D'après le site de l'hebdomadaire Le Point, le cybermarchand Cdiscount aurait l'intention d'ouvrir, dès le 1er septembre prochain, un service de vidéo à la demande (VOD) gratuit, où les contenus seraient financés par la publicité. Il permettrait donc de consulter contenus TV et longs métrages sans bourse délier, la seule contrepartie étant pour l'internaute d'accepter un écran de publicité de trente secondes avant et après sa vidéo, ainsi que l'incrustation permanente du logo d'un annonceur dans l'un des coins de son lecteur multimédia.
Inédite en France, l'initiative n'est pas sans rappeler le portail Hulu.com, où les Américains peuvent depuis mars dernier consulter gratuitement plusieurs centaines de séries TV et de films. La gratuité chamboulera-t-elle les canaux traditionnels de distribution, et la sacrosainte chronologie des médias ?
La gratuité a un prix
En juin dernier, Les Echos évoquaient déjà la possibilité d'un accord entre Cdiscount et les studios UGC en vue du lancement d'un tel service. En pratique, la filiale du groupe Casino a sans doute mûri son projet de longue date : il lui faut en effet négocier au cas par cas des accords de distribution avec les ayant-droits, dénicher un prestataire capable d'assurer la diffusion des contenus dans une qualité correcte tout en garantissant une protection contre la copie, ou réaliser cette dernière opération en interne. Enfin, il lui faut réussir à financer ce service, et donc convaincre des annonceurs de consentir quelques investissements.
Officieusement, Cdiscount tablerait sur une audience potentielle de 400.000 consultations par semaine, qui devrait se révéler suffisante pour attirer quelques grandes marques, lasses des tarifs appliqués par les chaînes de télévision à leur écrans de publicité, et désireuses de profiter des bienfaits du Web en termes de ciblage et de calcul du retour sur investissement.
Dans un premier temps, l'offre serait, selon le document que s'est procuré Le Point, limitée à quatre films par mois, soit une mise en avant par semaine. Les premiers titres mentionnés, Un secret, de Claude Miller - 2007 ou Le Grand Alibi, de Pascal Bonitzer - 2008, risquent toutefois de ne pas déchaîner les foules.
La chronologie des médias en question
La chronologie des médias implique en théorie qu'un film voie d'abord le jour au cinéma. Viennent ensuite la parution en DVD (six mois), la vidéo à la demande (33 semaines), la télévision payante, puis les chaînes de télévision gratuite. Ce dispositif, vieux de 25 ans, est censé garantir une juste répartition des revenus suscités par les vidéos pour chacun des maillons de la chaîne, mais intervient également dans le financement du cinéma français. Récemment révisé pour prendre en compte la vidéo à la demande, ce schéma n'envisage toutefois pas le cas où cette dernière est gratuite, et Cdiscount serait donc en mesure de proposer à la consultation gratuite des films avant même que ces derniers n'aient été diffusés sur les canaux payants, donc Canal +. La chaîne, contrainte de consacrer une part importante de ses recettes à financer le cinéma français, ne verrait donc pas d'un très bon oeil cette intrusion.
Aucun des intéressés n'a pour l'instant communiqué sur le sujet.