Les géants créés par Jeff Bezos et Elon Musk n'ont pas l'habitude d'avancer main dans la main… Mais nécessité fait loi. Les fusées commandées par Amazon n'ont pas encore démarré leur carrière, alors qu'il faut déployer Kuiper dans une période donnée. L'entreprise a acheté 3 lancements… Pour l'instant.
C'était l'une des annonces les plus spectaculaires de début 2022, la commande par Amazon de 83 lancements de fusées pour déployer les 3 236 satellites de sa constellation de connectivité Kuiper. Ces derniers étaient répartis entre trois lanceurs (et trois entreprises), l'Européen Arianespace et les Américains ULA (United Launch Alliance) et Blue Origin. Avec en perspective pour les trois constructeurs, quasiment le « contrat de la décennie » !
Malgré tout, 18 mois plus tard, il y a un problème important… Alors qu'Amazon a testé avec succès ses deux premiers prototypes en orbite basse (décollage en septembre), aucune des trois familles de lanceurs commandées n'est disponible. Or légalement, Amazon doit avoir déployé la moitié des satellites Kuiper au moins d'ici 2026 !
Des nouveaux lanceurs en retard
C'est une obligation pour Kuiper qui a trait à l'attribution de licences commerciales pour les fréquences de ses satellites : en 2026 l'entreprise devra disposer au moins de 1 620 satellites en orbite. Ce qui n'aurait pas dû poser problème initialement avec les contrats passés, mais qui devient de plus en plus complexe. En effet, on sait qu'Ariane 6 n'effectuera pas son vol inaugural avant juin 2024 (au mieux, il y aura un seul vol opérationnel à la fin de l'année, mais qui ne sera pas à priori dédié à Kuiper).
De son côté, Blue Origin tentera de mettre en service son grand lanceur New Glenn l'an prochain, mais ce dernier n'a pas non plus subi ses derniers tests au sol, et c'est à priori la NASA qui sera cliente pour le premier décollage. Enfin United Launch Alliance a attribué 8 tirs d'Atlas V à Kuiper, et ceux-ci seront utilisés pour former la colonne vertébrale du réseau, mais Atlas est limitée et le nouveau lanceur Vulcan ne volera pas au service de Kuiper avant au moins le 2e semestre 2024.
3 vols de Falcon 9 : valider votre panier ?
Amazon risque donc de se retrouver avec un nombre très limité de satellites en orbite alors même qu'elle devra montrer à ses futurs clients que son service est progressivement opérationnel. Il ne restait qu'une solution, même si le service commercial a dû avaler des couleuvres : commander des tirs de Falcon 9 de SpaceX, le concurrent direct.
Tout n'est pas encore réglé
Amazon a donc signé pour 3 lancements, qui auront lieu à la mi 2025, date choisie, car elle correspond sans doute au pic de production attendu pour la première génération des satellites Kuiper. Cela suffira sans doute à combler un éventuel trou d'air, au cas où l'un des trois nouveaux lanceurs commandés serait retardé (après tout malgré l'envergure des trois géants, un échec n'est jamais hors de question), en sachant que ce n'est pas si inhabituel que ça pour SpaceX d'envoyer d'autres constellations de connectivité. L'entreprise s'était déjà chargée en 2022-2023 d'envoyer les derniers satellites OneWeb en orbite, et ces derniers ne s'en sont pas plaints.
Situation cocasse toutefois, les grands actionnaires d'Amazon qui ont intenté une action en justice contre l'administration de l'entreprise pour avoir évincé SpaceX de l'appel d'offres initial (selon eux, Falcon 9 représentait tout de même la solution la plus fiable et la moins chère) n'ont pas baissé les bras et attendent que la direction se justifie.
Gageons que dans les bureaux du siège de SpaceX à Hawthorne, certains regardent tout ça avec du pop-corn et de grands sourires.
Source : Space News