Citation :
''Lorsqu'on doit faire face à un concurrent, il faut garder sa direction et faire ce pourquoi on existe. Tout en gardant un petit oeil sur le concurrent.
- Nom : Switcharound
- Activité : Echange d'appartements entre étudiants
- Création : janvier 2014
- Localisation : Bordeaux
- Fondateurs : Melvyn Mouflin, Edouard Gibert, Gaël Bretonneau
- Effectifs : 3 associés, 2 collaborateurs
- Mise de départ : non communiqué
- Clients : étudiants et écoles (Skema Business School, IAE France, EC Lyon)
- Modèle économique : paiement à l'échange (49 euros par mois)
- Chiffre d'affaires : non communiqué
- Equilibre : non communiqué
- Salaire du patron : non communiqué
- Levée de fonds : prévue pour 2015
- Concurrents : plateformes de sous-locations
- Projets : développer le site et “projet secret” pour octobre
Le voyage d'un entrepreneur
Melvyn n'hésite pas à comparer une entreprise à un voyage. Dans les deux cas, on ne sait pas toujours où l'on va mais on en retire beaucoup. Lui veut concilier les deux.
Quand Melvyn étudie les langues étrangères appliquées à Nancy, il évolue dans un cadre. Lorsqu'il s'expatrie pour étudier un an à Newcastle, en Angleterre, il reste encadré. Ce n'est que lorsqu'il se fait la belle très loin, en Australie, et sans contraintes, qu'il réussit à sortir de tous ces cadres - qu'il ne peut, du reste, plus encadrer. Habitué aux grands espaces, il est devenu improbable que ce fils, petit-fils et même deux fois neveu d'entrepreneur finisse en salarié, prisonnier d'horaires de bureau et sous l'oeil d'un maton.
« Partir avec un sac à dos, bouger de ville en ville et enchaîner les petits boulots », c'est de cette façon que Melvyn, en Australie, dit avoir véritablement découvert « une autre culture que la franco-française ». Il est à l'autre bout du monde, il apprend de toutes ses expériences - comme du directeur de ce restaurant, qui met le steak au rang de mets -, son meilleur ami l'accompagne, fait ce qu'il veut quand il veut... Comme un patron qui a toutes latitudes (à condition de ne pas se planter), Melvyn vit dans ce pays les prémices de sa future vie d'entrepreneur, de futur fondateur de Switcharound.
L'auberge espagnole, non merci
Une jeune pousse a besoin d'un beau terreau. Celui de cette start-up est la mobilité étudiante - depuis que Melvyn a bénéficié du programme Erasmus, il a pris conscience de l'importance de voyager. Que ce soit pour ses vacances, pour des stages ou bien des échanges universitaires, sa plateforme Web veut faciliter tout cela en connectant des étudiants entre eux. « C'est moins cher, plus simple et cela facilite les voyages », promet son concepteur.
C'est de l'échange de maisons appliqué aux étudiants - donc plus vraisemblablement des studios. « Le constat de base c'est qu'ils n'ont pas beaucoup d'argent donc l'échange d'appart répond à ce problème. Cela évite de débourser 500 euros pour payer, par exemple, une semaine dans une auberge à Barcelone », affirme Melvyn. « Les étudiants ont peu d'objets de valeur dans leur logement, et ce logement, ils n'y attachent pas une grande valeur émotionnelle », poursuit-il, justifiant la facilité des échanges.
Soutenu par l'incubateur Bordeaux Unitec et par l'agence des initiatives numériques Aquitaine Europe Communication, Switcharound commence à occuper Melvyn à fond, en février 2012, environ six mois après avoir vu le jour. C'est deux ans plus tard que le service devient pleinement opérationnel. Ouvert aux étudiants, mais aussi connecté aux établissements. Ne sont-ils pas un vecteur naturel pour partager les possibilités de mobilité académique ?
