Il rappelle Arc, la sécurité et la compatibilité en plus. Zen Browser entend réinventer la navigation web pour mieux s'adapter aux usages hybrides. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça va secouer.
Une fois n’est pas coutume, Chromium a totalement été écarté de ce projet de navigateur open source. Et pour cause, Zen emprunte à Firefox, ce qui lui permet d’offrir des garanties de sécurité avancées, mais aussi de prendre en charge des systèmes d’exploitation plus anciens. Officiellement lancé en juillet dernier, ce nouveau navigateur web, porté par une trentaine de personnes, connaît un développement intensif, et est déjà en mesure de proposer une expérience velue, mais prometteuse.
Une alternative en devenir pour celles et ceux échaudés par les méthodes peu honnêtes de Mozilla. Pour rappel, la fondation est accusée d'avoir activé par défaut une technologie de collecte et de traitement des informations personnelles (PPA) dans Firefox, à des fins de ciblage publicitaire soi-disant respectueux de la vie privée. Un parti pris mal accueilli par les internautes comme par les associations de défenses et de protection des données personnelles, qui n'ont pas hésité à porter plainte pour non-respect du RGPD.
La sécurité Zen pour renforcer celle de Firefox
Celles et ceux ayant déjà joué avec Arc Browser y verront certainement quelques similitudes. Pour autant, Zen Browser possède bien sa propre identité, et c’est ce qui en fait sa force. Premier élément évidemment : son choix de faire appel au code source de Firefox (dernière version stable) plutôt qu’à Chromium. En découlent des garanties de sécurité et de confidentialité renforcées, alors même que les alternatives basées sur le navigateur open source de Google, ont été pris la main dans le sac à partager involontairement des données utilisateurs avec… les services Google.
Ici, donc, pas de cafardage incognito. Ni avec Google, ni avec Mozilla d’ailleurs. Les équipes derrière le projet se sont assurées de désactiver par défaut tous les services de télémétrie inhérents à Firefox, y compris ceux destinés à collecter les données de manière anonyme et privée. À en croire sa politique de confidentialité, Zen s’engage lui-même à ne glaner aucune donnée personnelle, qu’il s’agisse de l’adresse IP, de l’historique de navigation, des requêtes ou des informations renseignées dans les formulaires. Sont également mises en place par défaut des mesures anti-tracking pour lutter contre les pisteurs et outils d’analyse tiers.
Seules données collectées : les cookies, fichiers temporaires, éléments du cache paramètres et préférences du navigateur, stockés localement sur l’appareil, ainsi que les informations importées à partir de la fonction Mozilla Sync (favoris, historique, mots de passe, etc.). Dans ce dernier cas, Zen affirme que les données sont chiffrées, hébergées sur les serveurs de Mozilla et traitées selon les conditions et la politique de confidentialité de la fondation. Zen, de son côté, n'y a, a priori, jamais accès.
Évidemment, toutes ces promesses restent théoriques pour qui n’a pas les compétences requises pour fouiller le code source. Mais on peut raisonnablement penser que la petite communauté déjà bien solide autour du projet saurait crier au scandale en cas de duperie avérée. On ajoutera aussi que, contrairement à Arc, puisque leurs modes d’affichage et de navigation nous amènent à les comparer, Zen ne requiert jamais de création de compte impliquant de communiquer diverses informations comme l’adresse mail. On peut tout au plus créer plusieurs profils pour gérer plusieurs espaces de travail bien distinct sur une même machine.
Aucune option de synchronisation dans le cloud n’est non plus disponible, mais si une telle fonction venait à voir le jour, on peut supposer qu’elle reposerait sur des technologies similaires à celles de Brave Sync (forme d’importation/exportation améliorée permettant la synchronisation des données à un instant T à l’aide d’un QR code scanné ou d’une phrase de passe saisie sur les appareils à appairer).
Trois mots d’ordre : minimalisme, concentration, productivité
En-dehors de son caractère privé séduisant sur le papier, Zen cherche à se démarquer dans la manière même de naviguer. Exit, donc, la plupart des fonctionnalités et options structurelles que l’on a l’habitude de retrouver d’un navigateur à l’autre, aussi bien chez les grands noms du web (Chrome, Firefox, Edge) qu’au sein d’alternatives plus confidentielles en termes de parts de marché (Brave, Opera, Vivaldi, etc.).
