Parfois, deux entreprises aux activités complémentaires se rapprochent et finissent par s'unir dans une acquisition qui prend tout son sens. Mais, il arrive que les choses soient plus difficiles et que le rachat soit avorté. Et dans certains cas, le cours de l'histoire aurait bel et bien pu changer drastiquement.
Dans les œuvres fantastiques, les mondes parallèles abritent une vie presque semblable à la nôtre, à un détail près : le fil des événements est bouleversé. Et cela résulte généralement d'un choix qui a été ou n'a pas été fait. Dans le domaine des nouvelles technologies, certaines acquisitions n'ont pas vu le jour. L'une des deux parties a choisi de jeter l'éponge. Si l'histoire avait été différente, les choses auraient pu évoluer d'une manière qu'on ne soupçonne même pas.
Yahoo passe sa chance de dominer la recherche en ligne
Lorsque l'on parle d'opportunité manquée, une histoire en particulier revient souvent : celle de Yahoo. En 2002, l'entreprise de Sunnyvale avait tenté une manœuvre audacieuse : l'acquisition de Google. Et, nous le savons aujourd'hui, cela aurait pu changer radicalement le paysage technologique. Si Yahoo était encore un acteur majeur sur le Web, la société commençait à percevoir le potentiel croissant de Google dans le domaine de la recherche en ligne. L'entreprise de Jerry Yang et David Filo, alors dirigée par Terry Semel, avait proposé 3 milliards de dollars pour racheter Google, une somme qui semblait déjà considérable à l'époque. Cependant, les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, ont estimé que leur entreprise valait davantage. Ils ont demandé 5 milliards de dollars. Mais Yahoo a refusé. À l'heure actuelle, Google est valorisé à 2 140 milliards de dollars.
Courtisé, Zuckerberg refuse les avances
Qu'on le déteste ou qu'on l'admire (?), une chose est sûre, Mark Zuckerberg a eu du flair. En 2006, en pleine croissance, après avoir élargi ses activités au-delà des réseaux universitaires, l'entreprise aurait pu se dessiner un tout autre avenir. La société Viacom, possédant, entre autres, les chaines MTV, VH1, Channel 5 ainsi que les studios Paramount ou CBS, souhaitait surfer sur la nouvelle vague communautaire. Elle a proposé un rachat à 750 millions de dollars. La même année, Yahoo avait proposé 1 milliard de dollars. Mark Zuckerberg a refusé les deux offres. Il en demandait 2 milliards.
Facebook est aujourd'hui valorisé à 1 499,89 milliards de dollars. Pour la petite histoire, en 2004, c'est MySpace qui avait tenté de racheter Facebook avant de faire marche arrière lorsque Zuckerberg en demandait "seulement" 75 millions de dollars.
Snobé par Dropbox, Steve Jobs goute l'amertume d'un refus
Il y a parfois de nouvelles technologies qui bousculent un peu nos habitudes en nous simplifiant la vie. L'une d'entre elles concerne le stockage en ligne. En dévoilant une version expérimentale de son service en 2007, Dropbox a fait fureur. Fini les connexions WebDAV lentes, place à une synchronisation sélective rapide et stable. À l'époque, Apple proposait son service MobileMe avec, entre autres, son iDisk et ses multiples problèmes de lenteurs. Steve Jobs lui-même a convoqué les deux fondateurs, Drew Houston et Arash Ferdowsi. Selon plusieurs estimations, il leur aurait proposé environ 800 millions de dollars, une somme qu'ils ont refusée. Steve Jobs a alors juré de se venger. Le concept de Dropbox a été repris par de nombreux acteurs dont Google, Microsoft ou Apple, les trois n'hésitant d'ailleurs pas à intégrer leur service au sein de leur système avec des tarifs plus avantageux. Mais, valorisé aujourd'hui à 9,53 milliards de dollars, Dropbox a de toute évidence su tirer son épingle du jeu en connaissant une croissance fulgurante après avoir remercié l'icône d'Apple.
Yahoo s'auto-torpille
Yahoo, qui n'a pas su concrétiser les acquisitions de Google et de Facebook, a fait une autre erreur. Pour certains, sans doute la plus importante. En 2008, Steve Ballmer, alors PDG de Microsoft, en a marre de négocier. L'éditeur veut mettre tous les moyens en place pour concurrencer Google sur le marché de la recherche en ligne. La firme de Redmond lance une OPA sur Yahoo et propose ainsi de racheter les actions de la société pour une valorisation de cette dernière à 44,6 milliards de dollars. Mais Yahoo refuse. Les actionnaires fulminent, c'est le début de la descente aux enfers pour Yahoo qui passera d'un PDG à un autre et qui enchainera les vagues de licenciements. Incapable de se positionner comme entreprise technologique ou société de média, Yahoo baisse les bras et se verra finalement rachetée par l'opérateur américain Verizon pour 4,4 milliards de dollars en 2017.
Twitter, le moineau qui avait une faim de loup
En 2008, deux ans après avoir refusé les offres de rachat de Viacom et de Yahoo, Facebook sentait une nouvelle menace : Twitter. Alors que les équipes de Mark Zuckerberg développaient une sorte de système en ligne avec plusieurs applications et jeux pour multiplier les interactions, Twitter était simple et direct. Et, en deux ans, son nombre d'utilisateurs a enregistré une forte croissance. Mark Zuckerberg proposa de racheter le réseau pour 500 millions de dollars. Cependant, les cofondateurs de Twitter, Evan Williams et Biz Stone, ont décliné l'offre. Quatorze ans plus tard, Elon Musk allongeait pas moins de 44 milliards de dollars pour s'offrir Twitter qu'il rebaptisa en X.
NVIDIA aurait pu s'inviter dans votre smartphone
Fusionner les processeurs graphiques à l'architecture ARM, c'était l'idée de NVIDIA qui annonçait vouloir racheter ARM pour 40 milliards de dollars en septembre 2020. Et les deux parties étaient d'accord, mais elles n'ont pas eu le feu vert. Les autorités de régulation aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans l'Union européenne ont exprimé des préoccupations quant à la concurrence et à l'innovation, craignant que l'acquisition nuise aux autres entreprises utilisant la technologie ARM, tout en favorisant NVIDIA. Apple, Qualcomm, Samsung, Google, Mediatek ou encore Huawei exploitent les architectures ARM pour leurs produits et auraient pu s'exposer à des restrictions imposées par NVIDIA.
Broadcom s'est fait Trumper sur le rachat de Qualcomm
En mars 2018, pour renforcer sa position sur le marché des semi-conducteurs, Broadcom était prêt à débourser pas moins de 112 milliards de dollars pour racheter Qualcomm. Il en aurait résulté un groupe capable de rivaliser avec Intel et Samsung. Mais cette acquisition a été bloquée par une ordonnance présidentielle signée par Donald Trump. La Commission sur les investissements étrangers aux États-Unis ne voyait pas d'un très bon œil Broadcom, basée à Singapour. Ils estimaient que cette fusion pouvait menacer la sécurité nationale américaine en perdant un atout stratégique américain.