Le contrôle parental, bientôt obligatoire sur tous vos écrans

Mélina LOUPIA
Publié le 04 juillet 2024 à 11h53
Le contrôle parental rendu obligatoire sur les appareils connectés ne plaît pas à tout le monde © Jasni / Shutterstock
Le contrôle parental rendu obligatoire sur les appareils connectés ne plaît pas à tout le monde © Jasni / Shutterstock

À partir du 13 juillet 2024, tous les appareils connectés vendus en France devront intégrer un logiciel de contrôle parental. Son activation sera proposée gratuitement lors de la première mise en service. Cette mesure, issue de la loi du 2 mars 2022, vise à protéger les mineurs des contenus inappropriés sur Internet.

L'encadrement, c'est maintenant. Le gouvernement français a décidé de prendre le taureau par les cornes. Fini le temps où les parents devaient se creuser la tête pour installer un logiciel de contrôle parental. Désormais, c'est la loi qui s'en charge. À partir du 13 juillet 2024, smartphones, tablettes, ordinateurs et autres appareils connectés seront livrés avec un outil de contrôle parental préinstallé.

Cette décision, qui fait suite à la loi du 2 mars 2022, a pour but de protéger les plus jeunes des contenus choquants qui pullulent sur la Toile. Mais cette mesure ne fait pas l'unanimité. Entre protection de l'enfance et liberté d'utilisation, le débat fait rage. Plongeons dans les détails de cette nouvelle réglementation qui va bouleverser notre rapport aux écrans.

Pourquoi un logiciel de contrôle parental obligatoire ?

Le constat est alarmant : nos enfants sont de plus en plus connectés, et de plus en plus tôt. En moyenne, un gamin de 9 ans et 9 mois a déjà son premier smartphone. Et ce n'est que le début. Ils passent des heures devant leurs écrans, souvent sans surveillance. Résultat ? À 12 ans, un tiers des enfants a déjà vu des images pornographiques. Sans parler des contenus haineux, violents, ou du harcèlement en ligne qui guettent les plus jeunes derrière chaque clic.

Face à cette réalité, le gouvernement a décidé de mettre le paquet. L'idée ? Rendre le contrôle parental aussi facile à activer que s'il s'agissait d'un simple bouton. Plus besoin d'être un as de l'informatique pour protéger ses enfants. Le logiciel sera là, prêt à l'emploi, dès le premier allumage de l'appareil.

Cette décision n'est pas tombée du ciel. Elle arrive après un constat : malgré les outils existants, peu de parents les utilisent. Selon Vie publique, en 2019, seuls 44 % des parents avaient paramétré l'appareil de leur enfant, et 38 % utilisaient un contrôle parental. C'est trop peu face aux dangers qui rôdent en ligne.

Le nouveau dispositif, annoncé en 2023 par Jean-Noël Barrot, alors ministre délégué à la Transition numérique , va concerner un large éventail d'appareils : ordinateurs, smartphones, tablettes, consoles de jeux, et même les objets connectés comme les télévisions ou les enceintes. Seuls les box des opérateurs et les appareils domotiques sans accès à Internet échappent à la règle.

Mais attention, il ne s'agit pas d'imposer une surveillance à tous. L'activation du contrôle parental restera un choix. L'idée est simplement de le rendre plus accessible, plus simple à utiliser. Et pour rassurer les parents, la loi interdit l'utilisation des données collectées à des fins commerciales. Pas question que votre enfant devienne une mine d'or pour les publicitaires sous prétexte de le protéger.

Le gouvernement veut protéger les enfants des dangers d'Internet, mais aussi des publicitaires © GettyImages

Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir monte au créneau contre cette obligation

Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), qui représente des géants comme Sony, Microsoft et Nintendo, n'est pas franchement ravi de cette nouvelle loi. Il a même tenté de la faire annuler par le Conseil d'État. Mais pourquoi tant de remous ?

D'abord, le syndicat estime que le décret manque de précision et engendre des problèmes d'interprétation. Par exemple, la loi interdit d'utiliser les données des mineurs à des fins commerciales lors de l'activation du contrôle parental. Mais le gouvernement est allé plus loin et impose que ces données soient traitées uniquement sur l'appareil. Pour le SELL, c'est une contrainte technique supplémentaire qui n'était pas prévue au départ.

Ensuite, il craint que cette loi ne crée une « usine à gaz » logicielle spécifique à la France. Imaginez un peu : chaque fabricant devrait développer une version spéciale de ses appareils pour le marché français. Ça pourrait compliquer la vie des entreprises et potentiellement augmenter les coûts pour les consommateurs.

Et les principaux intéressés par cette obligation, à savoir les consommateurs, vont-ils être bouleversés dans leurs habitudes par ce changement ? À vrai dire, pas vraiment. En vérité, cette obligation est, paradoxalement, facultative. En effet, si vous êtes parent, vous aurez simplement une option supplémentaire à cocher (ou non) lors de la configuration de votre nouvel appareil. Le contrôle parental sera là, prêt à l'emploi, sans que vous ayez à vous casser la tête pour l'installer et sans obligation de l'utiliser.

Pour les adultes sans enfants, l'impact sera minime. Vous pourrez simplement ignorer cette option lors de la configuration. Les fabricants assurent que la désinstallation du logiciel sera possible et gratuite, si c'est techniquement faisable.

