L'univers de l'électronique grand public a depuis bien longtemps quitté les frontières du salon mais force est de constater que c'est souvent l'innovation en matière de télévision qui donne le pouls des grands évènements internationaux comme le Consumer Electronics Show (CES). Cette année, c'est sans surprise la Ultra HD qui a mobilisé l'essentiel des annonces, avec un lancement commercial qui devrait selon toute attente intervenir dans les douze mois à venir.
Ultra HD, la future star du salon !
La promesse est incarnée pour mémoire par des dalles (le plus souvent LED) affichant 3840 x 2160 pixels, soit quatre fois la définition des écrans Full HD actuels. Cette montée en pixels encourage à la mise au point de téléviseurs toujours plus grands : 84 pouces par exemple pour le modèle phare présenté par Sony, et jusqu'à 110 pouces pour certains prototypes. L'avènement de l'Ultra HD (souvent appelé 4K en référence au format du même nom en vigueur dans l'industrie du cinéma, bien que celui-ci corresponde en réalité à 4096 x 2160 pixels) pose toutefois deux problèmes de taille si l'on adopte la posture du consommateur final.
Le premier, c'est bien sûr celui des contenus : aujourd'hui, l'offre dédiée aux écrans Ultra HD est quasiment inexistante, même si les studios s'apprêtent à user d'artifices pour la doper artificiellement. Les vrais contenus Ultra HD arriveront toutefois dans les années à venir. En attendant, il faudra faire avec les dispositifs d'amélioration des contenus existants, selon la technique dite de l'upscaling. Si celle-ci fait des progrès, grâce à de nouveaux algorithmes plus fins et des puces de traitement désormais très abordables, l'opinion publique s'attend à un résultat nettement plus décevant qu'un contenu nativement Ultra HD...
Le second, c'est évidemment celui du prix : les premiers modèles « raisonnables » lancés par les grands noms coréens et japonais du secteur s'afficheront en effet à des tarifs compris entre 5 et 10 000 euros, avec un pic à près de 30 000 euros pour le 84 pouces de Samsung. Dans ce domaine, la concurrence chinoise fourbit toutefois ses armes : chez Haier et Hisense, on promet par exemple que les écrans Ultra HD (autour de 50 à 60 pouces) seront accessibles d'ici un ou deux ans à partir de 3 ou 4 000 euros.
S'ajoute également un frein mécanique : l'argument Ultra HD ne vaut essentiellement que sur les grandes diagonales d'écran, que tous n'ont pas la place d'installer chez eux... ils pourront toutefois se consoler avec les dalles Full HD améliorées telles qu'en prépare Sharp.
L'avènement programmé de l'OLED ?
Autre grande star des stands pharaoniques montés par Samsung, LG et consorts : l'écran OLED. Celui-ci est présenté depuis plusieurs années, mais il revient en 2013 sous une forme commercialisable. La promesse est toujours aussi séduisante, avec une matrice active qui supprime le besoin du rétroéclairage et permet de créer des écrans de quelques millimètres seulement, offrant un contraste et des couleurs à la limite de la perfection (en dépit d'une saturation souvent excessive, démo oblige). LG a d'ores et déjà affirmé que son téléviseur OLED 55 pouces débarquait sur le marché, mais il faudra compter environ 8 000 euros pour cette « première génération ».
La suite prendra logiquement la forme de téléviseurs OLED Ultra HD, même si les fabricants, comme Sony ou Panasonic, ne montrent pour l'instant que des prototypes. Autre axe d'innovation attendu : l'écran OLED courbe, visible chez LG ou Samsung en format 55 pouces, qui doit à terme permettre de renforcer l'immersion.
La 3D devenue un non sujet ?
Hormis chez LG, où l'on distribuait des lunettes passives à l'entrée d'un stand surmonté par un mur d'écrans de 22 mètres de longueur, la 3D semble ne plus véritablement être un sujet pour les acteurs du secteur. La plupart des modèles présentés sont capables d'afficher des contenus en 3D stéréoscopique, mais l'accent n'est plus mis sur cette capacité. Interrogés, certains fabricants reconnaissent sans ambages qu'elle ne fait plus rêver, ajoutant que focus groups et chiffres de vente montraient, à leur grand dam, un relatif désintérêt.
Aujourd'hui, l'offre en matière de contenus s'est pourtant étoffée, même s'il manque encore à accomplir une partie de la promesse (retransmission d'évènements sportifs en 3D via les chaînes de TV par exemple). Le conflit entre actif et passif s'est soldé avec la victoire de la seconde méthode, mais ces inconfortables lunettes constituent de fait un handicap supplémentaire.
La 3D sans lunettes semble quant à elle avoir montré ses limites. Largement représentée lors des éditions précédentes du CES, elle ne fait plus que des apparitions ponctuelles, essentiellement parce que l'expérience se révèle loin d'égaler celle obtenue avec la 3D à lunettes.
Environnements : cap sur la recommandation et le second écran
La plupart des TV disposent désormais de l'équipement nécessaire à une éventuelle liaison à Internet, et s'accompagnent donc d'environnements logiciels dédiés, avec boutiques d'application, suggestions de programmes et fonctions sociales. Cette année, la proposition de valeur n'évolue pas sur le fond, mais les nouveaux environnements présentés par les Samsung, LG ou Toshiba témoignent tout de même de quelques nouvelles orientations stratégiques.
En premier lieu, on note la volonté manifeste de renforcer le côté « personnel » de la TV, avec la possibilité de créer des profils utilisateurs, et donc d'afficher à chaque membre de la famille son propre environnement. Dans la lignée, on observe l'émergence forte de la tendance recommandation, avec des pages qui n'affichent plus seulement les contenus en fonction de grands thèmes génériques : la TV apprend de vos habitudes, et sait vous suggérer les programmes (flux ou vidéo à la demande) auxquels vous aspirez. Au passage, une télévision plus personnelle enrichie à la recommandation, c'est aussi une façon de poser les bases de mécaniques publicitaires avancées, mais c'est une autre histoire.
Les télécommandes et dispositifs de contrôle se veulent quant à eux toujours plus malins : au geste, au pointeur, à la voix, avec pavé sensitif ou clavier complet, les zapettes de 2013 rompent avec des habitudes en vigueur depuis trente ou quarante ans.
Si les opérateurs de service cèdent le pas aux fabricants de matériels au CES, on note tout de même chez les uns comme chez les autres l'intégration grandissante du smartphone ou de la tablette dans l'environnement que constitue le téléviseur. S'il parait difficile d'aller contre cette tendance naturelle, on sent que le sujet soulève quelques questions chez les spécialistes de la TV, qui cherchent à ce que les interactions susceptibles de générer de la valeur (publicité, services payants) se fassent dans leur propre système plutôt que dans celui d'un tiers...
Autre élément notable : le retour en force, discret mais bien réel, de l'environnement Google TV qui s'installe largement chez LG, et opère des percées chez de nouveaux acteurs comme Hisense. Les amateurs d'interfaces pour TV connectée pourront consulter nos vidéos réalisées chez Samsung (ci-dessous), LG et Toshiba.
De quoi doper le marché ?
Toutes ces technos prometteuses visent logiquement à dynamiser un marché qui, en occident, fonctionne pour l'essentiel sur la base du renouvellement des appareils. Guerre des prix, ralentissement des ventes, difficultés financières pour plusieurs des grands noms du secteur et offensive de plus en plus concrète des spécialistes chinois du secteur : la TV traditionnelle a bien besoin de se trouver un nouveau souffle. Ces innovations suffiront-elles ?