Dave Plummer, ancien ingénieur chez Microsoft, nous partage quelques secrets de la création de cette fonctionnalité phare de l'OS, sorti le 24 août 1995. Celui-ci fut le premier à introduire ce fameux menu Démarrer, que l'on connaît tous aujourd'hui.

Alors que nous avons tous à la bouche les progrès de Windows 11, notamment ceux en matière d'intelligence artificielle, quoi de plus agréable que de revenir un peu aux fondamentaux ? Un petit retour dans le passé n'est jamais désagréable, surtout lorsque cela se passe dans les années 1990 et qu'on parle d'informatique. Les grosses tours beiges, les CD-ROM et leur lenteur, le crissement des disquettes, le grincement des modems 56k : une sainte époque qu'il serait fort dommage d'oublier !

À cette époque, Dave travaillait en tant qu'ingénieur logiciel chez Microsoft. Connu pour son travail sur MS-DOS et un bon nombre de fonctionnalités sur Windows 95, il a publié une vidéo il y a quatre jours sur sa chaîne YouTube, Dave's Garage. Baptisée I Worked on the Windows Start Menu !, il nous explique dans celle-ci les défis auxquels il a été confronté lors de la création du menu Démarrer. En voici les points les plus importants.

Passer outre les contraintes matérielles

Dave nous explique que le menu Démarrer de Windows 95 devait s'adapter à une grande variété de langues. Les contraintes matérielles de l'époque imposèrent donc une approche novatrice pour l'implémenter de manière efficace dans l'OS de Microsoft. Plutôt que d'utiliser des bitmaps, Dave opta pour une autre solution : exploiter l'interface graphique GDI. En d'autres termes, cela signifie qu'au lieu de créer des images fixes pour chaque langue et chaque version du menu Démarrer, Dave a utilisé une méthode de programmation qui permettait à l'ordinateur de dessiner le menu directement à l'écran. Ainsi, le menu pouvait s'adapter automatiquement et efficacement aux différentes langues et configurations, sans nécessiter une grande quantité de mémoire pour stocker de multiples images. Très malin !

« Pour éviter d'avoir une multitude de bitmaps, j'ai choisi d'utiliser l'interface graphique GDI. J'ai par conséquent créé le dégradé bleu-noir que vous voyez sur la barre. Je ne sais pas si cette idée venait de moi, d'un designer produit, ou si c'était tout simplement logique étant donné l'apparence de notre logo. Quoi qu'il en soit, c'était notre logo » explique-t-il.

Cette technique permit non seulement une adaptation dynamique aux diverses langues, mais aussi une flexibilité remarquable face aux configurations matérielles très hétérogènes de l'époque. Le menu Démarrer pouvait ainsi s'adapter aux capacités graphiques de chaque machine sans les faire trop souffrir.

 Inspirée du système Apple Macintosh, l'interface a considérablement simplifié l'utilisation de l'ordinateur pour les novices © Capture d'écran / Dan Wood / YouTube
Inspirée du système Apple Macintosh, l'interface a considérablement simplifié l'utilisation de l'ordinateur pour les novices © Capture d'écran / Dan Wood / YouTube

Les autres adaptations nécessaires

Dave a relevé plusieurs défis techniques pour peaufiner Windows 95. L'un des plus épineux concernait l'affichage du texte vertical dans la barre du menu. « Afficher un texte à la verticale était complexe à l'époque », se souvient-il. En effet, les outils graphiques disponibles ne permettaient pas de faire pivoter le texte de manière simple

Pour y parvenir, il a exploité les transformations de coordonnées (opérations mathématiques utilisées en informatique graphique pour modifier la position, la rotation, l'échelle ou l'orientation des objets dessinés à l'écran) offertes par Windows NT. « Les transformations de coordonnées permettaient de faire pivoter l'ensemble du dispositif d'affichage. En le tournant de 90° et en appliquant les bonnes transformations, on pouvait dessiner directement et le rendu se faisait automatiquement à la verticale » explique Dave.

Dans un souci esthétique, Dave a donc choisi deux polices distinctes. Une grasse pour « Windows » et une plus fine pour « 95 » ou autres désignations comme « Professional » ou « Workstation », les deux éditions principales de l'OS. Ce choix typographique conférait au menu une certaine élégance visuelle tout en préservant sa lisibilité. Certes, cela peut nous paraître un peu vieillot aujourd'hui, mais l'interface de Windows 95 était certainement la plus avancée de son époque avec Mac OS et OS/2 (OS multitâche 32 bits développé par IBM et Microsoft).

Ces subtilités techniques, qui pourraient nous sembler triviales à l'ère des ordinateurs surpuissants et des connexions ultrarapides, étaient en réalité des défis costauds à l'aube de l'informatique grand public. Les années 1990 représentaient une période charnière où chaque innovation logicielle se heurtait aux limites du matériel disponible. Chaque fonctionnalité, aussi simple soit-elle en apparence, nécessitait une réflexion approfondie et des solutions créatives. Ainsi, ce qui nous parait aujourd'hui aller de soi dans nos interfaces utilisateur est le fruit d'un travail collectif acharné et d'une réflexion poussée. Cela ne fait jamais mal de se le rappeler.