Ad Exchange.
Jusqu'où peut-on filer la logique ?
On est encore loin du terme en ce qui concerne l'utilisation du Web. Qu'il s'agisse de travailler la notoriété, d'étudier le séquençage des bannières ou de la mesure de l'efficacité dans l'univers de la publicité vidéo, il y a encore beaucoup de territoires à explorer, même si le reciblage des prospects su un site marchand est quelque chose d'assez mûr aujourd'hui.
Le mobile constitue par ailleurs un autre gros sujet, là on en est encore à la préhistoire. Les dispositifs classiques sont très difficiles à déployer sur mobile, ou alors à de très petites échelles. Les acteurs et les technologies sont encore trop disparates pour que l'on arrive à faire des choses aussi fines que sur le Web fixe traditionnel.
Gamned en quelques chiffres ?
Gamned a environ trois ans et demi. Nous l'avons fondée, avec Olivier Goulon, en 2009, avec l'objectif d'en faire un spécialiste média. Nous avons fait nos premiers revenus sur les jeux d'argent et de hasard, en éditant quelques sites, puis nous avons décidé de nous étendre à toutes les thématiques. Aujourd'hui nous sommes basés à Paris et à Marseille, avec environ 35 personnes, dont 14 travaillent en recherche et développement. Environ 40% du chiffre d'affaires est aujourd'hui réalisé à l'international, en Europe principalement, mais aussi au Brésil. Nous avons fait un peu moins de 2 millions d'euros de CA en 2011, qu'on devrait doubler, ou pas loin, en 2012. Gamned est rentable depuis sa création.
Vous avez annoncé début septembre une levée de fonds de 1,5 million d'euros ?
Nous avons effectivement bouclé une levée auprès du fonds de Frédéric Chevalier, fondateur de HiCo et business angel bien connu. Il nous fera profiter de son expertise, en forme d'accompagnement, et devrait nous ouvrir quelques portes auprès de nouveaux annonceurs. Aujourd'hui, on travaille essentiellement avec des acteurs du e-commerce comme PriceMinister, Twenga, ou MonShowroom. Des marques grand public aussi : Orange, Quick ou Renault. Tout en continuant à étendre cette base, notre objectif serait d'aller chercher des très grands comptes.
L'essentiel des fonds ira à la R&D, pour renforcer cette équipe avec des développeurs et d'autres profils comme des statisticiens. Un spécialiste des modèles financiers nous rejoindra bientôt par exemple. Comme nous sommes sur de très gros volumes de données, le fameux big data, il y a de quoi faire travailler intelligemment des personnes de ce type.