La loi française, qui encadre plus strictement les locations Airbnb, se heurte à l'ingéniosité numérique des propriétaires, qui développent de vraies stratégies d'évitement. Ce qui occasionne une bataille entre particuliers et municipalités.

En novembre dernier, la France adoptait une réglementation visant à freiner la prolifération des locations de type Airbnb dans les zones tendues. Six mois plus tard, le constat est sans appel. Les propriétaires multiplient les stratégies d'évitement grâce à la technologie et aux failles juridiques. Des classements en étoiles aux fausses résidences principales, en passant par le détournement du bail mobilité, voilà autant de méthodes qui défient les municipalités qui, elles, attendent une solution numérique européenne prévue pour 2026.
Quand les propriétaires deviennent experts en optimisation réglementaire
Prenons la direction de Strasbourg, où la tendance est au classement des biens en étoiles, comme nous l'apprend l'AFP via L'Écho Touristique. Cette procédure, à l'origine conçue pour les hôtels, offre un abattement fiscal plus généreux et une taxe de séjour réduite. Simple et efficace, l'astuce parfaitement légale est même encouragée par certaines plateformes, qui y voient un argument commercial pour attirer de nouveaux hôtes.
Plus risquée mais répandue, la stratégie des « fausses résidences principales » permet d'échapper à l'autorisation de changement d'usage. À Paris, où la mairie exige la création d'un nouveau logement en compensation, cette pratique frauduleuse prend de l'ampleur. Sans outils technologiques adaptés, les municipalités ont toutes les peines du monde à identifier ces déclarations mensongères, qui alimentent la crise du logement.
Parlons ensuite du « coliving ». Cette forme de logement partagé où chacun peut louer une « chambre privée » par exemple devient aussi un prétexte commode. À Marseille, les demandes pour ces colocations premium « explosent », selon Patrick Amico, adjoint au maire en charge du logement.
Mais attendez, il y a encore plus astucieux ! Avez-vous déjà entendu parler du détournement du bail mobilité ? Huit mois de location aux étudiants, suivis de quatre mois ultra-rentables en location touristique pendant la haute saison. Une combinaison particulièrement prisée pendant le festival d'Avignon, notamment !
La contre-offensive numérique des villes françaises
Le tableau n'est pas complètement noir, et la législation a permis de décrocher quelques victoires. Les propriétaires ne peuvent par exemple plus se cacher derrière des sociétés civiles immobilières (SCI) ou des conciergeries, désormais soumises aux mêmes règles. Quant au plafonnement à 90 nuitées par an, il fait hélas l'objet de plusieurs contournements en ligne, avec des annonces multiples, des locations hors plateformes ou de fausses chambres chez l'habitant.
L'espoir des municipalités repose désormais sur une plateforme numérique européenne prévue pour mai 2026. L'interface offrira, en théorie, un suivi précis des locations, avec des informations comme le nombre de nuitées, le portefeuille des propriétaires et le type de résidence. « Cette plateforme va nous permettre d'agir concrètement et d'améliorer notre travail de contrôle », anticipe la conseillère à la mairie de Paris Barbara Gomes.
Airbnb, de son côté, adopte une posture conciliante en affirmant « soutenir le règlement européen » et communiquer « déjà un large éventail de données aux communes ». La plateforme assure que ces outils « permettront aux autorités locales de disposer des données nécessaires tout en préservant les opportunités économiques » du secteur. Une guerre d'algorithmes qui ne fait que commencer.
18 avril 2025 à 08h19