En réalité, la plupart des grandes marques proposent déjà des outils de contrôle parental sur leurs appareils. La différence, c'est qu'ils seront désormais mis en avant dès le début, au lieu d'être cachés dans les paramètres.

Le vrai changement se fera peut-être en coulisses. L'Agence nationale des fréquences (ANFR) sera chargée de contrôler que les fabricants respectent bien la loi. Et les sanctions peuvent être lourdes : un appareil non conforme pourrait être tout simplement retiré du marché français.

Sources : L'Informé (accès payant), Vie publique, La CNIL

Par Mélina LOUPIA

Modératrice, contributrice et community manager pour le regretté OVNI Le Post, puis journaliste société spécialisée dans la parentalité et la psychologie notamment sur Le HuffPost, l'univers du Web, des réseaux, des machines connectées et de tout ce qui s'écrit sur Internet s'inscrit dans le champ de mes sujets préférés.

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Commentaires (10)
Neferith

« Ensuite, il craint que cette loi ne crée une « usine à gaz » logicielle spécifique à la France. » => Comme la plupart des lois du genre.
Cela dit ce ne serait pas de trop qu’un consortium se fasse pour pouvoir créer des ponts entre ces systemes.
Je me souviens d’un collegue qui se plaignait du systeme de controle parental proposé par Apple inutilisable dès que tu possède un écosysteme qui n’est pas 100% apple.

serged

On offre un beau PC au petit neveu : La première fois qu’il l’installe, à la question « Voulez-vous activer le contrôle parental ? », pas bête, il va répondre non !

Encore une mesurette pour satisfaire l’électorat pudibond…

PEPSIMAX

Mes enfants étaient couchés et faisaient dodo à 21 heures jusqu’à 15 ans. Premier smartphone à 16 ans. Et oui, c’est cela aussi d’être parent.

Werehog

Quand un gamin se fait offrir un smartphone ou une tablette, je pense sans trop me tromper que l’appareil n’a jamais été allumé, qu’il est encore bien emballé. C’est le gamin qui l’allume, c’est le gamin qui va refuser le contrôle parental. C’est donc complètement inutile.
On peut faire la distinction entre les parents qui offrent un appareil en cherchant un minimum à protéger l’utilisation qui en est faite, et ceux qui s’en moquent. Rien ne changera avec cette loi.

Nmut

Les choses évoluent, la pression sociale n’est pas la même, les habitudes des parents (eux aussi accrocs) ne sont plus les mêmes… Difficile de transposer son expérience passée et d’en déduire des généralités! :smiley:
J’ai l’impression que les parents commencent maintenant à se rendre compte du danger des portables, parce que justement ils ont conscience de leur addiction. En tout cas on recommence à voir des gamins qui lisent (oui oui des livres sans pub ni algo qui tunellise les idées… :stuck_out_tongue: ).

@Werehog
Comme souvent la loi est faite pour une frange de la population déjà plus ou moins sensibilisée aux problèmes potentiels des portables et PCs. Mais il faut être optimiste, plus il y a de « buzz » autour du sujet, plus les gens seront informés.
Et je ne connais pas de solution totalement efficace, des gamins débrouillards s’en sortent (!) toujours. Exemple perso: j’ai été étonné de voir le traffic internet de ma box baisser, je me suis aperçu que j’avais fait LA boulette avec l’ordi de mon ainé (12 ans à l’époque): je n’ai pas bloqué les port USB. Il bootait sur un Linux Live et a craqué le Wifi du voisin! Je l’ai vite vu car je gère le réseau de ce voisin, et ça mon gosse ne le savait pas et il n’a pas pensé à spoofer l’adresse MAC de son PC!

Neferith

La pression sociale n’a jamais été un truc insurmontable. Normalement c’est assez facile de dire non à son gamin (Je le sais, j’en ai trois). Après chaque parent est responsable de ses enfants, meme s’il m’est arrivé de juger très fort un papa qui poussait ses deux gosses de moins dix ans dans une sorte de poussette géante dans un centre commerciale. Bien sur les deux momes avec le regard rivé sur leur smartphone.

Nmut

Certes, mais c’est quand même une incitation forte. L’éducation compense jusqu’à un certain point mais à mon avis on ne s’en débarasse jamais totalement.

Neferith

Bah forcement, on doit s’adapter à son milieu. C’est meme normal. Si je sortais tout nu dehors, on me regarderait d’un oeil torve (Bon c’est un peu idiot comme comparaison, mais l’idée est là)
Mais je pense que quand on est conscient d’un truc, après c’est surtout de la volonté. Après bien sur, passé un certain âge, tu peux plus contrôler tout ce que font tes enfants et c’est normal. Mais je pense que l’excuse de « c’est pas ma faute, c’est la pression sociale », c’est une excuse dangereuse, car elle ne pousse pas à assumer ses erreurs.

Nmut

Je ne parle pas d’excuse, mais de comportement/pulsions inconscients, la pression sociale sur les enfants les poussent à demander à leur parents (envies par mimétisme) et les parents à céder (standards ou habitudes du milieu, besoin d’être de « bons parents » avec tous les travers que cela implique, comme le « bon sens » qui souvent juste un ensemble de préjugés). Pour reprendre ton exemple, tu ne te demandes pas si tu dois t’habiller pour sortir, tu le fais, point! Enfin j’espère… :smiley:
Et ta façon de t’habiller est aussi dictée par les codes conscients ou pas (classe sociale, prérequis attendus de la situation, …).

Neferith

Je suis ok, avec tout ce que tu dis.