Les membres de l'ISO, organisme international de standardisation, ont finalement décidé d'accorder leur aval au format Office Open XML (OOXML) de Microsoft, qui deviendra de fait une norme internationale une fois finalisé, sous la référence ISO 29.500. Open XML a finalement reçu 75% de votes positifs parmi les membres « P » du comité de normalisation de l'ISO, contre 14% de votes négatifs. L'Afnor, agence française de normalisation, a pour sa part décidé de s'abstenir de voter, six mois après avoir remis un avis négatif assorti de nombreux commentaires lors de la précédente consultation. Cette abstention soulève une légitime interrogation : pourquoi l'Afnor a-t-elle choisi la voie médiane, au lieu d'accorder sa voix à un projet de norme qu'elle aurait jugé valide ou au contraire de le refuser en bloc ?
La question revêt d'autant plus d'importance qu'en Norvège, par exemple, s'élèvent des voix qui dénoncent les conditions du scrutin au niveau national, et affirment que le vote finalement rendu ne reflète pas l'opinion de la majorité des membres concernés. En France, certains comme l'April (Association de promotion et de recherche pour le logiciel libre) estiment que des pressions ont été exercées au sein de la commission chargée d'étudier le cas Open XML. « Quelques heures donc avant la clôture du vote, la Direction Générale des Entreprises (DGME) et la Direction Générale de la Modernisation de l'Etat (DGE) ont changé de position et sont passés du non à l'abstention, sans fournir de réelles explications », affirme ainsi l'April.
Interrogée, l'Afnor réfute ces allégations et affirme que le scrutin n'a pas été perturbé. Elle refuse par ailleurs de commenter l'information selon laquelle la Commission européenne aurait ouvert une enquête à ce sujet.
De l'inconvénient d'une procédure d'urgence...
En septembre 2007, Microsoft, soutenu par l'Ecma, un organisme industriel de normalisation européen, soumet une première fois son format à l'ISO. Open XML ne recueille pas les suffrages nécessaires à son approbation, et plusieurs milliers de commentaires techniques sont déposés, notamment par l'Afnor. L'Ecma et Microsoft élaborent alors leurs réponses aux objections formulées, et soumettent ces dernières pour un nouvel examen le 29 février dernier. Les différents membres de l'ISO ont alors un mois pour étudier cette nouvelle documentation et décider s'ils se prononcent pour ou contre la normalisation de ce format. La majorité des votants approuve, tandis que l'Afnor s'abstient.
« La procédure d'urgence ne convient guère à l'examen d'un texte de plusieurs milliers de pages », admet Olivier Peyrat, directeur général de l'Afnor. « Le non n'était plus vraiment tenable au vu des avancées consenties », constate pour sa part Frédéric Bon, président de la commission de normalisation de l'Afnor. « alors que le oui se révélait encore problématique, dans la mesure où nous n'avons pas encore les spécifications finales du format ». L'Afnor a donc opté pour une « abstention motivée et documentée ».
L'agence confirme par ailleurs la réception, dans les derniers jours précédant la clôture des débats, de trois documents dont on pourrait penser qu'ils ont eu un impact sur la décision finale. Le premier est une lettre de Microsoft France, tandis que le second est une prise de position officielle en faveur d'Open XML de la part du fabricant américain . Le troisième émane de Patrick Durusau, qui contribue aux évolutions du standard concurrent, ODF, au sein de l'Oasis (Organization for the Advancement of Structured Information Standards). Sans vraiment appuyer la normalisation d'Open XML, ce dernier indique qu'un rejet au niveau de l'ISO risque de se révéler contre-productif au niveau de l'interopérabilité.
Deux standards bientôt intéropérables ?
« A l'origine, ODF et Open XML ont été créés avec des objectifs différents. Il n'est donc pas invraisemblable qu'il y ait deux normes différentes », commente pour |clubic|Clubic.com|fin||neteco|Neteco.com|fin| Bernard Ourghanlian, directeur technique chez Microsoft France. « Ce qui compte maintenant, c'est de parvenir à la meilleure interopérabilité possible. Des propositions concrètes allant dans ce sens ont déjà faites ». Le DIN, équivalent allemand de l'Afnor, a d'ores et déjà proposé la création d'un groupe de travail visant à améliorer cette interopérabilité, auquel l'agence française envisage effectivement de collaborer.
En septembre dernier, l'Afnor proposait que l'éventuel standard Open XML soit décomposé en deux parties principales : un « coeur », comportant l'essentiel des spécifications du format, et un ensemble d'extensions destinées à garantir la compatibilité ascendante avec d'autres formats. Cette séparation devrait selon l'Afnor être maintenue, avec un « Open XML Strict », destiné à la création de nouveaux documents, et un « Open XML Transitional » pour les conversions et problèmes d'interopérabilité ; une dichotomie qui n'est pas sans rappeler celle que l'on observe avec le langage HTML et son évolution, le xHTML...
Les futures évolutions du format sont maintenant entre les mains de l'ISO, qui devrait fournir dans les prochains jours un document relatif à ses spécifications finales à ses différents membres. Comme avec le standard C# en son temps, Microsoft ne s'interdit toutefois pas de soumettre des propositions d'évolution à l'ISO par l'intermédiaire de l'Ecma.