Officier insulaire
Maintenant que la start-up a bourgeonné, il faut continuer à l'arroser. C'est ce que Melvyn s'emploie à faire en y mettant toute sa passion. Il se rappelle avoir aimé (en Australie) « la magie de pouvoir emporter les gens dans sa passion, comme un chef d'orchestre ». C'est ce qu'il tente de reproduire et de partager avec Edouard, son associé. Lui aussi aime le voyage : d'octobre 2012 à octobre 2013, il est responsable commercial chez un grossiste alimentaire sur l'île de Saint-Martin - connue pour ses défrisages de badauds au Boeing 747. Edouard a aussi été officier de l'armée de terre à Saint-Cyr Coëtquidan.
A Switcharound, Edouard s'occupe des partenariats pendant que Melvyn gère les ressources humaines, les finances et le développement produit. Il y a aussi Sophie et Déborah. Un duo « complémentaire », selon leur patron, l'une étant « très ordonnée, ce qui lui permet d'avoir une bonne vision stratégique », et l'autre du coup, « n'est pas organisée, mais très créative ». Ajoutons Gaël, le business angel et, bientôt - Melvyn cherche « la perle rare » - un Web designer.
Il y a des jours avec, et d'autres sans. La veille de notre rencontre avec Melvyn, c'était une sale journée, sans doute « l'accumulation ». La journée commence à 8 heures, se poursuit sur un rendez-vous avec une grande radio à 9 heures puis plusieurs prises de contact avec des écoles, et enfin, la réalisation de tâches, maintes fois repoussées, mais qu'il faut bien accomplir. Sans oublier la quête du Web designer. « J'ai passé ma journée à râler, alors voyant que j'arrivais à saturation, je suis parti un peu plus tôt, vers 18 heures, pour faire 2 heures de sport », confesse presque l'entrepreneur, qui pratique un sport différent chaque jour, jonglant entre basket, musculation et surf.
Poules promeneuses
Tout est une question d'équilibre de vie, et Melvyn y veille. Tout comme son père, dont il « admire sa capacité à avoir bâti sa vie son équilibre personnel », il voudrait aujourd'hui « marcher dans ses pas ». Celui-ci vendait des cuisines, avant de s'ouvrir aux cheminées, aux vérandas puis à la construction immobilière. Son fils sait « qu'il avait besoin d'indépendance, alors il s'est donné les moyens d'entreprendre, et est parvenu à ses fins ». « Il a racheté une ruine » et, grâce à son savoir-faire, « en a fait une super maison » - que Melvyn, enfant, ne manque pas de faire visiter à ses poules, alors qu'il squattait le poulailler.
« Il paraît qu'il travaillait tard le soir », ironise celui qui, à son tour, a pris le même rythme. « D'après ma mère, il stressait de faire son chiffre le mois suivant », quelque chose que Melvyn partage aussi, même s'il concède que « c'est infime, lorsqu'on le met dans la balance avec tout le positif qu'il y a en face ». Il a ses propres craintes : fermer boutique, que l'aventure s'arrête, laisser ses compagnons sur le carreau, ne pas avoir assez de ressources, ne pas réussir à se faire connaître... et que dire des grosses boîtes qui pourraient les écraser ?
Le propre du meneur est de trouver un cap - ce qui est fait - et de veiller à le maintenir - ce qui est à refaire chaque jour. Même lorsque le projet est menacé par l'arrivée d'un concurrent. Une fois, cela s'est produit. Melvyn s'est dit « merde ! Ils se proclament premiers alors qu'ils n'existent même pas ! » Mais il ne faut pas se démobiliser pour autant, « et continuer de faire ce pourquoi on existe », conseille l'entrepreneur, tout en jetant un oeil sur les concurrents.
Pour éviter de devoir « guérir » sa start-up alors qu'il pouvait « prévenir », Melvyn s'efforce d'avoir un coup d'avance, d'accélérer la cadence et faire la preuve de son concept. Non, il n'abandonnera pas l'entrepreneuriat. Son père est comme ça depuis l'âge de 26 ans. Avant lui, son grand-père avait sa propre boucherie. Un oncle a « différent business » et un autre tonton a créé une émission aux Etats-Unis pour valoriser les artistes français - de lui, il dit qu'il est « un peu décalé », une « sorte de JCVD, pour qui 1+1=11 ». Cela aussi, c'est « un tempérament de famille : créer sa réalité ». Comme avec des gallinacés !
Thomas Pontiroli