Streaming gratuit : une "escroquerie" selon Jimmy Iovine, le responsable d'Apple Music

Thomas Pontiroli
Publié le 08 octobre 2015 à 16h52
Après trois mois d'essai gratuit, Apple Music redevient payant. Modèle ardemment défendu par Jimmy Iovine, cofondateur de la plateforme de streaming, qui s'emporte face au gratuit.

Jimmy Iovine ne mâche pas ses mots. Le cofondateur de Beats a profité que Vanity Fair lui donne la parole pour clouer au pilori le modèle du freemium et de la musique en streaming financée par la publicité. Pas si étonnant, finalement, de la part du chef d'orchestre d'Apple Music, une plateforme de streaming payante.

« La gratuité est un vrai problème. Tout ce qui gravite autour du freemium, peut-être en a-t-on eu besoin à un moment donné. Maintenant, c'est une escroquerie », attaque celui qui a passé l'essentiel de sa carrière en tant que producteur dans l'industrie musicale. Selon lui, les entreprises ayant adopté le modèle économique de la publicité - dont Spotify et Deezer font partie - « construisent leur audience sur le dos des artistes ».

Bien sûr, Jimmy Iovine n'a pipé mot sur la controverse qui a émaillé la période d'essai d'Apple Music durant laquelle... aucune rétribution n'était prévue pour les artistes - avant que certains ne fassent plier la firme.

Le payant rapporte plus

Il est vrai qu'en moyenne, les revenus générés par une écoute en streaming payant rapportent 40 fois plus aux ayants droit que leur équivalent tirés de la publicité : après un savant calcul, on obtient environ 0,0001 euro par écoute gratuite, et 0,004 pour le payant. Apple reverse jusqu'à 73 % des revenus aux ayants droit, contre 70 % pour Spotify. De l'aveu des adeptes du gratuit, ces offres ne seraient que des produits d'appel.


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Jimmy Iovine et Tim Cook lors de l'annonce d'Apple Music à la conférence WWDC de juin 2015 - Crédit : Apple.

Cela pourrait se voir dans les chiffres. En 2014, le Guardian rapportait que Spotify, leader mondial du streaming musical, réalisait 91 % de son chiffre d'affaires grâce au payant. En France, au premier semestre 2015, le Snep constatait que le poids du streaming payant avait doublé en une année, pesant maintenant 22 % de l'ensemble de l'industrie. Contre à peine 6 % pour le modèle financé par la pub, d'ailleurs en léger recul.

Le gratuit reste plébiscité

Pourtant, ces données ne dédouanent pas le rôle potentiellement néfaste de la musique financée par la pub. Leur poids est peut-être marginal dans les comptes des plateformes ainsi que dans l'industrie. Mais cela ne signifie pas que derrière, le nombre d'utilisateurs gratuits est lui aussi marginal. Au contraire, ils sont ultra dominants : chez Spotify, sur 75 millions d'utilisateurs actifs, 55 millions jouissent du service gratuitement.

Dit autrement, quand les recettes publicitaires du streaming s'amenuisent - et même si elles disparaissent -, ce n'est pas le signe que les membres gratuits de Spotify ou Deezer décident de payer pour écouter leurs CD dématérialisés. Si les revenus baissent, c'est aussi parce que les annonceurs dépensent moins. Jimmy Iovine ne veut pas entendre parler de gratuit, même s'il ferait passer Apple Music de 11 à 500 millions de membres.

Mais pour que le modèle défendu par Apple soutienne l'industrie musicale - ce qu'il ne réussit pas encore à faire en France selon le Snep, tandis que les ventes de disques continuent leur lente érosion -, la plateforme doit atteindre une taille critique, afin que le prix de 10 euros par mois suffise. Passés les trois mois d'essai gratuit pour amorcer la pompe, la plateforme d'Apple vivra son baptême du feu dans les prochains jours.


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