Tout comme Arc, Zen cherche à concentrer ses efforts sur le développement d’un navigateur mieux adapté aux usages web de plus en plus hétéroclites. En clair, il s’agit de transformer le classique portail d’accès à Internet en outil polymorphe, capable de s’adapter aux besoins hybrides (local / en ligne) des internautes tout en leur offrant un environnement de travail unifié, propice à la concentration, optimisé pour une variété d’activités (recherche, bureautique, divertissement, etc.).
Une ligne directrice qui a conduit le tout jeune projet à bousculer très franchement les codes de la navigation traditionnelle. Zen, c’est un navigateur qui s’émancipe de la barre d’onglets telle qu’on la connait, se sépare d’un maximum de raccourcis censés agrémenter les espaces de part et d’autre de la barre d’URL – barre d’adresse qui, soit dit en passant, reprend les caractéristiques de l’Awesome Bar de Firefox (accès rapide aux favoris et autres données épinglées dans le navigateur) –, n’hésite pas à modifier l’emplacement de certaines fonctionnalités importantes que l’on s’attend à trouver là où on les a toujours vues, quel que soit le browser utilisé – à titre d’exemple, l’icône des profils est logée à l’extrême gauche de la barre d’adresse, et non à droite, comme le veut le dogme. Zen veut faire simple et minimaliste. Zen se définit comme un navigateur entièrement dédié à la productivité.
L’organisation même de l’interface de Zen n’a rien de commun. Les onglets sont regroupés dans une barre latérale que l’on peut paramétrer pour la masquer automatiquement, et la révéler au passage de la souris. Au pied de cette barre latérale, on trouve des options permettant de créer des espaces de travail pour un même profil, ainsi que l’une des options les plus intéressantes du navigateur : le Panneau web.
Dans le détail, ce panneau regroupe un ensemble de raccourcis personnalisables vers des services, plateformes, sites web que l’on peut parcourir en même temps que l’on navigue sur le web dans la fenêtre dédiée. Un affichage qui permet de mener plusieurs activités de front dans une unique interface, sans avoir besoin d’ouvrir de fenêtres en mode côte à côte.
Pour autant, le Panneau web n’est pas non plus une fenêtre de navigation à proprement parler. On n’y trouve ni barre d’adresse, ni onglets, ce qui contraint les internautes à naviguer au sein d’un même domaine qu’ils auraient préalablement épinglé à l’outil. De ce point de vue, le Panneau Web est complémentaire de la fenêtre de navigation principale. Son format réduit en largeur justifie par ailleurs que l’on puisse basculer l’user agent en mode mobile, favorisant une meilleure lisibilité des contenus qu’elle affiche.
Objectif : proposer quelque chose de nouveau et de plus pertinent au regard des usages web actuels. Un pari audacieux quand on constate que même Microsoft a finalement renoncé à sa grande refonte promise sur Edge, craignant de rebuter définitivement les internautes qu’elle cherche à convaincre de migrer vers son navigateur, redoutant peut-être plus encore de perdre celles et ceux déjà ralliés à sa cause.
Des outils de migration simplifiée
L’aide à la migration, Zen ne la néglige pas non plus. Même s’il peut sembler abrupte pour qui vient de Chrome et consort, le navigateur n’oublie pas qu’il s’adresse à un public bercé aux standards actés depuis de nombreuses années, aussi geek soit-il.
À cet effet, toute première installation ou création de nouveau profil s’accompagne d’une configuration rapide guidée, offrant la possibilité de sélectionner un thème, de choisir un moteur de recherche parmi Qwant, DuckDuckGo et Google Search (que l’on évitera soigneusement bien sûr, tout est affaire de cohérence, n’est-ce pas ?), et d’importer ses favoris directement depuis n’importe quel autre navigateur installé sur le système sans avoir besoin de les exporter dans un fichier CSV au préalable.
On ajoutera que Zen, aussi récent soit-il, est partiellement traduit en français, ce qui nous a légèrement surpris, il faut l’avouer.
