JB - Quelle est votre définition de "l'e-réputation" ? Peut on simplement parler de webmarketing au service des individus ?
PB - Alain Rey dans son dictionnaire historique de la langue française précise que la réputation ("reputatio") désigne l'honorabilité morale, la célébrité d'une personne en raison de sa valeur. Et par extension, l'opinion bonne ou mauvaise que les gens ont de quelqu'un. Cette définition appelle deux notions complémentaires :
· On est dans le "sentiment" qui par définition n'est pas figé et évolue (en positif comme en négatif) dans le temps
· Le sujet est à la fois acteur (ses actes influent directement sur le sentiment que les autres ont de lui) et spectateur (il est quasi impossible sauf peut être dans une dictature de contrôler ce que les autres pensent de vous)
· On est dans le "subjectif" la notion de réputation sur un même sujet est variable d'un individu à un autre.
L'e-réputation n'est que la transposition "électronique" de ces concepts sur le monde Internet. Elle ne remplace en rien la définition de la réputation, elle la complète.
Webmarketing au service des individus ?
Le (web)marketing est une démarche qui est faite en vue d'améliorer le rendement "offre-demande" afin d'augmenter par exemple son chiffre d'affaires, ou dans notre cas sa notoriété. C'est un outil permettant d'agir sur son (e)-réputation (et agir ne veut pas dire contrôler !).
JB - En dehors des artistes ou des hommes politiques, quel est l'intérêt de gérer sa réputation sur internet ?
PB - Avant, les choses étaient très simples si l'on souhaitait changer de poste. Il suffisait de remettre son CV à jour, de rédiger une lettre de motivation, et on attendait avec patience la publication des pages emploi des journaux. Puis, au moment de l'entretien, la présentation d'une carrière professionnelle se déroulait comme une pièce classique : une succession de postes et de fonctions, une unité de temps, de lieu et d'action. À chaque entretien d'embauche, nous présentions chacune des scènes de notre vie par thème ou par ordre chronologique.
La crise mondiale que nous subissons depuis mi-2008 a modifié de manière irrémédiable nos modèles de la relation au travail et de la gestion des organisations. Le monde du travail a subi de profondes mutations irréversibles : « bons » diplômes, sécurité de l'emploi, longue carrière au sein de la même entreprise, filière unique tout au long de sa vie professionnelle, etc., sont des valeurs qui, quel que soit le secteur d'activité, sont en passe de disparaître dans leur forme actuelle.
Aujourd'hui, c'est sur Internet que les choses se passent : 62 % des entreprises citent Internet parmi les deux principaux moyens qui leur apportent les candidatures les plus pertinentes, loin devant le réseau, 34 %, ou la cooptation, 22 %. En très peu de temps, Internet est devenu l'outil privilégié pour évaluer le futur candidat.
Les marchés sont aujourd'hui très fragmentés, la concurrence y est féroce, et être compétent dans son emploi ne suffit plus pour se faire remarquer. Transition et changement sont devenus des constantes, et dans ce contexte comment maintenir sa compétitivité lorsque la turbulence de l'environnement dépasse la vitesse d'adaptation de l'entreprise et de l'individu ?
Le CV est bien sûr toujours obligatoire pour postuler dans une entreprise (en France du moins, ce qui n'est pas toujours le cas dans le monde anglo-saxon), mais il est encore trop souvent pratiqué comme un passeport pour se rassurer et son format très statique ne donne qu'une vision assez plate et sans saveur de l'individu.
C'est là que le Personal Branding entre en scène, apportant une 3e dimension au CV, créant un profil étendu de l'individu : en plus de qui il est (identité), de ce qu'il a fait (réalisations), il permet de savoir qui il connaît (popularité), de vérifier ce qu'il sait faire (expertises, talents), mais aussi et surtout ce que l'on dit de lui (réputation). Il permet une relation demandeur/demandé fondée sur l'authenticité : Qui est-il réellement ? Est-ce conforme avec ce qu'il me dit de lui ? Peut-on réellement lui faire confiance ?
Pourquoi le faire maintenant ?
1. Si vous n'avez pas (encore) de visibilité : il vous permettra d'émerger de la foule de vos concurrents à travers des signes distinctifs, attractifs et rassurants.
2. Si vous avez déjà une certaine visibilité : bien appliqué, il deviendra un formidable démultiplicateur de notoriété.
3. Par mesure de précaution : institutions, entreprises, amis mettent ou mettront peut-être demain en ligne sans vouloir vous nuire, mais à votre insu, des informations vous concernant (une photographie publiée sur le compte Facebook de l'un de vos amis où l'on vous découvre après une soirée trop arrosée par exemple). Sachez que désormais Googler une personne est devenu un réflexe : 30 % des recherches sur Internet ont pour objet la recherche d'informations sur une personne et l'adage « Il n'y a pas de fumée sans feu » a malheureusement la vie dure...
JB - Vous avez choisi d'écrire un livre pour parler de ce sujet. Au final, ce travail n'est-il pas le meilleur moyen pour vous faire connaître ?
PB - C'est effectivement un très bon moyen de montrer d'autres facettes de mon profil ;-)
D'ailleurs je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin ! Mon prochain livre, "Le business de la Rumeur" qui paraîtra début janvier 2010 continue d'explorer les territoires de la réputation mais dans le monde de l'entreprise cette fois.
JB - Philippe Buschini, je vous remercie.