Le débat de l'accès illimité à Internet dans le domaine du fixe est reposé suite à la publication, vendredi, par le site Owni d'un document de travail confidentiel de la FFT, qui réunit pour mémoire France Télécom, SFR et Bouygues Telecom. Au terme d'une réflexion liée aux enjeux de l'Internet mobile, celui-ci propose en effet que soient mis en place des forfaits fixes segmentés, plafonnant le trafic lié à certains usages tels que la voix sur IP ou l'accès aux newsgroups, ainsi que la bande passante globale allouée à l'abonné.
L'accès à Internet fixe serait alors régulé de la même façon qu'il l'est dans le mobile : les opérateurs proposent en effet qu'au delà d'une certaine quantité de données consommées, le débit accordé à l'utilisateur soit revu à la baisse, voire purement et simplement stoppé. Si l'on suit cette logique, les opérateurs seraient alors conduits à mettre en place des offres à « quotas », comme en connaissent encore aujourd'hui certains pays.
Orange a confirmé à Owni qu'une telle segmentation faisait bien partie des axes d'étude de l'opérateur. « Pour le fixe, c'est plus délicat car il ne s'agit pas d'une phase de nouvel équipement, comme pour les smartphones dans le mobile », relativise un porte-parole de l'opérateur. « S'ils ne concernent qu' 1% des gens qui downloadent des films toute la journée, alors c'est envisageable. C'est inacceptable si cela impacte davantage de clients », indique-t-il encore. Pour faire passer la pilule, on insisterait donc sur le fait que seuls les usages exceptionnels et les consommateurs particulièrement gourmands seraient concernés par ces restrictions.
La suggestion ne fait logiquement pas l'unanimité. « Limiter Internet sur le fixe n'a aucune justification économique », commente sur Owni Edouard Barreiro, de l'association de consommateurs UFC Que Choisir. « Les coûts fixes ne varient pas selon la consommation des utilisateurs, ou très peu. Les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés: d'abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs. Les opérateurs se croient tout puissants ».
L'idée sera-t-elle poursuivie ? Seuls trois opérateurs, par ailleurs présents dans le domaine du mobile, sont associés à ces travaux, qui ne regroupent donc ni Free, ni Numericable, ni les opérateurs alternatifs. Le premier câblo-opérateur français a d'ailleurs tenu à marquer son indépendance, expliquant n'être « en rien associé aux réflexions en cours concernant la limitation des usages de l'internet fixe ».
L'Arcep, autorité des télécommunications, n'a pour l'instant émis aucun commentaire. Eric Besson, ministre de l'Industrie, a quant à lui indiqué que « le gouvernement n'envisage aucune restriction de l'accès à Internet et travaille au développement du très haut débit fixe et mobile sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des Français ».
Reste que ni le régulateur, ni le législateur, n'ont a priori leur mot à dire quant aux offres commerciales que pourraient décider de mettre en place les opérateurs. Pour procéder à une telle réorganisation de l'offre commerciale associée à l'accès à Internet fixe, ceux-ci devraient toutefois impérativement faire front commun : celui qui se désolidariserait des autres en conservant des forfaits 100% illimités profiterait en effet d'un avantage concurrentiel sans précédent.