Benchmarks et utilisation ressources
Les benchmarks réalisés pour cet avis ont été effectués sur un MacBook Air M1 (8 Go de RAM, macOS Sequoia 15.0). Tous les navigateurs testés l’ont été dans leur dernière version, à savoir Zen Browser 1.0.1-a.5 118, Firefox 130, Chrome 129, Safari 18 et Edge 129. Pour ne pas biaiser les résultats, toutes les applications du PC ont été fermées, excepté le navigateur testé.
Les performances des navigateurs ont été testées trois fois pour chaque service utilisé (Basemark, JetStream et Speedometer) afin de s’assurer de la cohérence des scores obtenus. Les mesures relevées ont ensuite été rapportées à une moyenne. Pour chaque service de benchmark, plus le score est élevé, plus le navigateur est rapide.
Il faut enfin comprendre que les scores obtenus sont propres à la machine qui effectue les tests. L’intérêt de ces mesures réside dans la comparaison des résultats obtenus pour plusieurs navigateurs évalués dans les mêmes conditions matérielles et logicielles.
Basemark Web 3.0 : performances liées à l’utilisation des applications web répondant aux standards W3C
Jetstream 2.2 : performances liées aux traitements JavaScript et WebAssembly
Speedometer 3.0 : performances liées à la réactivité des web apps à partir d’interactions utilisateur simulées
Sans grande surprise, Zen Browser est à la traîne. Bien qu'il obtienne des résultats satisfaisants en termes de compatibilité avec les dernières normes et standards du web, il finit bon dernier en matière de performances JavaScript/WebAssembly et de réactivité.
En revanche, on s'étonne qu'il ne soit pas au moins aussi bon que Firefox de manière générale, dont il emprunte le code source débarrassé de tout système de télémétrie intégré par le navigateur de Mozilla. La désactivation par défaut de ces technologies aurait notamment dû l'alléger, et donc améliorer sa rapidité. Mais, rappelons-le, Zen n'en est qu'au stade alpha de son développement, et l'on peut raisonnablement penser que les prochaines versions afficheront de meilleures valeurs.
On relativisera toutefois les chiffres obtenus dans le cadre de ces tests, qui donnent certes une indication sur les performances du navigateur, mais ne témoignent pas du ressenti réel. Après avoir poussé Zen Browser dans ses retranchements, on peut confirmer qu'il reste fluide et stable pour les usages classiques (recherche, navigation sur les réseaux sociaux, consultations de pages web, etc.).
L'avis de la rédac
Il y a beaucoup d’idées, dans Zen Browser, et l’on est franchement curieux de suivre ses évolutions. Malgré tout, il serait malhonnête de conclure sur une réussite absolue. En l’état actuel des choses, le projet n’est pas toujours facile à prendre en main, et il subit encore quelques couacs. Certaines interactions peuvent sembler peu intuitives, et nous avons régulièrement perdu du temps à reproduire quelques actions, sinon à trouver des fonctionnalités essentielles, à comprendre comment correctement tirer profit d’options parfois obscures, voire à retrouver des outils que nous avions sciemment déplacés ou supprimés de l’interface.
Mais on rappellera que le projet, en version alpha, n’a officiellement que quelques semaines d’existence publique. Considérant ce qu’il permet déjà de faire, la stabilité dont il jouit, la sécurité renforcée qu’il promet et les bonnes idées qu’il n’hésite pas à mettre en pratique, nul doute que les power users – ou celles et ceux ayant suffisamment de temps pour le comprendre et apprendre à le manipuler – y trouveront un intérêt certain.
Zen Browser est un nouveau navigateur web open-source actuellement en version alpha. Basé sur le code de Firefox, il utilise le moteur de rendu Gecko de Mozilla plutôt que Blink de Google comme la plupart des autres navigateurs. L'objectif de Zen est d'offrir une expérience de navigation repensée avec une interface moderne inspirée par Arc Browser. On y retrouve des onglets verticaux, des espaces de travail, un mini-navigateur latéral et des options poussées de personnalisation visuelle via un magasin de thèmes intégré.
- Interface moderne et personnalisable inspirée d'Arc Browser
- Basé sur le moteur de rendu Gecko de Firefox pour plus de confidentialité
- Fonctionnalités avancées de gestion d'onglets et d'espaces de travail
- Performances encore fragiles
- Prise en main parfois ardue