Sur la forme, les responsabilités techniques liées à la suspension de l'abonnement à Internet ne semblent pas insurmontables, a estimé Xavier Niel : « On peut le faire, mais c'est une question de prix ». Selon lui, couper l'accès à Internet sans pénaliser téléphonie et télévision sur IP impliquerait la mise en place d'équipements spécifiques au niveau des DSLAM, et pourrait représenter des charges importantes, de l'ordre d'une centaine d'euros par abonné.
Le ministère de la Culture affirme quant à lui que la facture se monterait, au global, pour les différents acteurs concernés, à 60 ou 70 millions d'euros. Quel que soit le coût, « on doit indemniser les charges des FAI », a sobrement rappelé le président d'Iliad.
« Sur le fond, on pense que cette loi est une bêtise. Ce sera une loi mal appliquée, qui risque de couper d'Internet des personnes qui ne sont pas de grands délinquants », a-t-il ajouté, sur un ton nettement plus virulent. « Les modes de fonctionnement du piratage ont évolué, avec le streaming, les newsgroups ou le téléchargement sur des réseaux P2P chiffrés. Il y a des dizaines de situation différentes, et là on ne s'occupe que d'une seule, qui n'est plus adaptée ».
Dépourvue de sens économique, puisque ne promouvant pas l'offre légale, « cette loi risque de créer une scission entre les gens qui connaissent Internet et ceux qui ne le connaissent pas », a estimé X. Niel. « Pourquoi ne pas couper l'électricité, puisqu'elle sert aussi à pirater, ou confisquer les ordinateurs. Et pourquoi pas brûler les voitures qui sont mal garées ? ».
« C'est une volonté présidentielle, et personne ne veut vexer », a encore laissé entendre Xavier Niel, avant de souligner que si Internet n'était pas une nécessité première pour le Français d'aujourd'hui, les opérateurs télécoms subiraient peut-être plus durement les effets de la crise économique.
Très en verve, Xavier Niel s'est toutefois montré moins éloquent à l'heure de proposer une alternative au projet de loi actuel. Insistant sur l'« éducation », le fondateur d'Iliad n'a pas évoqué les projets de licence globale ou licence collective défendus par certains députés de l'opposition. « Il y a sans doute un intermédiaire à trouver. Une amende de première catégorie, de 11 euros, qui servirait d'avertissement, serait sans doute plus adaptée », a-t-il finalement laissé tomber.