Christian Eurgal constate les dégradations © PhotoPQR/LA DEPECHE DU MIDI/MAXP
Christian Eurgal constate les dégradations © PhotoPQR/LA DEPECHE DU MIDI/MAXP

Du haut de ses 200 000 abonnés, le youtubeur d'extrême droite Papacito est parti en croisade personnelle contre le maire d'une commune de 167 habitants âgé de 75 ans.

Les attaques de maires par l'extrême droite ne sont pas encore des faits divers, mais elles pourraient bien le devenir. Après les attentats contre le maire de Saint-Brévin-les-Pins il y a un mois en réponse à sa décision d'ouvrir un centre pour migrants, qui avaient mené à sa démission, c'est désormais Christian Eurgal, le maire de Montjoi dans le Tarn-et-Garonne, qui est directement visé par une campagne délirante. En cause ? Sa décision de favoriser, dans le cadre d'un différend de voisinage, l'un des habitants de sa commune au détriment d'un autre, qui connaît le youtubeur.

Qui est Papacito ?

Si les monarchistes et les masculinistes ne sont pas franchement une denrée rare sur Internet en général et sur YouTube en particulier, Papacito, de son vrai nom Ugo Gil Gimenez, est, à n'en pas douter, l'une des têtes d'affiche en France. En effet, l'homme ne rate jamais une occasion de rappeler qu'il est d'extrême droite, et ses semblables ne s'y trompent pas : il a été invité à plusieurs reprises par le magazine Valeurs Actuelles ou encore Sud Radio, et a fait des collaborations sur YouTube avec des chaînes comme le Raptor dissident, spécialiste en diffusion de paniques morales, ou encore Code Reinho, qui est obsédé par les armes à feu.

C'est avec ce dernier qu'il réalise l'un de ses coups d'éclat : dans une vidéo depuis supprimée, les deux hommes décident de tester si « le gauchisme est pare-balles » avant de tirer sur un mannequin censé représenter un gauchiste, quelle qu'en soit la définition. Une vidéo notamment partagée (pour la dénoncer) par Jean-Luc Mélenchon. Papacito a également menacé ouvertement un journaliste du journal Libération qui avait enquêté sur lui.

Mais ce n'est pas seulement un provocateur qui se gargarise des indignations que provoquent ses innombrables sorties homophobes, racistes, nationalistes, ou globalement d'extrême droite. En 2018, il lance avec Le Raptor dissident, #MonteUneEquipe, initiative qui visait à rassembler des petits groupes de néonazis armés « au cas où ». Si les deux youtubeurs ont ensuite quitté le projet, celui-ci, pour info, existe toujours sous le nom de Vengeance Patriote et compterait environ 400 membres.

Pourtant, aucun réseau social n'a encore banni son compte, si ce n'est Twitter en 2021. Malgré l'amnistie générale lors de l'arrivée de Musk, Papacito n'y a pas fait son retour.

© Shutterstock
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Mais pourquoi s'attaque-t-il au maire d'un petit village ?

Il y a quelque mois, Christian Eurgal rend un arbitrage en faveur d'un des habitants de sa commune, au détriment d'un agriculteur. Malheureusement, ce dernier connaît Papacito, et fait appel à lui qui ne se fait pas prier. En novembre dernier, une vidéo d'une heure déformant la réalité est postée sur cette banale affaire par le youtubeur nationaliste, avec un résultat prévisible : le maire reçoit dès lors quotidiennement insultes et menaces de mort, et est placé sous protection policière.

Une protection qui montre ses limites puisque Papacito, accompagné de quelques-uns de ses amis, dont l'agriculteur concerné, rend visite au maire directement dans la mairie. Le youtubeur, sûr de son impunité, rend compte de tout cela dans une nouvelle vidéo de 42 minutes. L'édile y est longuement comparé à une fouine qu'il faut chasser et capturer. Dans un déluge de bon goût, la vidéo compte une scène dans laquelle une fouine géante en peluche est violée, tabassée, et laissée pour morte. Les rues du village, la façade de la mairie, ou encore celle du voisin ont été bien sûr aspergées de peinture et d'insultes.

Les deux vidéos comptent aujourd'hui plus de 500 000 vues chacune. Elles ont été postées respectivement il y a sept mois et trois semaines, et pourraient difficilement être des appels à la haine et à la violence plus explicites. Pourtant, elles sont toujours librement accessibles sur YouTube, malgré les règles de la plateforme d'une part, et surtout les six plaintes déposées par le maire de l'autre. Probablement parce qu'il n'y a pas trop de gros mots.