Les scientifiques peuvent suivre l'évolution des colonies de manchots empereurs grâce à leurs traces visibles par satellite. Mais l'analyse des clichés du dernier été en Antarctique a été plus triste que prévue. Lorsque la glace de mer se fracture trop tôt dans l'année, les jeunes manchots, qui ne peuvent nager, meurent.
90 % des manchots empereurs pourraient avoir disparu d'ici 2100.
Quand les satellites en savent long sur les manchots
Aussi étrange que cela puisse paraître, les satellites d'observation de la planète du programme Copernicus, et en particulier Sentinel 2A et 2B, sont particulièrement pratiques pour surveiller l'évolution des colonies de manchots empereurs tout autour de l'Antarctique. Impossible de repérer chaque animal (même s'ils peuvent atteindre 1 mètre de haut), mais les groupes laissent derrière eux des excréments qui forment des taches visibles depuis les satellites.
Pourtant, c'est aussi un moyen qui a permis à une équipe scientifique britannique et française de constater la mort de milliers de jeunes manchots. Pour le comprendre, il faut a minima connaître le cycle de l'animal. Au début de l'hiver austral, à partir du mois de mars, les manchots s'installent sur les glaces et y préparent leurs nids avant de se reproduire. Les petits, recouverts de duvet et ne pouvant pas encore nager, sont ensuite nourris par les adultes au fur et à mesure que la glace de mer fond en décembre et janvier, et deviennent peu à peu indépendants. Mais en 2022, la glace sur laquelle plusieurs colonies s'étaient installées s'est brisée beaucoup trop tôt, en novembre.
Génération perdue !
Les moyennes de températures de plusieurs zones en Antarctique ont grimpé ces dernières années (conséquences du réchauffement climatique qui ne cesse d'accélérer), et depuis 2016, les glaces de mer reculent tout autour du Continent blanc, tout comme en Arctique. Les mesures montrent que les étés antarctiques 2021-2022 et 2022-2023 ont battu des records, avec de la fracturation et de la fonte de plus en plus tôt.
Pour en revenir aux manchots empereurs, si la glace de mer se brise avant que les juvéniles n'aient acquis leur épaisse couche de plumes qui leur permet de plonger, ils sont condamnés. Entre 2018 et 2022, environ un tiers des 60 colonies de manchots empereurs ont été touchées par ces nouvelles conditions (formation de glace tardive et fracturation anticipée) à différents degrés. Et pour certaines, comme celles observées dans la zone de Bellingshausen, il y a déjà eu une génération complète de manchots de perdue… Probablement même deux, les glaces dans la zone ne s'étant pas reformées au même rythme cette année.
Des changements rapides
D'autres moyens ont permis de suivre les données et de les corroborer : imagerie d'autres satellites, survols par avion ou hélicoptères dans des zones où cela est permis. Il y a pourtant peu de solutions pour les manchots dans une majorité des zones antarctiques. Lorsque la glace se fracture trop tôt, les pentes douces sur lesquelles les manchots glissent et marchent pour rejoindre la mer sont remplacées par des falaises de 3 à 4 mètres de glace, et les sites de nidification sont abandonnés. L'année suivante, leur comportement les pousse à revenir peu ou prou sur des sites similaires. Et l'évolution est trop rapide pour qu'une majorité des animaux s'y adaptent.
Le Dr Peter Fretwell, auteur principal de l'étude, explique que les changements actuels des glaces de mer sont beaucoup plus rapides et radicaux que ce qui était attendu. Il espère que si le réchauffement actuel peut être arrêté d'une manière ou d'une autre, les glaces finiront par se reformer au même rythme. En attendant, il plaide pour que les manchots empereurs, iconiques animaux d'un Antarctique qui change, soient classés parmi les espèces « vulnérables » par les instances internationales.
Source : BBC