Un chercheur de l'INA a eu recours à l'intelligence artificielle pour évaluer le temps de parole des femmes dans les médias français, à partir d'un volume de données inédit. Et - sans surprise - l'étude révèle des inégalités, les interventions féminines représentant moins de la moitié de celles de leurs homologues masculins.
Constater que le temps de parole des femmes à la télévision et à la radio est largement inférieur à celui des hommes n'est pas vraiment révolutionnaire. Mais la nouveauté de l'étude de David Doukhan, chercheur à l'INA, réside dans sa méthode et la taille de l'échantillon analysé.
700 000 heures de programmes étudiés par l'IA
En effet, l'auteur du rapport s'est appuyé sur un logiciel d'analyse acoustique, capable de reconnaître le genre des différents locuteurs dans les médias. Le programme repose notamment sur des algorithmes de deep learning. Et cette intelligence artificielle a été entraînée à l'aide d'une énorme base de données de l'INA, comportant 32 000 extraits sonores diffusés entre 1957 et 2012, et identifiant les hommes et les femmes prenant la parole. Avec cette méthode, David Doukhan estime obtenir des résultats fiables, avec une marge d'erreur inférieure à 0,6 %.À l'aide du logiciel, le chercheur a ainsi analysé plus de 700 000 heures de programmes, diffusés sur 22 chaînes de télévision, depuis 2010, et 21 stations de radio françaises, depuis 2001. Il s'agirait du plus gros volume de données jamais étudié dans le monde, ce qui permet de limiter les biais d'analyse et de dresser un bilan exhaustif de la situation.
Les femmes parlent deux fois moins que les hommes dans les médias
Et le constat est sans appel : le temps de parole des femmes dans les médias français est deux fois plus faible que celui des hommes. Il représente 32,7 % du temps de parole global à la télévision, et 31,2 % de celui de la radio.L'étude permet également d'aller plus loin et de faire un état des lieux pour chaque média. Par exemple, à la télévision, les chaînes sportives sont celles qui offrent le moins de temps de parole aux femmes (7,4 % pour Eurosport, 16,5 % pour la chaîne L'Équipe). À l'inverse, Téva est celle présentant la plus forte proportion sur ce critère. Mais même cette chaîne, qui vise un public particulièrement féminin, affiche un temps de parole minoritaire pour les femmes (47,9 %) !
Le rapport se conclut tout de même sur une note d'espoir. Car les inégalités observées auraient tendance à diminuer ces dernières années. Ainsi, le temps de parole des femmes à la radio aurait progressé de 9,3 % entre 2001 et 2018, et celui à la télévision de 4,7 % entre 2010 et 2018. La situation évolue donc dans le bon sens, mais il reste encore du chemin à accomplir.