Olivier Bitoun, ACSEL : "l'E-commerce modifie en profondeur le commerce"

Jérôme Bouteiller
Publié le 26 octobre 2009 à 15h02
Auteur du livre de l'ACSEL "E-commerce et distribution", Olivier Bitoun revient sur les motivations qui ont justifié la rédaction de cet ouvrage et partage son analyse d'un secteur de la distribution en pleine mutation.

JB - Quelle est l'ambition de cet ouvrage ? Faire le point de 10 ans de croissance du e-commerce en France ?

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Olivier Bitoun
OB - L'Association de l'économie numérique (ACSEL), qui présente dans ce livre les résultats de l'un des ses groupes de travail, a souhaité mener une réflexion d'ensemble sur la distribution afin de mesurer en quoi l'e-commerce - bien que ne représentant que 3% du commerce de détail - modifie-t'il en profondeur le commerce. Les analyses et les pistes de réflexion de cet ouvrage sont basées sur une soixantaine d'auditions menées auprès d'acteurs et une mission d'étude au Royaume-Uni.

La question qui nous avons posée à chaque entretien est : comment le canal de vente Internet, bien que jeune encore, commence à réorienter toute la chaîne de distribution, des producteurs aux consommateurs, en passant par les commerçants et les prestataires (logisticiens, transporteurs et plates-formes de paiement) ? Car la rencontre entre le on line et le off line, plébiscitée par le comportements des acheteurs, donne naissance à des modèles de distribution inédits et, dans un certain nombre de cas, remet en cause quelques uns des principes fondateurs du commerce. La notion de zone de chalandise a-t-elle toujours le même sens aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'un bon emplacement commercial ? Quel peut-être le rôle des vendeurs en magasin demain, face à des consommateurs qui ont comparé les produits sous toutes les coutures avant de venir ?

En conclusion, le livre propose une approche prospective : à quoi pourra bien ressembler le magasin de demain ? Jusqu'où ira le rapprochement entre les medias et les marchands du Net autour de l'économie des contenus ? Le e-commerce est-il une forme de « distribution durable » ? Autant de questions auxquelles l'ouvrage essaye d'apporter quelques éléments de réponse...

JB - A l'image de Dell, le e-commerce a longtemps été synonyme de vente directe et de désintermédiation. Le succès de Google, eBay et iTunes démontre t-il le contraire ?

OB - A première vue, le e-commerce autorise une désintermédiation de la distribution. En ouvrant largement le passage des producteurs à la vente directe, le e-commerce permet de supprimer l'étape du distributeur. Mais dans les faits, les industriels ne veulent pas nécessairement se passer de la distribution parce que l'e-commerce promet une forme d'accès direct à leur offre. Même ceux qui sont allés loin dans la vente directe, comme Apple, continuent à travailler avec des revendeurs qui apportent de nombreux services que le e-commerce ne peut proposer.

Internet substitue donc de nouvelles formes d'intermédiation aux anciennes, plutôt qu'il ne les supprime. Quand les industriels réussissent à contourner les distributeurs, ils n'accèdent pas pour autant nécessairement aux consommateurs. Ils passent par des carrefours d'audience sur le Web qui opèrent à leur tour comme des « filtres ». Ceux qui viennent en premier à l'esprit sont bien évidemment les moteurs de recherche, mais on peut citer aussi les comparateurs de prix ou bien les galeries marchandes qui regroupent des e-commerçants.

Le cas du marché de la musique illustre très bien le phénomène. C'est un des marchés où les espoirs de désintermédiation étaient les plus forts, ne serait-ce que grâce à la dématérialisation de la musique. Il n'y a plus de CD à presser et à distribuer !

En amont des maisons de disques, les artistes eux-mêmes peuvent espérer vendre leur musique en direct au grand public et « court-circuiter » les labels et les distributeurs. Là, en dehors de quelques stars comme Prince, tous les artistes ont signé des accords avec des « agrégateurs » de contenus pour distribuer et diffuser leurs créations sur le Net. Et comme en parallèle, ils continuent à signer des contrats avec des maisons de disques pour distribuer leurs œuvres dans le monde physique, il y a presque aujourd'hui plus d'intermédiaires qu'avant !

JB - Les grands noms de la distribution ont-ils trouvé un équilibre entre le "clic" et le "mortar" ? Quels sont les grands défis des prochaines années ?

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OB - Ils n'ont pas encore trouvé l'équilibre mais ils progressent. Pendant longtemps, les distributeurs à la tête de réseaux de magasins se sont contentés de faire du multicanal. C'est à dire d'ouvrir un site marchand à côté de leurs magasins. C'est seulement depuis deux ou trois ans que l'on parle de « crosscanal » pour les enseignes les plus avancées.

Il s'agit cette fois de créer des passerelles entre le point de vente virtuel et les points de vente physiques, de les imbriquer. Le mobile jouera aussi certainement un rôle de passeur. Cela donne naissance à des services nouveaux comme le retrait et le retour en magasin des produits commandés en ligne. Cela ouvre aussi vers des schémas où le magasin et le site marchand se complètent. Typiquement, c'est ce qui conduit des enseignes à ne proposer dans leurs magasins que les produits qui se vendent le mieux, pour donner accès au reste de l'offre sur leur site marchand.

Ces schémas se mettent en place, mais ils se heurtent encore à des obstacles. Les enseignes devront par exemple trouver une solution au problème des prix de vente. Difficile en effet de rivaliser sur ce terrain avec les pure players qui sont souvent très agressifs, sans mettre ses magasins en porte-à-faux et risquer de dégrader sa rentabilité. Difficile aussi de convaincre le personnel des magasins que le site marchand maison ne leur fait pas de concurrence. Ce sont autant de questions qu'il va falloir résoudre...

Enfin, sous la pression des clients qui sont demandeurs d'une personnalisation crosscanal de plus en plus grande, les pure players ont aussi des défis à relever et le livre pose la question d'un modèle convergent entre ces trois catégories d'acteurs que sont les diffuseurs, les producteurs et les pure players.

E-commerce et distribution, comment Internet bouscule les canaux de vente
Auteur, Olivier Biton / Editeur : ACSEL, 144 pages, 19 euros
Pour commander l'ouvrage : ACSEL
Jérôme Bouteiller
Par Jérôme Bouteiller

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