Avec une mesure inédite d'une surface estimée à 26 millions de kilomètres carrés le 16 septembre dernier au-dessus de l'Antarctique, le trou de la couche d'ozone est proche de valeurs record. Mais une grande partie des paramètres dépendent de facteurs météorologiques, d'où un important suivi par satellite.
La taille du trou dans la couche d'ozone, au-dessus de l'Antarctique, fluctue au cours de l'année. Du mois d'août jusqu'à l'automne, sa taille augmente pour atteindre un maximum entre la mi-septembre et la mi-octobre. Puis, lorsque l'été austral est plus marqué, le vortex polaire diminue et la situation revient à la normale (en théorie) autour de la mi-décembre.
Ce phénomène est observé en détail depuis plusieurs décennies et les données sont fiables sur plus de 30 ans, mais le meilleur instrument pour les mesures est celui d'une des unités de la constellation européenne Copernicus, le satellite Sentinel-5P. Ce dernier, avec son instrument TROPOMI, permet une meilleure résolution spatiale, ainsi qu'une analyse plus fine des concentrations de divers gaz (y compris l'ozone, donc) dans les couches de l'atmosphère. Or les données de Sentinel-5p montrent qu'en 2023, le trou dans la couche d'ozone a grandi très tôt et très rapidement, pour atteindre un maximum le 16 septembre, proche des valeurs record.
Anatomie du trou
Selon les chercheurs, les variations de taille annuelles du trou de la couche d'ozone dépendent en grande partie des grands vents autour de l'Antarctique. Ces derniers sont une conséquence à la fois de la rotation de la Terre, mais aussi et surtout des différences de température entre le continent gelé et les zones plus tempérées à des latitudes moindres.
Si les vents sont forts, ils ont tendance à « piéger » les grandes masses d'air : celui de l'Antarctique reste froid tandis que les autres se réchauffent avec le printemps austral. Or ces vents sont très variables, et dépendent de grands événements.
Pour l'instant, une des meilleures pistes pour expliquer un large trou de la couche d'ozone en 2023, c'est la gigantesque éruption en janvier 2022 du volcan Hunga Tonga.
L'effet papillon de l'ozone
Alors oui, il y a 18 mois entre les deux événements, donc ça parait complètement contre-intuitif. Mais dans l'atmosphère, certains processus sont lents, très lents.
De grandes concentrations de vapeur d'eau envoyées dans la stratosphère ont voyagé à travers les courants en haute altitude jusqu'à se retrouver justement piégées autour de l'Antarctique à la fin de l'année 2022. À son tour cette vapeur peut former des nuages stratosphériques, où vont réagir les fameux CFC (chloro-fluoro-carbones) qui accélèrent la déplétion de l'ozone. Pire, la vapeur d'eau peut aussi augmenter le phénomène de « piège » entre températures tempérées et l'Antarctique. Le lien avec le volcan Hunga Tonga est une des pistes principales, mais il ne fait pas encore consensus.
Maiahiii maiahaaaa, mahia haha (vous l'avez ?)
Ce que les chercheurs vont observer avec attention, via les mesures satellitaires dans les semaines et les mois à venir, c'est la reconstitution de l'ozone.
En effet, si ses variations saisonnières sont la résultante de la météorologie et des courants atmosphériques, la taille moyenne du trou est due à l'activité humaine et au temps très long qu'il faut aux gaz CFC pour être éliminés de l'atmosphère.
Le protocole de Montréal, signé en 1987, a limité avec succès ces émissions, et pourtant il faudra jusqu'en 2050 environ pour que les niveaux d'ozone (en particulier au-dessus de l'Antarctique) reviennent à leurs valeurs « naturelles ». Des efforts et des mesures qui doivent persister.