Mister Bell est l'un des pionniers français de la publicité sur mobile. Quatre ans après son démarrage, la régie revendique plus d'une centaine de clients. Philippe Lourenço, le fondateur et dirigeant, est fier de les avoir motivés à communiquer sur ce média, au départ, compliqué à appréhender. Car pour mesurer le retour sur investissement d'une publicité, il faut savoir « traquer » le mobinaute. Le pari que s'est lancé Mister Bell.
Philippe Lourenço a fondé Mister Bell en 2010, une régie publicitaire à la performance sur mobile - Crédit : Mister Bell.
« Quand nous nous sommes lancés, le marché était lilliputien », se souvient Philippe Lourenço. A cette époque, l'iPhone n'a que 3 ans, le Samsung Galaxy, 2 ans. Encore trop tôt pour envisager la publicité sur smartphone ? « Les Britanniques ont commencé à plancher dessus en 2008, ils n'ont pas perdu de temps », lance le fondateur de Mister Bell, n'omettant pas de pointer un « retard » de la France évalué à deux ans.
Quand Nokia était n°1 du smartphone
En 2010, Nokia contrôle exactement un tiers du marché des smartphones et cela en fait le premier vendeur mondial selon IDC. Avec 16% du secteur, RIM commence à être menacé par un certain Apple, qui devance - plus pour longtemps - Samsung. En France, la même année, 40% des smartphones sont alors sous Symbian.Mais avec 7 millions de « téléphones intelligents » livrés dans l'Hexagone (ComScore), « les usages sont là » argue Philippe Lourenço. Alors il décide de s'y mettre. Côté annonceur, c'est la plus grande frilosité : « Les enveloppes allouées aux projets mobiles ne dépassaient pas 20 000 euros. Enfin, 10 000. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils ne disposaient pas de solution pour mesurer l'efficacité de leurs campagnes. »
Quelques régies s'aventurent à exporter leurs méthodes dans ce nouvel univers, entraînant parfois certaines incohérences, comme des bannières conduisant vers le site Internet de l'annonceur. En général, les grands acteurs ne se mouillent pas. « Ils préfèrent attendre que des start-up endossent le risque et essuient les plâtres. Il leur suffit ensuite de racheter les survivantes, les plus rentables », observe Philippe Lourenço.
Mesurer le nombre de téléchargements
Après un an de recherche et développement environ, Mister Bell tient une réponse pour réussir à ne pas perdre la trace d'un mobinaute qui a cliqué sur une publicité au travers d'un site mobile - ce qui le mène à télécharger l'application pour laquelle la bannière faisait la promotion. Nous sommes fin 2011. Pour attirer des clients, Mister Bell promet de ne pas juste mesurer combien ont cliqué, mais combien ont téléchargé.Ainsi, les annonceurs ne sont facturés que lorsque l'action désirée (le téléchargement de leur appli) est effective. Cette logique dite de performance attire très vite Cofinoga, l'un des principaux acteurs du crédit à la consommation. Ah, autre particularité : alors que la pub mobile est ultra-représentée par les jeux vidéo de King, Zynga, Gameloft, SuperCell... Mister Bell mise sur la finance, l'assurance, le voyage, les médias, etc.
Le ciblage mobile a d'abord utilisé l'IMEI
D'habitude, le ciblage sur PC s'opère grâce aux cookies. Impossible au sein d'une appli. En 2015, la méthode est connue, mais le parcours qui y a mené démontre que rien n'était acquis à l'avance. En novembre 2014, Ad4Screen, le « comparable » de Mister Bell en France, communiquait sur sa capacité à recibler sur mobile en utilisant les ID des terminaux : l'IDFA chez Apple, et l'AdID chez Google. Philippe Lourenço les utilise aussi.Parmi les priorités : apporter des contacts de prospects (leads) et générer des téléchargements - Crédit : Mister Bell.
Avant, d'autres techniques furent utilisées. D'abord, le numéro IMEI du téléphone, puis l'adresse MAC, et d'autres dont le fondateur ne se souvient plus. Chaque changement s'est fait sous la contrainte des fabricants, comme quand Apple et Google ont interdit l'utilisation de l'IMEI, ou des opérateurs. Mister Bell dit avoir réussi à anticiper ces revers et prévu un plan B. Pour l'instant, la dernière technique retenue tient la route.
Une méthode proche du jeu Qui est-ce ?
Ces deux identifiants uniques (IDFA et AdID) encapsulent des centaines d'informations comme le modèle du smartphone, la diagonale de l'écran, la langue utilisée ou les navigateurs installés. Cet ensemble de données constitue l'empreinte digitale propre à chaque utilisateur. Grâce à elle, on ne perd pas la trace d'un utilisateur qui passe d'un navigateur mobile à une application. Depuis la mise à jour de sa plateforme en février 2015, faisant appel à « beaucoup plus de données », Mister Bell avance un taux de précision de 99%.Pour mieux comprendre la méthode employée, Philippe Lourenço utilise l'analogie de l'automobile : « Vous avez garé votre voiture dans un immense parking, et une personne doit la retrouver. Avec le cookie, cela revient à lui donner le numéro d'immatriculation, facile. Sur mobile, impossible. Alors vous lui fournissez un ensemble de détails : le modèle, la couleur, une éventuelle bosse... Par élimination, il va la retrouver. » En définitive, le ciblage publicitaire sur mobile est un Qui est-ce ? joué par des algorithmes très puissants.
Un jeu que dominent en maîtres deux autres participants : Google et Facebook. Tous deux ubiquitaires, ils capteraient 60% des investissements publicitaires. Nous aurions tendance à penser que cette hégémonie va tuer les petites régies. Il n'en est rien. « Cela nous laisse 40% d'un énorme gâteau », s'amuse Philippe Lourenço. Certains de ses clients, dit-il, annoncent sur Facebook et prennent Mister Bell en complément.
En 2014, le français a réalisé 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont la moitié en Allemagne, au Royaume-Uni et au Brésil. Rentable depuis 2013, il va étoffer son équipe de 65 salariés. Philippe Lourenço espère que tout le monde tiendra dans les locaux actuels, « bien situés », à deux pas de l'Arc de Triomphe.
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Rencontre filmée avec Philippe Lourenço aux « Big Boss du e-commerce » en juillet 2014.