Netflix ou le difficile équilibre entre technologies et contenus

Audrey Oeillet
Publié le 08 septembre 2015 à 13h05
On parle souvent de Netflix pour ses développements technologiques ou pour son catalogue, mais on se demande assez rarement si l'évolution des deux peut être liée. A l'occasion de l'IFA, nous avons pu discuter avec Neil Hunt, responsable de l'innovation produit.

Si Netflix ne possédait pas de stand à l'IFA, le géant de la SVOD était pourtant bien présent. Habitué de la reconstitution d'un environnement cosy, parfait pour binger des séries télé à la chaîne, Netflix a investi un loft pour planifier ses rendez-vous autour d'un téléviseur 4K sur lequel défilait le catalogue du service. Interlocuteur du jour : Neil Hunt, responsable de l'innovation produit chez Netflix, évoque les projets de la plateforme, mais revient également sur son actualité.

« Le piratage est inévitable »

Rien de tel pour entrer dans le vif du sujet que d'évoquer le récent piratage d'un épisode de Breaking Bad en Ultra HD. Pour parvenir à extraire du service une vidéo en 4K, les pirates du groupe ION ont dû contourner les sécurités mises en place par Netflix, qui n'étaient pas tombées jusque-là. « C'était inévitable » explique Neil Hunt. « Toutes les technologies finissent par être hackées un jour ou l'autre. C'est d'autant plus difficile de garder une recette secrète lorsque, comme nous, vous la distribuez à un grand nombre de constructeurs et autres partenaires. A un moment ou à un autre, il y a une fuite. Si ça n'avait pas été de cette manière, ça aurait été d'une autre : quelqu'un aurait filmé l'écran de télévision UHD avec une bonne caméra 4K et l'aurait mis sur Internet.»

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La fuite est admise et assumée. La réponse ? Elle est assez prévisible : « Pour lutter contre ça, je pense qu'il faut continuer de proposer du contenu de qualité en grande quantité, rapidement et à un prix accessible. » Et faire la course avec les hackers pour colmater les brèches : seul un épisode de Breaking Bad en 4K est passé à travers les mailles du filet. Quand on sait qu'aujourd'hui, la totalité des séries exclusives à Netflix sont tournées dans ce format, l'enjeu est de taille. « Ça ne nous fait pas plaisir de voir notre contenu volé, mais c'est difficile à éviter » conclut Hunt sur ce point.

« Il faut convaincre les producteurs de contenus »

Assurément, l'Ultra HD est le fer de lance de Netflix pour 2015. C'est déjà une réalité au sein du catalogue du service, qui accueille désormais la très grande majorité de ses séries maison en 4K. Le HDR fait également partie des innovations sur lesquelles travaille le service : destiné à délivrer des couleurs d'une précision jusque-là jamais vue, cette technologie n'est encore que peu répandue au sein des téléviseurs présents sur le marché. Bien que les produits compatibles se comptent actuellement sur les doigts d'une main, Netflix compte miser sur le HDR dans les prochains mois.

Pour la suite, ça se complique un peu, et pas forcément d'un point de vue technologique. L'exemple du HFR est assez probant : « C'est l'une de nos prochaines étapes. Mais aujourd'hui, le HFR reste confidentiel et se retrouve souvent au cœur de débats : on l'a vu avec Le Hobbit, qui a été tourné en 48 images par seconde au lieu de 24. "Ça ressemble à une vidéo de vacances, pas à du cinéma", c'est le genre de réactions qu'on a pu voir lorsque les films sont sortis. »

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Netflix, partenaire de nombreux constructeurs de téléviseurs et qui mise en permanence sur l'innovation, pourrait-il être frileux vis-à-vis du HFR ? « Le challenge, c'est de rendre à la fois l'expérience intéressante pour les spectateurs, mais également et en premier lieu, pour les créateurs de contenus qui voudraient utiliser le HFR pour réaliser du contenu télévisuel. »

« Techniquement, nous pourrions travailler dessus dès maintenant, mais c'est du côté du contenu qu'il y a un manque à l'heure actuelle » ajoute Neil Hunt sur ce point. Comme souvent dans le secteur de la télévision, un matériel à la pointe est inutile si l'on n'a rien à se mettre sous la dent pour l'utiliser. L'arrivée des premiers « vrais » Blu-ray Ultra HD sur le marché en 2016 changera peut-être la donne.

Derrière l'image, le débit

L'Ultra HD est donc la priorité de Netflix, on l'a bien compris. Mais produire et diffuser du 4K est une chose, et permettre au plus grand nombre d'en profiter en est une autre. Aujourd'hui, disposer d'une télévision Ultra HD ne signifie pas pour autant qu'on puisse y visionner des programmes 4K chez Netflix, si l'on n'a pas la connexion qui permette de streamer le contenu.

Et sur ce point aussi, Netflix cherche à s'améliorer. « Il faut un débit compris entre 15 et 17 Mbps pour streamer du 4K. Si vous comparez avec les chiffres qu'on donnait l'année dernière, vous constaterez qu'ils ont un peu baissé. » En vérité, lors du lancement de Netflix en France en septembre 2014, le vice-président de la communication Europe du service, Joris Evers, nous avait annoncé un débit de 16 Mbps.

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Netflix cherche à améliorer la compression de ses vidéos, mais il ne faut pas s'attendre à un miracle : « On peut s'améliorer mais ça ne sera jamais radical. » Neil Hunt met le doigt sur un point qui n'est pas forcément connu de tous : « Il faut également savoir que la difficulté à compresser les vidéos dépend aussi du contenu. L'animation, par exemple, Bojack Horseman, est plus simple à compresser parce que l'image est simple. Une série avec des expositions, du feu, de la fumée... est plus difficile à compresser. » Regarder Archer en 4K est donc moins gourmand que visionner Marco Polo.

Toujours plus grand

L'évolution la plus notable de Netflix est prévue dans le salon : si le service compte mettre à jour prochainement l'interface de ses applications sur tablettes, après avoir actualisé la version Web et la version télé, rien n'est prévu pour rafraîchir la version pour smartphones. Ce n'est de toute façon pas sur une telle plateforme que Netflix compte pousser ses innovations, et ce n'est pas l'arrivée d'un smartphone avec un écran 4K chez Sony - le Xperia Z5 Premium - qui changera la donne.
Comme beaucoup de technophiles, Neil Hunt ne voit pas l'intérêt de disposer d'un aussi petit écran 4K. « Je ne suis absolument pas certain qu'on puisse vraiment profiter de l'Ultra HD sur un écran de 10 cm. Si on se base sur la manière dont l'œil fonctionne, c'est déjà très discutable. Je peux y voir un intérêt si l'on branche le smartphone sur un téléviseur. »

Au passage, Netflix n'a toujours pas de plan visant à proposer une version hors-ligne de ses contenus, comme le fait notamment CanalPlay, ou Amazon depuis peu. L'avenir, Netflix le voit avant tout dans le salon très cosy dans lequel il nous convie à chaque rencontre, même s'il n'exclut pas de s'essayer à d'autres supports à l'avenir, notamment les casques de réalité virtuelle : « La question à se poser concerne la manière dont on pourrait raconter une histoire à travers ce type d'écran. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous devrions réaliser beaucoup d'expériences pour le comprendre. »
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