Yvon Mézou, 20 Minutes : "Le web ne financera jamais toute notre rédaction"

Jérôme Bouteiller
Publié le 22 septembre 2009 à 14h26
Patron de presse mais également restaurateur, Yvon Mezou, 54 ans, a récemment été nommé à la direction de la rédaction du quotidien 20 Minutes, en remplacement de Corinne Sorin. Dans cet entretien, il revient sur la définition du journalisme à l'heure d'internet, sur la relation entre journalistes, blogueurs et agrégateurs et sur l'épineuse question du modèle économique d'un titre de presse en ligne.

JB - Yvon Mezou, bonjour. Quel regard portez vous sur le web ? Est-ce un complément ou une menace pour l'édition papier ?

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Yvon Mezou (c) NetEco
YM - Le web n'est certainement pas une menace mais doit s'intégrer dans une vision globale de l'information. Il y a dix ans, on voyait le web comme un média hyper réactif, avec une information superficielle, et le journal papier comme plus analytique. Aujourd'hui, je pense qu'il faut inverser les rôles. Le web permet de creuser un sujet, d'échanger avec les internautes. Le journal, lui, en raison d'une durée de vie éphémère, doit se concentrer sur l'essentiel et faire des choix de traitement plus faciles à lire.

JB - Concrètement, comment vous organisez vous ? La logique d'une double rédaction est elle encore pertinente ?

YM - Pour des raisons propres à la vie de notre entreprise, nos actionnaires ont effectivement souhaité conserver le principe de double rédaction, pour le papier et pour le web.

Mais tous nos journalistes font face à la même matière première, des emails, des appels, de l'internet, du monde qui nous entoure. Pour le moment, il arrive que nous ayons deux personnes sur un même sujet mais nous multiplions tout de même les synergies, en particulier dans le sport où ce sont les journalistes du web qui alimentent l'édition papier.

JB - Le web et l'interactivité avec les internautes imposent-ils une nouvelle forme d'écriture pour vos journalistes ? Que pensez vous des journalistes citoyens en général et des blogueurs en particulier ?

YM - Je pense que si les journaux citoyens et que les blogs ont prospéré c'est qu'ils répondaient tout simplement aux attentes des lecteurs. Les journalistes sont parfois critiqués pour leur médiatisation excessive, leur complaisance voire leur connivence avec les pouvoirs politiques et économiques.

Il faut que le journaliste redevienne un médiateur : vivre avec son temps, raconter les histoires des gens, rechercher la vérité, l'authenticité. C'est ce que font les journalistes de 20 Minutes. Notre titre est dans l'efficacité, la réalité économique en respectant les règles de la profession et une certaine qualité éditoriale.

JB - Et quel regard portez vous sur des outils comme Google, que certains de vos confères accusent de piller leurs contenus ?

YM - La problématique n'est pas nouvelle. La technologie s'est toujours nourrie des contenus et les éditeurs se sont toujours battus pour défendre leurs droits comme avec le CFC pour les photocopies ou la Sacem dans la musique.

Sur ce sujet, j'ai le sentiment qu'on est dans les "eaux internationales" de l'information. Dès qu'une information est publiée, elle appartient à tout le monde et les médias doivent sans doute trouver un point d'équilibre avec les agrégateurs comme Google.

JB - 20 Minutes a 2,7 millions de lecteurs quotidiens et attire chaque mois près de 3 millions d'internautes. Pensez vous que les revenus publicitaires de l'internet pourront un jour représenter une part significative de votre chiffre d'affaires ?

YM - Les revenus du web représentent 5% de notre chiffre d'affaires. Ils progressent mais je pense qu'ils resteront minoritaires et qu'ils ne suffiront jamais à financer toute notre rédaction et notre entreprise. Il faut entamer une réflexion globale, accepter que le web puisse encore être financé par le papier et réfléchir à d'éventuels produits dérivés. Tous ces modèles économiques se complètent et on ne peut pas isoler les supports les uns des autres.

JB - 20 Minutes a récemment lancé une application iPhone. Pensez vous que l'avenir de la presse et de la presse écrite puisse également passer par ce type de terminaux ?

YM - Le mobile est un bon moyen de lire les titres mais il ne substituera pas au papier. Quand on entre dans la vie sociale et qu'on devient citoyen, on devient lecteur d'un titre de presse écrite. Et c'est d'ailleurs une grande fierté pour 20minutes que de compter parmi ses lecteurs de nombreux jeunes adultes.

JB - Yvon Mezou, je vous remercie.
Jérôme Bouteiller
Par Jérôme Bouteiller

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