Plus que jamais le marché du stockage semble entrer dans une profonde mutation qui s'explique à la fois par des évolutions technologiques, une évolution des attentes des entreprises et un contexte économique toujours plus tendu. Les conditions du marché sont donc réunies pour une rupture. Cette conjonction d'éléments est à la base de l'émergence et de la croissance du Cloud Storage ou stockage hébergé, qui se développe pour les PME et prend la forme de Cloud Storage privés pour les grandes entreprises.
D'un point de vue factuel, un premier élément expliquant cette évolution tient à des aspects économiques. En effet, le matériel de stockage constitue une part importante de la dépense informatique des entreprises et la crise augmente la pression sur les budgets. Notons que le stockage peut représenter à lui seul plus de 20 % des dépenses informatiques globales. De plus, bien que le coût au Go baisse les besoins augmentent à la même vitesse car le volume de données continue à croître. IDC estime que le volume des informations créées, saisies et répliquées devrait sextupler d'ici à 2010 pour atteindre un total mondial de 988 exaoctets (milliards de gigaoctets).
La raison de cette croissance est « l'effet Google » : plus besoin de calculs ou de modèle complexe pour répondre à une question quand on dispose d'une énorme masse d'information sur le sujet. L'accumulation de données et l'effet statistique tend à remplacer la réflexion, phénomène qui a été abondamment décrit par Doug Anderson dans son article « The Petabyte Age » (voir http://www.wired.com/science/discoveries/magazine/16-07/pb_intro). Donc les entreprises stockent, conservent, archivent.
Au delà de ce premier facteur de croissance des données, il est également nécessaire de prendre en compte les éléments liés à l'administration du stockage. Celle-ci est en effet beaucoup plus coûteuse que le stockage lui-même. Ainsi, on estime que pour 1 euro de stockage, on dépense 5 à 10 euros par an en administration. Les offres des constructeurs affichent un prix d'appel au Go, mais attention aux options logicielles ! Les coûts cachés sont en fait répartis autour du stockage : en premier lieu la sauvegarde et son administration, puis l'archivage, la réplication... Autre coût caché, les migrations de données. En effet la durée de vie de la donnée est supérieure à la durée de vie du matériel, qui est d'environ 4 ans en moyenne, ce qui impose aux administrateurs de migrer les données vers d'autres supports quand le support initial devient obsolète.
L'une des raisons expliquant également la transformation du marché du stockage est l'évolution de la chaîne de valeur du stockage. Les composants matériels (disques, processeurs, cartes réseaux...) se sont banalisés, ils sont devenus standards et leurs prix ont chuté. Ainsi, les entreprises ont réalisé que la valeur n'est plus au niveau du matériel mais au niveau des logiciels et des services associés.
Au croisement de ces éléments le Cloud Storage a donc apporté une réponse pragmatique et opérationnelle. A l'origine, le Cloud Storage désigne le stockage sur internet (le Cloud), donc hébergé, sur des serveurs qui peuvent être répartis dans le monde entier. Les utilisateurs ne sont plus propriétaires de leurs serveurs informatiques mais peuvent ainsi accéder à des espaces de stockage en ligne sans avoir à gérer l'infrastructure sous-jacente. Grâce à cette approche hébergée et accessible en tout lieu, les entreprises n'ont plus à ce soucier de prévoir les augmentations de capacité, celles-ci étant disponibles à la demande chez le fournisseur. De plus, le mode hébergé implique la définition précise du niveau de service par contrat (SLA, ou Service Level Agreement) ce qui apporte un coût et un niveau de qualité à la fois prévisibles et maîtrisés, du moins en théorie. Au niveau de l'administration et des coûts cachés, la promesse du Cloud Storage est de les faire disparaître ! En effet, ces tâches d'administration et notamment la sauvegarde font partie du contrat, et ne sont donc plus à la charge du client...
Mais des freins peuvent tout de même exister. Parmi ces derniers se distinguent : la pérennité du prestataire, les interruptions de service (mêmes les leaders du secteur comme Amazon S3 ont subi des interruptions), la confidentialité. Cette dernière est garantie par contrat mais beaucoup de DSI peuvent hésiter à confier toutes leurs données confidentielles à des tiers...
Ces freins expliquent les modèles d'adoption actuel : développement à grande vitesse pour les particuliers, qui vont hébergér ou sécuriser leurs données en ligne, croissance sur la PME, qui de plus en plus devient sans infrastructure ou tout hébergée, mais adoption très timide pour les grandes entreprises.
Dans ce contexte, les entreprises semblent avoir trouvé la parade et validé une approche qualifiée de Cloud Storage privé. L'idée est de reprendre l'approche et les bénéfices du Cloud Storage, mais de le mettre en œuvre soi-même au sein de l'entreprise pour en maîtriser la pérennité et la confidentialité. Le stockage est géré par les équipes informatiques comme un service fourni aux différents départements et applications, les services annexes comme la sauvegarde et le Plan de Reprise d'Activité sont intégrés, la capacité est extensible à la demande, et les coûts sont très bas par utilisation de matériel banalisé. Les ingrédients pour mettre en place un Cloud Storage privé sont : du matériel de stockage banalisé et peu coûteux, une approche service, et un outil de virtualisation de stockage pour séparer la gestion des espaces de stockage et la gestion du matériel. Les premiers cas clients montrent un gain sur le budget total de stockage (matériel + logiciel + service) de 50 à 70% !
Le Cloud Storage ou stockage hébergé devrait donc connaître une croissance sous plusieurs formes : adoption directe en mode hébergé pour les PME, pendant que les grandes entreprises vont évoluer vers des architectures mêlant espaces de stockage interne en mode service (ou Cloud Storage Privé) et espaces hébergés. Le véritable challenge pour les équipes informatiques sera dans les années qui viennent d'apprendre à piloter de manière optimale ces fournisseurs internes et externes pour obtenir le meilleur service au meilleur coût.
Philippe Boyon, directeur marketing Active Circle.