Rapidement relayée dans les médias, la campagne a récolté très rapidement énormément d'argent, atteignant 800 000 dollars en quelques jours. Mais c'est là que des experts en plongée et des scientifiques ont commencé à s'intéresser au projet et à mettre en garde les internautes face à ce qui semble, selon eux, être un produit plus que douteux.
Une révolution trop belle pour être vraie ?
La proposition des Suédois est de récupérer l'oxygène présent dans l'eau par le biais « d'une membrane dont les trous sont plus petits que les molécules d'eau ». L'oxygène serait ensuite extrait et stocké à l'aide d'un micro-compresseur à l'intérieur des branchies artificielles, ce qui permettrait au plongeur de respirer aussi tranquillement que s'il était équipé d'un tuba qui sort de l'eau. Un système annoncé viable jusqu'à 4,5 mètres de profondeur.L'entreprise a beau expliquer qu'elle utilise « un micro-compresseur très puissant » spécialement optimisé pour l'occasion, les experts en la matière ont eu peine à croire qu'un tel système était viable : selon certains observateurs, il faudrait que le système filtre entre 40 et 90 litres d'eau chaque minute pour permettre au plongeur de respirer sous l'eau. Par ailleurs, la quantité d'oxygène ne suffit pas, il faut aussi avoir un volume d'air suffisant à inhaler, au moins 0,5 litre par respiration. Difficile d'imaginer qu'un produit vendu 300 dollars soit capable de réaliser une telle prouesse, à côté de laquelle seraient passées les armées du monde entier, notamment. Par ailleurs, l'autonomie annoncée de 45 minutes s'avère très ambitieuse.
Les critiques autour du produit ont entraîné un bad buzz qui a poussé des centaines de backers à se désolidariser du projet dans les jours qui ont suivi, et à demander le remboursement de la somme engagée. Mais la campagne est loin d'être abandonnée.
« Nous voulions protéger notre technologie »
Contrainte de rembourser plus de 500 000 dollars, l'équipe de Triton Gills est finalement sortie de son silence le week-end dernier, pour donner de nombreux détails concernant le fonctionnement du Triton. On apprend que celui-ci fonctionne« à l'aide d'oxygène liquide qui, combiné à d'autres composants, permet à l'utilisateur de respirer sous l'eau. » Il n'est donc pas question de respirer sous l'eau par magie : le Triton embarque un cylindre d'oxygène liquide, d'une durée de vie de deux fois 45 minutes. Passée cette durée, il faudra donc le remplacer avec un cylindre neuf. Les branchies artificielles ne pourront pas fonctionner sans, et l'acheteur devra donc en acquérir un grand nombre s'il désire plonger longtemps.Dans la foulée de sa longue explication, qui prend la forme d'une mise à jour de la campagne, la startup a publié une vidéo de démonstration de 12 minutes, en plan-séquence, qui montre une personne utilisant le Triton dans une piscine.
La vidéo semble démontrer que le Triton fonctionne, néanmoins, avec les nouvelles explications de la startup, la promesse n'est plus la même : il ne s'agit plus de respirer comme un poisson en filtrant l'air, mais d'utiliser de petites bouteilles d'oxygène qui devront être achetées séparément. L'entreprise se défend en expliquant qu'elle souhaitait « protéger sa technologie exclusive, car c'est la clé du succès. » Mais les nombreuses démonstrations de perplexité l'ont poussée à communiquer davantage.
On peut également s'étonner du fait que dans les contreparties, il n'est jamais fait mention des fameux cylindres d'oxygène liquide. Triton Gills affirme être en train de finaliser son offre, aussi bien en matière de tarifs que de proposition de recyclage « pour les rendre réutilisables ». Une logistique qui peut s'avérer complexe, loin de la proposition de base, qui évoque « un usage aussi simple que celui d'un tuba ».
Si la campagne de financement affiche actuellement plus de 270 000 dollars, la promesse de base a pris des tournures de plaisanterie. L'homme n'est pas encore prêt à respirer sous l'eau tel une sirène, et ce n'est surement pas Triton Gills qui lui apportera la solution en décembre prochain. C'est un peu le comble d'un projet invitant les gens à nager longtemps sous l'eau que d'avoir du plomb dans l'aile.