Validée par l'Association Française de Normalisation (AFNOR), la norme NF Z71-300 promet de revenir sur les problèmes d'un standard auquel nous sommes tous habitués, mais qui souffre de multiples limitations. L'AZERTY tel que nous le connaissons semble voué à disparaître... mais peut-on véritablement crier « vive l'AZERTY+ » ?
QWERTY, AZERTY et les autres...
Avant d'entrer dans le vif du sujet, un petit historique s'impose. En effet, invention anglo-saxonne, la machine à écrire est à l'origine des claviers que nous connaissons aujourd'hui. Au cours du XIXe siècle, plusieurs dispositions des touches ont cohabité jusqu'à ce que la marque Remington brevette la disposition QWERTY, en 1878.L'interprétation la plus communément admise est que cette nouvelle disposition devait permettre de limiter le blocage des tiges de métal en attribuant les touches les plus fréquemment utilisées dans la langue anglaise aux « barres de caractères ». On pouvait alors frapper plus rapidement sans risquer de blocages.
Dans la dernière décennie du XIXe siècle, une disposition dite AZERTY apparaît sur des machines à écrire commercialisées en France. L'origine exacte de cette variation est encore moins sûre que celle du modèle anglo-saxon QWERTY. Une chose est toutefois certaine : avec le temps, l'AZERTY s'est imposé auprès des professionnels de la saisie, les secrétaires notamment, sans qu'aucune normalisation ne soit réellement entérinée.
Aujourd'hui, l'AZERTY est la disposition la plus communément utilisée en France bien sûr, mais aussi en Belgique. En revanche, d'autres pays, pourtant francophones, utilisent des dispositions alternatives comme un QWERTY « adapté » au Québec ou le QWERTZ germanique en Suisse romande par exemple.
Anciennes, ces différentes dispositions ne tiennent pas compte des travaux réalisés en matière d'ergonomie.
Dès les années 30, la disposition Dvorak a été imaginée pour compenser les défauts du QWERTY. Par la suite, le Colemak, le Dvorak-FR ou le Bépo sont apparus, toujours avec le même objectif. Malgré le soutien d'un public chaque jour plus large, ces dispositions ne sont pas parvenues à supplanter les standards : QWERTY dans le monde anglophone, QWERTZ chez les germaniques et AZERTY en France / Belgique.
Dans ses derniers travaux, l'Association Française de Normalisation ne préconise d'ailleurs pas d'abandonner l'AZERTY, mais propose malgré tout une adaptation, une réactualisation...
La norme NF Z71-300 ou « AZERTY+ »
En 2015, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France - dépendant du Ministère de la Culture - formule un constat que beaucoup font déjà au quotidien : la norme AZERTY contraint l'écriture du français, des langues régionales et des langues européennes à alphabet latin. Il est donc décidé de reprendre cette fameuse disposition afin de la mettre au goût du jour et de prendre en compte ses lacunes.L'idée est ainsi de modifier les touches afin que tous les caractères nécessaires à la saisie de textes en français soient bien présents : on pense ici particulièrement aux fameuses majuscules accentuées, aux « æ » / « œ » et à ces guillemets français... tellement plus beaux que leurs homologues anglo-saxons.
L'intégration de « nouveaux » caractères n'est toutefois pas le seul apport de cette norme NF Z71-300 que l'on retient sous le nom d'AZERTY amélioré ou, plus simple encore, AZERTY+. La nouvelle disposition est aussi le résultat de recherches sur la manière de saisir du texte. Il n'est pas question de reprendre les bouleversements induits par le Bépo, mais d'apporter de plus subtils changements pour une frappe plus rapide.
Comme vous pouvez le voir sur l'image ci-dessus, certains caractères présents sur l'AZERTY « simple » ont été déplacés / regroupés. C'est ainsi le cas des guillemets anglais qui rejoignent leurs homologues français. Il en va de même pour certains caractères accentués... l'extraordinaire « ù » - présent dans un seul mot de la langue française, mais plus fréquent en breton ou en italien notamment - se retrouve plus logiquement associé au « u ».
