Une jeune entreprise suisse, Destinus, vient de dévoiler un démonstrateur hypersonique, sorte de super Concorde, qui pourrait voler à l'hydrogène dès 2040.
Que ce soit à VivaTech, à peine terminé, ou au Salon du Bourget, qui a ouvert ses portes lundi, Destinus fait sensation. La start-up née en 2021 et installée à Payerne, en Suisse, a dévoilé son prototype d'appareil hypersonique. Une technologie que l'on pensait tombée aux oubliettes, en raison de son coût énergétique et de sa faible rentabilité. Mais l'entreprise de Mikhail Kokorich dispose d'un argument pour convaincre : l'appareil peut voler grâce à l'hydrogène.
Un avion hypersonique qui surpasserait le Concorde ? Oui…
Avant d'entrer dans le fond, commençons par la forme. Sur le papier, le projet Destinus est censé aboutir à créer un avion supersonique capable de voler jusqu'à 6 000 km/h (donc deux à trois fois plus vite que le Concorde) à 30 kilomètres d'altitude. Sans risque donc d'encombrer les traditionnels appareils actuels, qui volent à une altitude au moins trois fois inférieure.
Avec l'appareil de Destinus, un Paris-New York prendrait seulement 1h30 de votre temps, un Paris-Singapour autour de 3h15, et un Paris-Sydney environ 4h30. Donc, sur le papier, la promesse est plutôt flatteuse et fait rêver (même si un Paris-New York coûterait 8 000 euros au début), mais ce n'est pas tout !
La start-up suisse indique que son avion pourrait voler avec une énergie décarbonée : l'hydrogène liquide. Le premier appareil, le Destinus S, pourrait être exploité commercialement en 2030. Le plus gros porteur, le Destinus L (qui transporterait entre 300 et 400 passagers, comme un Airbus A330 ou un Boeing 777), pourrait s'envoyer en l'air en 2040.
…sauf que l'hydrogène quoi
On vous sent emballés, mais on se doute bien que la mention de « l'hydrogène liquide » amène quelques interrogations. Si l'hydrogène possède un certain potentiel et fait office de futur vecteur d'énergie, la façon dont il est produit aujourd'hui n'est tout simplement pas bonne pour la planète.
« L'hydrogène gris, la méthode la plus répandue pour produire de l'hydrogène, est aussi le procédé qui présente la pire empreinte carbone », explique Didier Dalmazzone, professeur en chimie et procédés à l'ENSTA Paris, dans un billet de blog. Interrogé il y a plusieurs mois par Alexandre Boero, le professeur Daniel Hissel, directeur-adjoint de la Fédération de recherche hydrogène du CNRS (ou FRH2) confiait, lui, que « l’essentiel de l’hydrogène produit au niveau mondial est basé sur des ressources d’énergie fossiles, j’aurais tendance à dire ‘’malheureusement’’. On l’extrait du charbon, du gaz naturel et du pétrole essentiellement ».
Pour que l'hydrogène soit de nature décarbonée, il faudrait utiliser un électrolyseur d'eau. « Il s’agit d’un objet alimenté par de l’électricité, et à partir du moment où j’ai de l’eau à disposition, je vais pouvoir être en capacité de séparer l’eau sous cette forme de H2 (hydrogène) et O2 (oxygène) », précise Daniel Hissel. Sauf que ce procédé couvre « moins de 5 % de la demande aujourd'hui », ajoute Didier Dalmazzone. Et même si les politiques publiques vont dans ce sens, la route est encore longue.
Sources : Clubic, Polytechnique-Insights, BFM Business