Une société canadienne réclamait auprès de l'opérateur Orange de l'aider à identifier des individus s'étant prétendument livrés à des téléchargements illégaux, après avoir récupéré les adresses IP des internautes. Pour le TGI de Paris, cela va à l'encontre du RPGD. Clubic vous détaille l'affaire.
Le tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance de référé, le 2 août 2019, par laquelle il a débouté une société canadienne, Mile High Distribution (MHD), productrice de contenus audiovisuelles. Cette dernière demandait à Orange de lui fournir les informations nécessaires à l'identification d'internautes soupçonnés de téléchargements illégaux de certains de ses contenus, en brandissant les adresses IP des individus concernés. Le tribunal a refusé de les prendre en compte, au nom du RGPD et de la loi Informatique et libertés.
Une société allemande mandatée pour dénicher des informations liées aux utilisateurs français
Après avoir constaté la présence de certaines de ses œuvres sur des plateformes d'échange de fichiers en ligne, disponibles au téléchargement pour les internautes sans avoir obtenu l'autorisation de la société de production, Mile High Distribution a mandaté une société allemande dont on ne retrouve que peu d'informations sur la toile, Media Protector, pour récolter certaines informations liées à ces téléchargements illégaux.Media Protector s'est donc chargée de recueillir l'adresse IP de chaque internaute, la date et heure du téléchargement, l'intitulé du contenu téléchargé et le nom du FAI auquel l'IP relevée est attachée. Au total, ce sont 895 adresses IP qui ont été collectées entre novembre 2017 et novembre 2018. Toutes auraient été la source de téléchargements illicites.
Une première ordonnance, rendue le 8 avril 2019 par le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris, a ordonné à Orange de « conserver les informations utiles à l'identification des personnes titulaires d'adresse IP (...), dans l'attente de la présente décision ». Mais le 11 mars 2019, l'entreprise canadienne avait assigné l'opérateur devant le juge des référés.
Mile High Distribution souhaitait qu'Orange lui fournisse les données d'identification des personnes (identité, adresse postale et autres) listées dans les IP collectées par Media Protector dans les trois semaines à compter de la date de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Le juge ne reconnaît pas le caractère « licite » de la démarche de MHD et de Media Protector
Le TGI de Paris a refusé d'accéder à la demande de la société canadienne et l'a déboutée de celle-ci, reconnaissant que la collecte et le traitement de données permettant d'identifier les personnes équivalent à une « opération de profilage ». Media Protector a obtenu ses données de façon illicite.Pour fonder sa décision, et parce que la collecte des IP fut organisée avant et après la mise en place du Règlement général sur la protection des données (RGPD), le tribunal a dû s'appuyer à la fois sur l'ancienne version de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 et sur le RGPD.
Le juge considère ainsi que Mile High Distribution aurait dû désigner un représentant européen, en raison du fait que son siège social se trouve hors des frontières de l'Union européenne. Il lui reproche aussi de ne pas avoir désigné de délégué à la protection des données (DPO).
La société canadienne a notamment été condamnée à verser 8 000 euros à l'opérateur Orange. Selon l'avocate du groupe Orange, Maître Marguerite Bilalian, contactée par Clubic, Mile High Distribution n'aurait pas interjeté appel de la décision de première instance, alors que le délai pour le faire a pris fin le 16 septembre.