Une petite vidéo de l'AFNOR pour bien comprendre le processus ayant abouti à l'AZERTY+
Un seul modèle de clavier disponible, le LDLC AZERTY+
Compte tenu des changements mineurs survenus entre l'AZERTY et l'AZERTY+, on peut espérer que de nombreux constructeurs adoptent rapidement cette nouvelle norme. De multiples produits pourraient donc voir le jour dans un avenir proche... mais à l'heure où nous publions ce dossier, un seul produit est disponible sur le marché français. Il est fabriqué en Chine sous les directives du revendeur hexagonal LDLC et, logiquement, distribué par ce dernier sur notre territoire. Nous nous sommes donc procurés un exemplaire afin de déterminer 1/ l'intérêt de cette nouvelle norme AZERTY+ et 2/ les qualités / défauts de ce premier modèle.Le LDLC AZERTY+, c'est :
- Type de clavier : membrane
- Anti-ghosting : non
- Rétroéclairage : non
- Prise en charge des macros : non
- Touches multimédias : oui, 8 raccourcis
- Poids : 534 g
- Dimensions : 45,6 x 15,6 x 2,4 cm
- Interface de connexion : filaire (1,5 m), USB 1.1 / 2.0
- Logiciel : non
- Prix et disponibilité : déjà disponible, à 12,95 €
Premier élément à bien prendre en considération, le LDLC AZERTY+ est un clavier d'entrée de gamme. Il ne s'agit pas non plus d'un modèle à destination des joueurs. Sans surprise, il n'intègre donc pas les fonctionnalités auxquelles nous pouvons être habitués, mais il convient de signaler dans la foulée qu'il est proposé à tout petit prix : à moins de 13 euros, il fait de la concurrence aux produits les moins coûteux que l'on peut retrouver chez n'importe quel vendeur... mais se montre plus moderne avec sa nouvelle disposition des touches.
Conception et fonctionnalités « basiques »
Le caractère « basique » de ce modèle est une évidence. Aucun effet de lumière « flashy » - pas de rétroéclairage du tout d'ailleurs - et aucune fonctionnalité exotique n'est visible : on se retrouve face à un « bête » clavier 105 touches, tout de noir vêtu. En réalité, il est élégant et fort discret. LDLC n'a en revanche pas cherché à réduire le volume du produit et, pleine largeur, il occupe près de 46 centimètres sur votre bureau. Si le poids est contenu (à peine plus de 500 grammes) et la hauteur des touches (moins de 2 millimètres) idéale pour une saisie au kilomètre, on regrette que le Français n'ait pas davantage insisté sur l'orientation « bureautique » de son produit.Nous aurions par exemple apprécié qu'un repose-poignets soit de la partie ou, plus intéressant encore, qu'il soit possible de régler l'inclinaison du clavier sur davantage que seulement deux niveaux (pieds aplatis ou relevés). Pas grand-chose d'autre à signaler du côté de la conception.
Sans grande surprise, LDLC a opté pour des contacteurs à membrane afin de limiter les coûts. Comme toujours sur cette technologie : la réactivité sera moindre, mais le silence est appréciable. Enfin, notons que le câble USB est de longueur standard (1,5 mètre), mais qu'aucun port USB passthrough n'est présent, il aurait permis le branchement d'une clé USB ou d'une souris par exemple.
Qu'en est-il de la frappe ?
Vous vous en doutez, nous n'allons pas véritablement juger ce LDLC AZERTY+ sur ses fonctionnalités... ou plutôt, nous mesurerons leur impact à l'aulne du prix de ce produit.En revanche, là où nous serons « sans pitié » c'est sur l'intégration et l'intérêt de cette nouvelle norme AZERTY+. En premier lieu, il convient d'ailleurs de préciser qu'elle n'est pas encore directement prise en charge par Windows 10. Ainsi, comme l'explique LDLC sur cette page très bien faite, il est nécessaire d'installer un petit pilote pour profiter de cette nouvelle disposition qui, après installation / redémarrage, est accessible comme n'importe quelle langue / disposition.
