Parmi les acteurs de l'internet les plus actifs sur ce sujet, le groupe américain eBay a profité du salon ad:tech, organisé la semaine dernière à Paris, pour publier les conclusions d'une étude Nielsen sur ... ses vendeurs « professionnels ».
Selon eBay, plus de 35 000 personnes exerceraient en effet une activité professionnelle sur sa plate-forme. « Cette étude a mis en avant le fait qu'eBay a permis de révéler de véritables vocations d'entrepreneur » se félicite le groupe qui indique par ailleurs que 30% d'entre eux sont d'anciens particuliers, 26% d'anciens chômeurs et 14% seraient même handicapés...
Un discours « citoyen » de la part d'eBay qui masque néanmoins l'épineuse question du paracommercialisme, une pratique dénoncée successivement par le forum des Droits de l'Internet puis par la Fevad et qui permet à certains vendeurs professionnels de se cacher derrière un statut de particulier pour éviter d'avoir à assumer certaines obligations. Outre l'enregistrement au registre du commerce, le paiement de charges sociales ou encore le recouvrement de la TVA, un vendeur professionnel doit par exemple respecter un délai de rétractation de 7 jours pour ses clients, un obligation qui ne s'applique bien évidemment pas aux vendeurs particuliers.
« La frontière entre les deux statuts n'est pas toujours très claire. Selon les termes de la loi de confiance dans l'économie numérique, une activité commerciale peut être qualifiée de professionnelle dès lors qu'elle est régulière et qu'il y a un acte d'achat puis une revente avec l'intention d'en faire un profit » rappelle Benoit Tabaka, Directeur Juridique de PriceMinister, à l'origine d'une charte de confiance signée par les principales plates-formes CtoC.
« Nous n'avons ni l'obligation, ni la possibilité de savoir si un vendeur particulier est en réalité un professionnel. C'est un faisceau d'indices comme la régularité des ventes, l'intention d'en faire un profit et l'usage de services professionnels comme ceux de la Poste » ajoute Aymeric Chotard, Directeur de 2xMoinsCher.com, une plate-forme sur laquelle les professionnels représentent déjà plus de 35% du chiffre d'affaires et 50% des produits en vente.
Un cadre juridique qui permet à un vendeur ponctuel de Ferrari de conserver son statut de particulier (même si sa plus value peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros) mais qui pourrait requalifier une modeste vendeuse de bijoux (ne générant que quelques centaines d'euros par mois) mais dont l'activité serait néanmoins à caractère commercial.
« Chez PriceMinister, nous identifions les vendeurs avec un fort volume de vente et nous les invitons à s'enregistrer comme des professionnels en leur rappelant que c'est leur intérêt puisqu'ils peuvent ainsi récupérer la TVA » explique Benoît Tabaka, une plate-forme disposant pour sa part environ 10 000 vendeurs professionnels.
Revendiquant le statut d'hébergeur et non celui de tiers de paiement malgré la présence de Paypal dans son groupe, eBay a néanmoins décidé de prendre ses responsabilités sur cette question. « eBay France lutte activement contre le paracommercialisme en invitant les vendeurs professionnels à rejoindre le programme PowerSellers et en multipliant les actions pédagogiques pour les inciter à le faire. Nous nous sommes également rapprochés du greffe du tribunal de commerce pour simplifier l'enregistrement de ces commerçants. Mais nous pensons néanmoins que la définition retenue dans le code du commerce n'est pas toujours adaptée à nos vendeurs, dont certains ne sont pas commerçants mais artisans. Nous nous associons donc aux préconisations du rapport Attali ou à celles de celui de François Hurel, qui recommandent la création de l'auto-entrepreneur, un statut qui pourrait être officialisé dans la prochaine loi de modernisation de l'économie » explique Alexandre Menais, Directeur des affaires publiques et juridiques de eBay France.
Un statut de l'auto entrepreneur inspiré du « self employment » mis en place aux Etats-Unis et qui permettrait non seulement de simplifier l'enregistrement ou les déclarations du travailleur indépendant mais également de sécuriser ce statut, tant vis à vis du client (pas de requalification en salariat) que du fournisseur (protection du patrimoine personnel). « Avec ce nouveau statut, nous voulons dépasser le dogme du salariat et changer la perception du travail. Plutôt que de permettre aux 24 millions de salariés de s'adresser au 1,2 millions d'employeurs, nous pensons qu'il est plus pertinent qu'ils s'adressent aux 63 millions de consommateurs français » explique François Hurel.
Reste à savoir si ce statut, attendu pour la fin de l'année 2008, réglera la question du paracommercialisme, une pratique à l'origine de nombreux incidents sur les plates-formes CtoC et qui pourrait également compliquer l'activité de nombreux sites proposant des revenus créatifs ou marketing aux internautes.