Plus léger, directement réparable depuis le terrain d'opération, le drone CORVUS est destiné à être complémentaire au Skylark pour des missions nécessitant moins de capacités (élongation et temps de vol). Clubic est parti à sa découverte.
Le Salon du Bourget est un rendez-vous incontournable pour le ministère des Armées qui, tous les deux ans, présente ses dernières innovations, d'aujourd'hui et de demain, lors de l'événement international majeur de l'aéronautique et de l'espace. Clubic, présent sur place, va vous en dévoiler quelques-unes ces prochains jours. Et nous débutons ce tour du propriétaire par le drone CORVUS, un mini-aéronef performant, léger, qui peut être réparé sur place, s'affranchissant ainsi de toute la longue et périlleuse logistique de ses prédécesseurs.
Le CPA 10, la branche "geek" de l'armée de l'air
Imaginé par le sergent Lucas, le CORVUS fait la fierté du Commando parachutiste de l'air n°10 (CPA 10), la composante air des forces spéciales au niveau commando. Les hommes qui composent le CPA 10 font de ce dernier la force des unités spéciales la moins dimensionnée. Mais son bureau innovation et développement, qui possède une partie drone, travaille avec ardeur pour perfectionner les petits aéronefs de reconnaissance de l'armée française.Salon du Bourget - L'avion électrique d'easyJet et de Wright Electric dans les airs dans 10 ans
"Aujourd'hui, nous travaillons avec le Skylark 1LE, un mini drone de 8 kilos qui a une élongation de 40 kilomètres et une capacité de vol d'environ 3 heures", nous décrit un membre du CPA 10. Le commando doit faire face à quelques obstacles. L'un d'eux tient au coût du Skylark, aujourd'hui quatre fois supérieur à celui du CORVUS. De ce fait, l'armée de l'air n'en posséderait que deux ou trois.
« Avec le Skylark, nous sommes obligés de renvoyer la pièce chez le constructeur »
Utilisé pour de multiples missions, le drone voit sa fiabilité être remise en question. Et c'est au moment où une casse survient que ressort son plus gros défaut. "Lorsqu'il casse, nous indique le soldat, nous en avons pour 10 mois voire 1 an avant de pouvoir récupérer la totale capacité du drone. Lorsqu'il y a une casse en pleine opération, nous sommes obligés de renvoyer la pièce chez le constructeur." L'inconvénient, c'est que l'unité est déployée sur des périodes qui peuvent aller de 3 à 6 mois "seulement." En gros, la moindre casse subie par le drone engendre son indisponibilité pour le reste de la mission.
Le but est ainsi de réduire cette chaîne logistique entre le théâtre d'opération et la France. Et se faisant, le CORVUS (Capteur de reconnaissance à voilure ultralégère en soutien aux opérations spéciales), corbeau en latin, s'avère être idéal pour répondre à la problématique.
La voilure du drone découpée en une petite heure
Lors de la conception du CORVUS, l'autonomie a été le maître-mot. Composé de polystyrène et de plastique, il ne pèse que 3 kilos. Le polystyrène est découpé à l'aide d'une machine à fil chaud dans une simple plaque de polystyrène, qui permet de le cautériser. "La découpe d'une aile du drone ne nécessite que 3 minutes, nous révèle notre membre du CPA 10. La totalité de la voilure, elle, ne prend qu'une heure."
« Le délai de réparation passe ainsi de plusieurs mois à... 10 petits jours »
Pour les parties plastiques, l'armée utilise une imprimante 3D. "Une couche de peinture va venir rigidifier le drone et le camoufler en même temps." Pour remonter un drone de façon complète, le délai passe ainsi de plusieurs mois à... 10 petits jours. Et "seul un élément ne peut pas être remplacé : le tube de queue, qui est en carbone, mais que l'on peut tout de même réparer", nous informe le commando.
En opération, nous partons ainsi avec une caisse similaire à celle sur laquelle le drone est posé. À l'intérieur de la caisse, on retrouve notre imprimante 3D, notre machine de découpe à fil chaud, et notre drone. Il y a une réelle autonomie dans la maintenance, car il n'est plus nécessaire d'envoyer la pièce et d'attendre qu'elle revienne.
Une retransmission en temps réel, qui ne nécessite pas de stockage sur l'appareil
Le CORVUS, conçu pour des missions de reconnaissance, est destiné à être déployé partout dans le monde. L'intérêt est de voir, grâce à lui, ce qui se passe de l'autre côté du mouvement de terrain, vérifier la présence de potentiels ennemis, de jour comme de nuit. Le mini-drone peut ainsi voler à toute heure du jour et de la nuit. L'optique nuit est également thermique.
D'un point de vue plus technique, la retransmission se fait en temps réel sur une tablette qui récupère les images. "Rien n'est stocké sur le drone, ce qui est primordial dans le cas où il tombe entre de mauvaises mains. Sur la tablette, nous avons les images et le contrôle de la machine", nous confie le sergent Lucas. Le CORVUS est doté d'une capacité de charge utile de 2 kilos pouvant correspondre à un medic pack ; une grenade ; ou un relais radio si le terrain est escarpé.
« Si le GPS est brouillé, nous basculons sur une autre constellation »
Concernant les liaisons radio, "nous sommes restés sur du numérique, avec le chiffrement civil AES-128, mais nous recevons la vidéo en HD", poursuit-il. Le drone embarque également un capteur GNSS capable de recevoir les 7 constellations. "Nous pouvons en traiter trois, par exemple le GPS (américain), le GLONASS (russe) et Galileo (européen). Si le GPS est brouillé, nous basculons sur une autre constellation. Si la fréquence vient purement à être brouillée, le drone est en revanche perdu", détaille le sergent.
Le CORVUS décolle et se pose de façon verticale
Si le Skylark doit être lancé avec un élastique et nécessite une certaine distance en profondeur pour pouvoir être lancé et se poser, le CORVUS, lui, décolle et se pose de façon verticale. Ce dernier est même capable de décoller en zone boisée. Après avoir décollé, il prend ainsi de la vitesse, grimpe jusqu'à 30 km/h, puis voit ses moteurs pivoter pour qu'il puisse atteindre sa vitesse de croisière.
« On ne peut pas cracher sur un gain de quelques minutes juste grâce au vent relatif »
L'hélice arrière, elle, ne sert que pour le décollage et l'atterrissage, mais durant le vol, elle est en constant mouvement avec le vent. Le sergent Lucas travaille donc pour que cette énergie développée soit récupérée puis réutilisée pour recharger la batterie, tout en volant. "Pour l'instant, la batterie ne dépasse pas les 1h30 de vol, mais on ne peut pas cracher sur un gain de quelques minutes juste grâce au vent relatif", avoue le commando.
On pourrait enfin croire que le CORVUS fait preuve d'une faible tolérance en vent. Mais grâce à ses deux moteurs puissants, celle-ci s'élève à 15 m/s. Le CORVUS peut monter jusqu'à 300 mètres l'altitude, ce qui lui permet d'être inaudible et d'avoir la vision la plus large qui soit, pour le bien des opérations de nos soldats.