Censé pousser les consommateurs et consommatrices vers une consommation plus responsable, le « bonus réparation » mis en place par le gouvernement peine pour le moment à atteindre ses objectifs.
C’était l’une des mesures phares de la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) : le « bonus réparation » a encore des progrès à faire. Mis en place en décembre 2022, cette aide financière censée pousser à la réparation de ses appareils électriques et électroniques n’a, pour le moment, pas eu l’effet escompté. L’association Consommation logement et cadre de vie (CLCV) dresse un portrait bancal des 12 premiers mois d’existence de cette mesure.
L'inflation derrière la hausse des prix
La première constatation est qu’il y a, depuis un an, « une tendance à la hausse du coût moyen de la réparation avec une augmentation allant de 10 à 15 % pour les équipements les plus réparés. » De quoi réduire l’intérêt du bonus puisque le coût assumé par les clients (après la remise automatique) a, au mieux stagné, au pire augmenté. Mais cette hausse des prix ne s’explique pas (que) par une cupidité des magasins de réparation.
Comme l’explique l’association, plusieurs facteurs entrent en jeu pour expliquer cette hausse des tarifs. L’inflation est citée comme la première cause de l’augmentation des prix. Avec des pièces détachées plus chères et un coût de l’énergie plus important, il est normal de constater une hausse des prix. La complexité des réparations et le « relèvement du montant des forfaits de déplacement chez plusieurs acteurs de la réparation à domicile » a aussi joué sur le prix des réparations.
Si la CLCV ne nie pas qu’il peut y avoir un « comportement opportuniste de certains réparateurs qui profitent de la mise en place du fonds pour gonfler leurs tarifs », l’association note tout de même que des mesures ont été mises en place pour éviter de trop tirer les prix vers le haut. Les réparateurs labellisés devront accepter une clause de modération tarifaire pour 2024 qui sera conditionnée « au maintien des tarifs publics hors taxe du réparateur constatés au 1er janvier 2023 ». Pour le dire plus simplement, si les magasins de réparation veulent garder le petit logo « QualiRépar » et proposer le bonus, ils ne pourront pas augmenter leurs prix en 2024 (hors prise en compte de l’inflation).
Une inégalité d’accès à la réparation
Du côté des éco-organismes responsables de la mise en place du bonus (Ecosystem et Ecologic), on conseille « de faire jouer la concurrence afin d’obtenir le meilleur devis ». Une méthode qui « pourrait également inciter les réparateurs à ajuster leurs tarifs pour rester concurrentiels » selon la CLCV.
Malheureusement, comme le souligne le rapport, tout le monde n’est pas égal devant l’accès à la concurrence. Certains territoires sont plus mal servis que d’autres en termes de nombre de réparateurs agréés par rapport à la densité de population. Une fois n’est pas coutume, Paris fait partie des régions les moins bien servies avec 0,38 point de réparation pour 10 000 habitants. La Lozère et la Creuse caracole en tête avec 2,06 et 2,46 points de réparation pour 10 000 habitants.
Ces disparités dans l’accès à la réparation pèsent largement dans le recours des populations aux services de réparation « car les consommateurs ne feront pas des kilomètres pour faire réparer leur équipement », indique la CLCV. Des durées de réparation trop longues (partiellement dû à un engorgement des magasins) peuvent aussi refroidir les consommateurs et consommatrices « occupés ou pressés, qui peuvent préférer la commodité et la rapidité du remplacement par rapport à la réparation. »
Surveiller les prix pour mieux s'adapter
Tous les appareils ne sont pas non plus traités de la même manière. Les téléphones portables (qui représentent à eux seuls plus de 35 % des appareils réparés sur 12 mois) bénéficient d’un bonus plutôt intéressant qui couvre en moyenne 28 % du coût de la réparation totale. D’autres catégories de produits, comme les plaques de cuisson ou les appareils photo numériques, sont nettement moins bien loties avec un bonus qui couvre respectivement 8,5 % et 9,1 % du coût total de la réparation. Un taux bien en deçà des 20 % visés par le fond réparation. Enfin, certains appareils comme les grille-pains ou les machines à cafés sont tout simplement plus chers à réparer qu’à acheter neuf.
Pour donner un coup de fouet à ce système et atteindre les objectifs mis en place par le gouvernement, la CLCV détaille plusieurs axes d’améliorations :
- Augmenter le montant du bonus pour les appareils les moins bien lotis (une mesure mise en place depuis le 1er janvier 2024 avec une hausse de 5 € pour 21 produits);
- Simplifier l’adhésion au programme QualiRépar pour encourager les réparateurs à y souscrire (là encore, c’est en cours);
- Mieux sensibiliser le grand public;
- Surveiller les prix pour s’adapter le mieux possible.
« Le succès du fonds repose sur sa capacité à évoluer en réponse aux dynamiques du marché et à favoriser une culture de consommation consciente », explique le CLCV. Pas question donc de se féliciter sur la mise ne place de ce système sans rien faire derrière.