RGPD : le Conseil d'État dévoile le mode d'emploi du droit à l'oubli

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 17 décembre 2019 à 08h54
Droit à l'oubli
© Shutterstock.com

La plus haute juridiction administrative a rendu une série d'arrêts, le 6 décembre, qui ont contribué à fixer les conditions dans lesquelles le droit au déréférencement, sacré par le RGPD, doit être respecté.

Vendredi 6 décembre 2019, le Conseil d'État a rendu treize arrêts adoptés en se basant sur la jurisprudence communautaire, établie par une décision de la Cour de Justice de l'Union européenne prise le 24 septembre dernier, justement sur saisie de la plus haute autorité de l'ordre administratif français. Cette dernière souhaitait connaître les strictes conditions d'application du droit à l'oubli, prévu par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). C'est donc un véritable guide juridique du droit au déréférencement que nous offre le Conseil d'État.

Avant le Conseil d'État, Google et... la CNIL avaient rejeté les demandes des justiciables

Les treize arrêts rendus par le Conseil d'État viennent définir le cadre qui précise comment un moteur de recherche comme Google doit, sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), respecter le droit à l'oubli.


Treize particuliers avaient saisi Google de demandes de déréférencement de liens pointant vers des pages web qui contenaient des données personnelles les concernant. La firme de Moutain View avait alors refusé, ce qui avait entraîné le dépôt d'autant de plaintes auprès de la CNIL. Mais le gendarme des données n'avait pas sorti sa matraque cette fois-ci et avait rejeté les plaintes. Voilà comment, ensuite, le Conseil d'État fut saisi. Plusieurs non-lieu à statuer ont été constatés, certains demandeurs ayant obtenu satisfaction.

Le droit à l'oubli, un droit, oui, mais pas un droit absolu

Pour le Conseil d'État, si vous souhaitez obtenir un déréférencement, à partir des résultats affichés en réponse à une requête tapée contenant votre nom, des liens vers des pages internet qui contiennent certaines de vos données personnelles, vous devez saisir le moteur de recherche. C'est la règle de base.

Dans le cas où celui-ci refuse, vous pouvez saisir le juge judiciaire ou bien la CNIL, qui ordonnera ensuite au moteur de recherche de procéder au déréférencement des liens préjudiciables. Si le gendarme des données rejette à son tour votre demande, vous pouvez alors contester la décision devant le Conseil d'État.


Le droit à l'oubli ou le déréférencement d'un lien qui associe votre identité à une page contenant certaines de vos données personnelles est un droit, mais qui n'est cependant pas absolu. Un équilibre doit effectivement être trouvé entre le droit à la vie privée et le droit à l'information du public. Tout dépend en réalité de la nature des données personnelles qui sont en cause. Le Conseil d'État a ainsi posé trois hypothèses.

Les données sensibles et pénales mieux protégées

Si le litige concerne des données sensibles (comme celles relatives à la santé, à la vie sexuelle, aux opinions politiques, aux convictions religieuses etc.) ou des données pénales (liées à une condamnation ou même une procédure judiciaire), la protection est forcément plus élevée.

Dans les deux cas, le moteur de recherche ou la CNIL ne peuvent légalement pas refuser d'accéder à la demande de celle ou celui qui demande le déréférencement du lien. Sauf dans le cas où le nom de la personne est nécessaire à l'information du public, la règle est de bien accéder au droit à l'oubli.

Le troisième cas concerne les données relatives à la vie privée, que l'on ne peut toutefois pas considérer comme étant sensibles, comme un particulier qui n'apprécie pas que son nom pointe vers des pages web relatives au brevet d'invention qu'il a déposé et dans lequel se trouve son adresse personnelle. Ici, le Conseil d'État considère qu'il existe un intérêt prépondérant du public à accéder à l'information en cause en effectuant une recherche à partir du nom de l'intéressé. Le droit à l'information l'emporte donc sur le respect de la vie privée.

Les caractéristiques des données personnelles en cause, le rôle social du demandeur (sa notoriété, son rôle dans la vie publique...) et les conditions d'accès de l'information en cause (s'il est facile d'y accéder ou pas) entrent en compte pour déterminer si l'information privée non sensible doit être écartée du référencement ou non.

Source : Conseil d'Etat
Alexandre Boero
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