Les sénateurs veulent faire peser de nouvelles obligations sur les opérateurs (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) en matière de fibre optique. Ils reprochent à ces derniers de privilégier la quantité à la qualité.
En juillet 2022, le sénateur de l'Ain Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues avaient déposé sur le bureau du Palais du Luxembourg une proposition de loi « visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ». En d'autres termes, les sages veulent bousculer et réorganiser le déploiement de la fibre optique qui, selon eux, soulèvent aujourd'hui de multiples problèmes. Après la remise des travaux de commission cette semaine, cap désormais sur la date du 2 mai 2023, jour où le texte sera discuté en séance. En attendant, voyons ce que peut changer cette proposition de loi.
Les sénateurs dénoncent les dégradations et le laxisme des opérateurs quant à la gestion et au déploiement du réseau fibré
D'ici la fin de l'année, grâce au Plan France Très Haut Débit (PFTHD) lancé au début des années 2010 et aux efforts des quatre grands opérateurs commerciaux, plus de 8 Français sur 10 seront raccordables à la fibre optique. Les consommateurs restants en profiteront, au plus tard, d'ici 2025, voire 2026. Le développement rapide du FttH (les abonnements à la fibre optique sont désormais majoritaires en France) ne doit cependant pas masquer ce qui est en train de devenir un « échec », aux yeux des sénateurs, qui pointent du doigt principalement le mode de raccordement des abonnés.
« Abonnés régulièrement débranchés au profit d'autres abonnés, dégradation des habitations des clients et des équipements de réseaux (armoires de rue, points de branchement optique), déchets de travaux laissés sur place, conflits entre clients et raccordeurs ». Le Sénat n'est pas tendre et évoque même des problèmes plus graves qui se verront à terme, comme les « mauvaises soudures, câbles endommagés ou soumis aux intempéries, pose instable, documentation erronée ».
Pour les porteurs de la proposition de loi, Patrick Chaize en tête, les opérateurs privilégient aujourd'hui la quantité de clients qui basculent sur la fibre, à la qualité. « Il suffit que la connexion fonctionne ! » s'offusquent-ils, rappelant que l'ARCEP (le régulateur des télécoms) enquête sur ces différents problèmes. Le déploiement de la fibre optique est d'ailleurs à la charge des opérateurs comme Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, et ce, à leur demande, au détriment des opérateurs d'infrastructures, qui ont, eux, construit le réseau dans le domaine public. Selon les sénateurs, cette répartition des rôles atteint ses limites et ne répond pas aux promesses initialement faites par les opérateurs commerciaux, ce qui dessert, pour eux, le client final. « Pour l'abonné victime, ce découpage entre opérateurs commerciaux, via une cascade de sous-traitants, et opérateurs d'infrastructures est incompréhensible », expliquent-ils.
Indemnisation et résiliation sans frais : les sénateurs veulent faciliter la vie des consommateurs victimes de longues coupures
Le Sénat pense ainsi qu'il est l'heure de légiférer, pour obtenir la remise en état des réseaux dégradés et mettre un terme aux pratiques actuelles. La proposition de loi, si elle était adoptée, permettrait aux opérateurs d'infrastructures de reprendre la main sur le raccordement.
Patrick Chaize et les sénateurs ne s'en cachent pas, la régulation passera par un renforcement des pouvoirs de contrôle, de sanction et d'astreinte de l'ARCEP sur les opérateurs intervenant sur le réseau. Ce qui n'enchante évidemment pas les principaux intéressés, déjà soumis à de nombreuses obligations qu'ils dénoncent régulièrement.
L'article 5 du texte est sans aucun doute le plus intéressant pour le consommateur, puisqu'il lui permettrait de résilier son contrat, sans payer de frais, en cas d'interruption de l'accès à Internet au-delà de 20 jours consécutifs, sauf si le fournisseur démontre que la coupure est due à une négligence de l'utilisateur. Ici, les sénateurs veulent davantage protéger les internautes. Dès 5 jours d'interruption, ils pourront demander la suspension du paiement de leur facture jusqu'au rétablissement du service. Au-delà de 10 jours consécutifs d'interruption, ils seront même indemnisés à une certaine hauteur.
Source : Sénat