Voilà, c'est fait, notre clavier est prêt et l'AZERTY+ impressionne un peu avec toutes ces touches légèrement remaniées. Est-ce que nous allons retrouver nos petits ? Au premier coup d'œil, on est effectivement un peu décontenancés.
Cet article a été rédigé avec ledit clavier et les signes de ponctuation posent un premier problème : plus aucun n'est à la même place ! On fait des virgules à la place des points, des points-virgules à la place des points d'exclamation. Plus gênant, certaines lettres accentuées étaient déjà présentes sur l'ancienne disposition AZERTY, mais elles ont maintenant changé de place et, ce faisant, on tape des guillemets à la place de nos « à » et de nos « ç ». Pour une première prise de contact, c'est déroutant !
Dans les faits, on s'habitue assez rapidement, car les modifications ne portent que sur des caractères utilisés de manière occasionnelle. Il faut bien sûr que nos doigts réapprennent ce qu'ils avaient enregistré à force de pratique, mais en l'espace de quelques jours, c'est bon.
Il faut également souligner que l'on se fait très vite à la présence de tous ces caractères autrefois « manquants ». Bien sûr des logiciels de traitement de texte avaient pris l'habitude de corriger automatiquement nos « oe » afin d'obtenir de jolis « œ », mais les choses sont beaucoup plus élégantes avec la norme AZERTY+, plus rapides aussi... car généralement plus logiques.
On s'habitue vite à avoir la cédille directement sur la touche du « C » et la réunion des accents du « E » est une bénédiction.
Si, comme nous, vous êtes amateurs des majuscules accentuées, vous avez sans doute appris certaines des réjouissances de Windows avec ces combinaisons comme le Alt+0201 pour le « É » ou le Alt+0200 pour son alter ego « È ». Il suffit maintenant de comprendre - et d'apprécier - que ces majuscules accentuées se gèrent comme les accents circonflexes et trémas autrefois.
Tout n'est cependant pas encore parfait et nos traitements de texte ne sont par exemple pas au fait de ces nouveautés : ainsi, notre Word - encore néophyte - n'était de base pas capable d'ajouter d'espace insécable avec les guillemets français. Rien de dramatique.
LDLC AZERTY+ : l'avis de Clubic
Simpliste, peut-être un peu trop « plat » et sans doute pas assez réactif, le LDLC AZERTY+ est un premier prix qui paie évidemment son positionnement tarifaire. Impossible de demander au revendeur de nous sortir un modèle mécanique doté de contacteurs Cherry MX à moins de 15 euros. On en a ici pour notre argent et pour un modèle « rudimentaire » dédié à la bureautique pure, c'est un clavier finalement convaincant. Il est élégant, plutôt léger et la finesse des touches autorise une frappe rapide et confortable. L'essentiel en somme.L'intérêt principal de ce modèle réside évidemment dans sa compatibilité avec la norme AZERTY+. Passée la petite surprise de devoir installer un pilote spécifique (sous Linux, Mac OS ou Windows), il nous faut reconnaître l'excellence des modifications de cette nouvelle disposition. Premier bon point, nous n'avons pas été plus déroutés que cela par des changements qui ne concernent pas les lettres les plus utilisées. On fait d'abord plein de fautes sur les signes de ponctuation, les accents ou les caractères spécieux pour lesquels on avait - des années durant - appris à retenir les raccourcis. Mais ensuite, c'est un vrai bonheur.
Les nouvelles possibilités rentrent vite dans nos habitudes et on se surprend à ne plus réfléchir à ces anciens raccourcis. Quelques reproches peuvent être formulés et certains regretteront que le © soit associé à la touche « X » par exemple, mais ces détails restent à la marge.
Nous espérons maintenant que cette norme soit vite adoptée par les constructeurs afin que les utilisateurs n'aient pas à jongler longtemps entre deux dispositions, car, finalement, c'est le gros problème de l'AZERTY+ : on a encore assez peu l'occasion de la rencontrer !