Des automates corvéables aux robots adorables

Karyn Poupée
Publié le 28 novembre 2009 à 00h02
Des robots nouveaux, on en voit tous les mois à Tokyo. Des robots vraiment bluffants on en rencontre moins souvent. Peut-être est-ce parce que les plus intéressants et aboutis ne se trouvent pas dans les laboratoires des géo-trouve-tout des universités mais davantage dans les ateliers des géants de l'automation industrielle. Bien que moins impressionnants physiquement que les humanoïdes ou sortes de Goldorak, les traditionnels bras manipulateurs, qui représente la très grande majorité des robots commercialisés et en activité dans le monde (dont 40% au Japon), ont de plus en plus d'aptitudes qui les rapprochent de l'homme, afin d'effectuer à sa place des tâches rébarbatives et harassantes à une cadence proprement... inhumaine.

Troublante et fascinante est en effet la rapidité de ces ouvriers mécatroniques de Fanuc (plus gros groupe de robotique japonais). Alignés le long de tapis roulants, ils attrapent une à une et rangent dans des boîtes des pièces de différentes couleurs. Ils n'en ratent aucune, ne se trompent pas, ne s'arrêtent pas et ne réclament rien. A toute fin utile, il est bon de préciser que les vidéos qui accompagnent ce Live Japon ne sont pas accélérées (regardez les éléments autres que les robots y apparaissant et vous constaterez en effet qu'ils se meuvent à vitesse normale).

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Face à ces machines corvéables à souhait, l'ouvrier ne peut plus lutter. Pourtant, c'est lui, avec ses bras, ses doigts, ses yeux et sa jugeote qui a bel et bien servi de modèle pour développer ces bêtes de technologie. "Nos robots sont dotés de divers capteurs et d'un système de reconnaissance visuelle qui leur permet de distinguer les différentes formes, de les manipuler comme il faut et de travailler en équipe", explique un démonstrateur de Fanuc.


Ces bras intelligents jaunes, équipés de têtes-chercheuses, sont notamment utilisés pour mettre en boîte des médicaments dans les usines de laboratoires pharmaceutiques ou pour manutentionner et trier divers produits dans les sites de production et d'emballage d'aliments. D'autres servent à transférer des cartons jour et nuit non-stop, un boulot tuant qui ne devrait plus être confié aux hommes, jugent les Japonais. Ces derniers préfèrent en théorie et autant que faire se peut hisser les compétences des salariés pour améliorer ces assistants mécaniques plutôt que de cantonner l'humain à des fonctions dangereuses, angoissantes, exigeant une concentration insoutenable dans la durée ou parfois même dévalorisantes.


Chez l'un des principaux concurrents de Fanuc, Yaskawa, la recréation mécatronique des facultés humaines basiques pour effectuer à la chaîne un travail répétitif, fatigant et inintéressant est encore plus visible. Ses manipulateurs "Motoman" ne sont certes pas des robots bipèdes humanoïdes, mais le simple fait de coupler deux bras et un tronc leur donne un physique presque anthropomorphe. Il suffit de leur ajouter une tête en plastique pour faire davantage illusion, ce que Yaskawa ne se prive d'ailleurs pas de faire. Ces couples de bras articulés peuvent effectuer des mouvements des bras à 360 degrés pour récupérer des pièces entreposées derrière eux en un tournemain, explique Yaskawa. Leur intelligence est certes déportée dans un ordinateur, mais cela ne les empêche pas de se substituer à l'homme quand la célérité d'exécution devient le nerf de la compétition. Plusieurs Motoman peuvent par exemple s'activer à différents postes successifs d'une usine pour monter pièce par pièce et de bout en bout divers types de produit (moteurs de voitures, panneaux solaires, etc.) rapidement, continûment et à moindres coûts.

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Tous les fabricants le disent cependant: la juste répartition des rôles entre l'homme et la machine et la sécurité lorsqu'ils oeuvrent ensemble demeurent les conditions essentielles pour faire accepter les robots plus largement dans les entreprises et la société, même si au Japon, l'a priori est plutôt favorable.

