Bertrand Diard, co-fondateur et président directeur général de Talend, éditeur français de logiciels open source d'intégration de données (ETL) qui vient de lever 12 millions de dollars, s'exprime sur les atouts des modèles « alternatifs » à l'heure de la crise économique.
AB - Bertrand Diard, bonjour. Après avoir levé 2,1 millions d'euros en mai 2006, Talend, jeune éditeur français de solutions open source d'intégration de données présent aux Etats-Unis, vient de lever 12 millions de dollars auprès de Balderton. Quels ont été les arguments de la société pour séduire un investisseur à l'heure de la crise financière ?
BD - Cette levée de fonds représente une étape importante pour Talend. Nos deux premiers tours de table, réalisés respectivement en mai 2006 et mai 2007, nous ont permis respectivement de déployer notre solution de manière globale, en faisant de Talend Open Studio l'outil d'intégration de données le plus utilisé au monde (3,3 millions de téléchargements), et de confirmer notre capacité a transformer nos téléchargements en clients et générer du business (plus de 400 clients payants à ce jour).
Nous avons mis en place l'organisation pour mettre en œuvre nos opérations et nos ambitions en terme de business. C'est en partie ce track record qui a convaincu les investisseurs, mais aussi la capacité et la maturité du modèle open source, capable de répondre aux besoins les plus pointus des directions informatiques d'entreprises de toute taille.
Aujourd'hui, l'intégration de données n'est pas optionnelle. Elle permet d'exploiter au mieux le capital "données" de l'entreprise et d'optimiser les processus. Et l'open source a fait ses preuves dans tous les segments du système d'information: maintenant les DSI regardent avant tout les fonctionnalités et le retour sur investissement des solutions qu'ils choisissent. Pour conclure sur ce point, les investisseurs ont vu en Talend la capacité à construire une société qui va redistribuer les cartes de son marché en s'y positionnant comme leader.
AB - Comment a évolué l'offre et l'activité de la société depuis sa création il y a moins de trois ans ?
BD - Que ce soit notre offre ou nos opérations, nous avons grandi par étapes, mais rapidement. Nous avons commencé par lancer en octobre 2006 le premier outil open source d'intégration de données, Talend Open Studio. Très vite, nous avons complété cette offre avec une solution Software as a Service, Talend On Demand, et avec la version "entreprise", Talend Integration Suite, qui rajoute à Talend Open Studio des fonctionnalités de support des déploiements "mission critical" d'entreprise et une offre de support technique de haut niveau. Enfin, il y a 6 mois, nous avons introduit sur le marché la première offre open source de qualité de données avec Talend Open Profile et Talend Data Quality. Du point de vue des opérations, nous sommes aujourd'hui déployés en France, aux US, en Allemagne, en Angleterre, au Benelux et en Chine. Talend compte aujourd'hui plus de 100 collaborateurs.
AB - Les grands cabinets d'études, de Jupiter Research à Gartner, tablent sur une baisse des investissements IT en 2009. Les acteurs du logiciel open source peuvent-ils sortir leur épingle du jeu dans une période troublée ?
BD - L'open source permet d'optimiser la rentabilité des investissements informatiques. D'un scepticisme bienveillant il y a 2 ans, les DSI sont passés aujourd'hui à une considération active des solutions open source pour les accompagner dans l'optimisation de leurs budgets. L'apparition des éditeurs open source structurés comme Talend a aussi beaucoup fait pour renforcer la position de l'open source dans l'entreprise. A niveau de performance et de fonctionnalités équivalent, il est clair que les solutions open source sont plus souvent considérées que leurs contreparties propriétaires.
Le marché en 2009 va être vraiment compliqué et c'est dans ce type de situation que se font des remises en question profondes pour toutes les entreprises. Les DSI vont reconsidérer en détail toutes les lignes de dépenses de leurs fonctions. Nous allons donc mécaniquement, grâce à notre position reconnue comme une solution d'optimisation des couts, augmenter le nombre de sollicitations par des clients potentiels. Notre challenge sera de finir de les convaincre de notre proposition de valeur et pour ça, faites nous confiance, nos équipes sont de plus en plus affûtées pour adresser ces sujets.
AB - Open source et SaaS sont-ils une réponse crédible à la crise que traverse le secteur aujourd'hui ?
BD - Soyons pragmatiques : les modèles en rupture sont toujours plus sollicités dans une période de crise. Et puis aujourd'hui je préfère être dans la position où notre solution se trouve en terme de prix, c'est-à-dire une infime partie du prix de nos concurrents comme Informatica, IBM ou Oracle. Pour renforcer ce point, l'open source et le SaaS apportent aussi au DSI de nouveaux moyens d'acheter et de déployer leurs logiciels, leur offrant notamment plus de souplesse et une meilleure adéquation aux besoins. Les entreprises ont besoin de choix et de flexibilité, et ne pas se faire dicter leurs besoins par les grands éditeurs propriétaires.
L'open source présente aujourd'hui une alternative réelle et crédible, et aide les DSI à mieux gérer leur budget en période de crise. Nous allons beaucoup travailler en 2009 et profiter de ce contexte pour accélérer notre croissance et prendre des parts de marché. Nous avons tous les ingrédients à tous les niveaux pour réaliser nos ambitions.
AB - Bertrand Diard, je vous remercie.