Entre respect de la vie privée et espace de liberté, quel avenir pour le Web de demain? Une nouvelle fois, le débat se pose. Avec le licenciement, en février, d'un surveillant accusé « d'incitation à la haine (...) à partir de documents vidéo en ligne (...) », la question de la maitrise de l'e-identité revient sur le devant de la scène.
Une étude de l'école d'informatique Epitech* révèle que 95% des internautes sont conscients de laisser des traces sur le Web. 94% d'entre eux sont même conscient qu'il est possible d'espionner les échanges qui s'y déroulent. Une conviction à laquelle Julien Combe ne semble pas avoir adhéré. Ce surveillant de 32 ans avait pris l'habitude de diffuser des sketchs sur le site Dailymotion. Malheureusement pour lui, son employeur à découvert ces vidéos et l'a licencié pour « incitation à la haine et à la violence à partir de documents vidéo en ligne sur Internet (...) ». L'une des vidéos, encore en ligne et d'une durée de 5 minutes, le montre interprétant un personnage exaspéré par le bruit des gens participant à la Féria de Nîmes, avec en main de la dynamite et une kalachnikov (factice). Une attitude « (...) incompatibles avec l'exercice d'une fonction éducative au sein d'un établissement public local d'enseignement », explique le lycée Albert-Camus de Nîmes.
« Si un élève, par hasard, regarde ces images et le lendemain voit ce même homme lui faire un reproche sur l'autorité, ce n'est pas possible, a d'ailleurs affirmé au Post.fr l'inspecteur d'académie du Gard. Tandis que Julien Combe considère, lui, que «c'est une atteinte intolérable à (sa) vie privée (et) à (ses) opinions politiques ».
Cet accrochage met à nouveau en lumière le flou régnant au sein de la toile sur ce sujet. En effet, selon l'Epitech, alors que 46% des internautes déclarent ne pas s'inquiéter des traces laissées, 56% ne pas se sentir espionnés et 49% ne pas adapter leur comportement, de plus en plus d'employeur passent par la case Google pour préparer une embauche. Ainsi, aux États-Unis, alors que 70% des personnes postulent via Internet, plus de 50% d'entre eux ne seraient pas choisis pour cause de « mauvaise réputation virtuelle ». Une tendance en progression en France.
Car, paradoxalement, malgré une conscience aigüe de la possibilité d'être espionnés, les internautes sont un peu plus de 60% à refuser un renforcement de la sécurité au prix d'un affaiblissement du droit à la vie privée et 78,6% à trouver inacceptable une intrusion de l'État, dans les échanges électroniques. Malgré tout, 79,9% d'entre eux pensent que les nouvelles technologies risquent de mener, à terme, à un filtrage automatisé et généralisé de l'ensemble de la population.
« Aucun canal de communication n'est inviolable. Face à l'étendue de la gamme de prédateurs présents, c'est à chacun de faire attention aux informations semées sur sa personne, informations qui alimentent directement un écosystème de données susceptibles un jour de nous nuire », explique Nicolas Sadirac, directeur de l'Epitech. « Ce qu'il faut retenir, c'est que chacun doit être un acteur responsable dans sa propre navigation et faire preuve, en permanence, de vigilance, au risque d'en subir un jour les conséquences. Entre la paranoïa et la diabolisation d'Internet, il existe un juste milieu. Finalement, le seul vrai moyen de vraiment se protéger serait de renoncer aux facilités de la vie moderne. Mais sommes-nous véritablement prêts à y renoncer ? »
Reste une solution. Un marché en pleine expansion : celui du « nettoyage deréputation virtuelle ». Aux États-Unis, ClaimID, ReputationDefender ou encore Trust Plus sont déjà sur le pont. Ces entreprises proposent des abonnements mensuels pour identifier et éliminer toutes les informations embarrassantes concernant un utilisateur, effacer les informations des banques de données (Facebook, Myspace...), les informations bancaires (traces des cartes de crédit) ou encore construire une réputation en ligne toute neuve. Il devient ainsi possible de maitriser son identité virtuelle.
Crée il y a deux ans, ReputationDefender surfe sur la vague d'un vide juridique en matière de diffamation et de violation de la vie privée sur Internet. La société réalise un chiffre d'affaires approchant les 17,5 millions d'euros pour 5,5 millions de bénéfices environ. Un ratio impressionnant qui démontre le potentiel de ce marché encore naissant. Reste à savoir où situer la limite entre censure et liberté, sur ce média qui, il y a encore peu était considéré comme insaisissable.
*Étude réalisée, entre le 10 et le 26 janvier, auprès de 1032 personnes, toutes catégories socioprofessionnelles confondues (parents d'élèves, étudiants, anciens élèves et entreprises partenaires).
MAJ : pour aller plus loin, le dossier e-réputation des infostrateges.com