Vue d'artiste de l'atterrisseur lunaire Blue Moon de Blue Origin. Les astronautes sont à l'échelle... Crédits Blue Origin
Vue d'artiste de l'atterrisseur lunaire Blue Moon de Blue Origin. Les astronautes sont à l'échelle... Crédits Blue Origin

Deux ans après la sélection de SpaceX et son Starship, la NASA choisit l'atterrisseur lunaire de Blue Origin pour embarquer les astronautes de sa mission Artemis V sur la surface. Une décision politique à 3,4 milliards de dollars, qui va stimuler la concurrence entre ces deux géants du domaine spatial américain.

La proposition de Blue Origin intègre des éléments de nombreuses entreprises, piliers du secteur.

Blue Moon remporte le premier prix

Ce vendredi 19 mai, la NASA avait mis les petits plats dans les grands, afin d'annoncer le gagnant de sa deuxième sélection pour un atterrisseur lunaire. C'est le projet Blue Moon de Blue Origin qui remporte le gros lot, avec 3,4 milliards de dollars de fonds d'ici 2029 et une mission dédiée avec des astronautes, Artemis V. Ce véhicule, dont les moteurs fonctionneront à l'hydrogène et à l'oxygène, prendra la suite de Starship, et sera même le concurrent du grand vaisseau de SpaceX pour les missions suivantes.

Retour sur une sélection complexe…

Deux atterrisseurs lunaires différents ? Voilà une décision et un processus de sélection de la NASA qu'il faut peut-être expliquer. En effet, l'agence spatiale américaine, dans le cadre de son gigantesque projet Artemis pour retourner poser le pied sur la Lune, a décidé de faire directement appel aux géants nationaux de l'aérospatiale pour passer des contrats « publics-privés », pour lesquels la NASA accepte d'être une cliente à prix d'or, mais il faut que les industriels investissent de leur côté. En 2020, la NASA avait mené un premier appel d'offres, auquel quatre candidats avaient répondu : Dynetics (allié à Sierra Nevada), la « National Team » (Blue Origin, Lockheed Martin, Draper…), Boeing et SpaceX. C'est le Starship de SpaceX qui avait remporté la compétition, et la NASA avait dans la foulée commandé un vol de démonstration et deux missions pour amener des astronautes sur la surface lunaire : Artemis III en 2021 et Artemis IV en 2022.

Mais ce choix avait soulevé de nombreuses objections. D'abord de la part de Blue Origin, qui contestait la sélection sur une base de faisabilité technique : le Starship doit être ravitaillé en orbite terrestre de nombreuses fois avant de rejoindre la Lune : il s'agit d'un véhicule énorme et complexe et la NASA a choisi de faire confiance à un industriel qui promet d'utiliser de nombreux éléments encore non testés. Blue Origin a perdu son procès contre la NASA, mais ce dernier a eu un écho politique, et six mois plus tard, le Congrès américain (qui tient les cordons de la bourse de l'agence nationale) a demandé une nouvelle sélection pour disposer d'un processus concurrentiel. Un deuxième atterrisseur lunaire a lui aussi été développé avec plusieurs milliards de dollars publics, deux fournisseurs valant mieux qu'un et faisant jouer la concurrence à partir de la mission Artemis VI.

Zoom sur l'étonnant compartiment pressurisé de Blue Moon, avec un port d'amarrage à gauche et les moteurs sur le dessous. Crédits Blue Origin
Zoom sur l'étonnant compartiment pressurisé de Blue Moon, avec un port d'amarrage à gauche et les moteurs sur le dessous. Crédits Blue Origin

La NASA avait sauvé son image en arguant que ce nouveau contrat était différent, souhaitant un véhicule « réutilisable et durable »... SpaceX étant déjà sélectionné, il y a eu deux dépôts de dossiers. Dynetics (cette fois avec Northrop Grumman) et Blue Origin, gardant ses partenaires de la National Team mais postulant en son propre nom avec son véhicule Blue Moon. C'est donc l'entreprise établie par Jeff Bezos qui a remporté cette nouvelle sélection. Et son véhicule réutilisable est beaucoup plus gros que dans la proposition précédente !

À côté de lui, le LEM est tout petit…

S'il est plus petit que le Starship, Blue Moon n'est pas un petit véhicule pour autant… Il rentre tout juste sous la coiffe d'une fusée New Glenn (Blue Origin) avec 7 mètres de diamètre et 16 mètres de haut, pour 16 tonnes à vide (45 avec ses ergols). Une fois en orbite terrestre, Blue Moon sera transporté jusqu'à l'orbite lunaire après un rendez-vous avec un véhicule spécifique développé par Lockheed Martin, sorte de cargo inter-orbital. Puis il pourra rester plusieurs mois en attente d'un équipage ou d'un cargo à descendre sur la surface lunaire, grâce à une technologie innovante de refroidissement qui vise à éviter les habituels écueils de l'hydrogène liquide (ergol très efficient mais très peu dense, et qui s'évapore vite s'il n'est pas réfrigéré à très basse température). L'atterrisseur étonne aussi par sa forme, avec ses réservoirs sur le dessus et son compartiment dédié aux astronautes sur le dessous !

S'agissant d'un atterrisseur privé (la NASA finance mais elle n'est « que » cliente), Blue Origin se réserve aussi le droit de vendre des billets lunaires à d'autres entités ou personnes… ce qui pourrait à terme favoriser les nations n'ayant pas les moyens de développer ce type de technologie, à l'image de ce qui est mené aujourd'hui avec la capsule Crew Dragon de SpaceX. Reste que cette annonce et ces gros moyens font beaucoup parler d'eux depuis vendredi : malgré de nombreuses promesses, des partenaires solides et des milliers d'employés, Blue Origin a encore tout à prouver dans le domaine spatial…

Source : nasa