De fait, même les spécialistes des robots industriels tentent de donner un peu de chaleur humaine à leurs créatures: pour prouver les diverses capacités sensorielles et gestuelles de ses Motoman, Yaskawa leur fait préparer en public des "okonomiyaki", sortes de grosses crêpes nippones salées, fourrées de légumes et dures à cuire. Par ailleurs, émerge actuellement au Japon une industrie robotique des services dans laquelle les Yaskawa, Fanuc, Denso, Mitsubishi Electric et autres grands noms des automations industrielles devraient jouer un rôle grâce à leurs technologies éprouvées.
Existent déjà ou sont en cours de développement des robots, non-humanoïdes en apparence mais très humains dans l'âme, comme d'agiles manipulateurs de malades et handicapés, comme le Yurina, un robot de soin conçu par Japan Logic Machine.


D'autres accompagnent les patients et médecins dans les couloirs en transportant les appareils de soins et autres équipements requis. D'autres servent de masseurs et rééducateurs d'articulations ankylosées et endolories. On est aussi chez Panasonic et à l'Université de Tokyo en train de concevoir des laveurs de vaisselle. Un organisme gouvernemental, la NEDO, qui soutient le développement de robots au service de la société, cofinance aussi un dispositif robotisé pour trier et repasser le linge, type d'appareillage qui pourrait être utile dans les hôpitaux, maisons de repos ou même hôtels. Les robots laboureurs ou ramasseurs d'ordures, comme ceux proposés par Fuji Heavy Industries (plus connu pour ses voitures de marque Subaru), figurent aussi parmi les développements que favorisent les pouvoirs publics ainsi que les exosquelettes pour alléger le port de charges très très lourdes.

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Sont aussi déjà en service des patrouilleurs dans les couloirs d'entreprises désertées aux heures nocturnes (modèles imaginés par les sociétés de sécurité privées Alsok et Secom), des inspecteurs de tuyauteries et autres conduites étroites, ou encore des éclaireurs et sauveteurs de personnes ensevelies lors des désastres. Les pompiers japonais nous ont d'ailleurs fait essayer un de leurs engins qui est munis de divers renifleurs d'odeurs et autres capteurs sensoriels et se manipulent relativement aisément avec une manette de console de jeu vidéo.

Des chercheurs travaillent quant à eux sur des composants et logiciels qui permettraient aux robots d'être encore plus sensibles, voire d'avoir de l'intuition et de prendre conscience d'eux-mêmes. Un professeur de l'Université Meiji, Junichi Takeno, nous a ainsi assuré que son mini-robot prototype était capable de comprendre que l'image qu'il voyait dans le miroir était la sienne et de réagir de façon idoine. Il sait aussi mesurer la distance idéale pour ne pas ressentir de malaise vis-à-vis d'un objet ou d'un être.


Dans un registre plus ludique mais finalement pas très éloigné, le styliste et roboticien Tomotaka Takahashi cherche divers moyens de rendre les robots plus attirants, plus mignons. Avec sa petite tête rigolote, ses grands yeux ronds, ses bras dodus et sa démarche de play-boy qui virevolte torse en avant, le petit robot humanoïde "Ropid" de, styliste et roboticien, a électrisé les visiteurs (visiteuses surtout) du salon de la robotique à Tokyo. Capable de comprendre des instructions vocales en regardant celui qui lui parle, de lui répondre avec un signe de la tête "Ok, j'ai compris", cet adorable androïde réussit le tour de force d'avancer à vive allure en tapant des pieds et en balançant ses bras comme un marcheur bien exercé. Il fait mieux encore: s'accroupir et sauter à pieds joints.


"Ropid n'est pour le moment qu'un prototype qui n'existe qu'en un seul exemplaire", prévient M. Takahashi. Ce dernier, diplômé en mécanique et électronique de l'Université de Kyoto (ouest), est réputé pour le soin qu'il apporte à l'esthétique physique et à la gestuelle élégante et souple de ses créatures, alors que la plupart des robots ont des mouvements heurtés et un équilibre en apparence précaire. "Il est important de penser l'allure du robot non seulement sur le plan de la morphologie mais aussi dans la façon dont il se meut", nous confie M. Takahashi. Si Ropid (1,6 kilogramme, 38 centimètres, 30 degrés de liberté) peut se déplacer et se contorsionner avec une si grande agilité et une telle assurance, même sur une table lisse, c'est selon son maître parce qu'il enferme quatre gyro-capteurs très sensibles et réactifs.

Le charme et le panache de ce petit robot aguicheur cessent toutefois d'opérer au bout de quelques minutes... lorsque sa batterie lithium-ion est à plat.

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Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

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